Transition au Mali : Attention à la Liberté de Presse, Impossible Cohabitation entre Journalistes et le CNSP 

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Le 18 août 2020, le Mali a connu son quatrième coup d’état orchestré par le Conseil National de Salut pour le Peuple (CNSP) suite à la crise socio-politique. Si le Colonel Assimi Goïta et compagnons du Comité National pour le Salut du Peuple ont rassuré les politiques à travers plusieurs rencontres. Les journalistes, par contre, n’ont obtenu aucune garantie sur la liberté d’expression. En effet, dans aucune de ses déclarations le porte-parole Ismaël Wague n’a mentionné la liberté de presse et d’expression. Oublié ou pas, cette omission a attiré l’attention des faitières de ladite profession, à travers le président de la Maison de la Presse.

Au cours des huit années du régime d’IBK, la liberté d’expression et de la presse au Mali a fait face à une série de violations. Des attaques physiques sur les journalistes, des meurtres et des disparitions non résolues des journalistes aux arrestations arbitraires des professionnels des médias ont été enregistrés. Tout ceci a dissuadé toute velléité de reportage critique. L’internet et les réseaux sociaux ont par ailleurs été perturbés au fort des protestations.

Compte tenu de ce qui précède, on se serait attendu que le CNSP porte une attention particulière à l’amélioration de l’environnement de la liberté de la presse au Mali. Cependant, la nouvelle charte de transition proposée par le CNSP, ne parle que de « création d’un organe unique de régulation des médias » en son chapitre II. Toute chose que les responsables des médias nationaux dénoncent et qualifient de marginalisation voire même de mépris de la part du CNSP, organe chargé de l’organisation de ses assises. Pour le président de l’URTEL Bandiougou Danté, la presse malienne n’a de loin ni de prêt été associée à l’élaboration dudit document. Et pourtant, tout le monde sait que la presse est un acteur majeur de la démocratie, et elle joue le rôle du quatrième pouvoir.

La mise à l’écart de la presse des travaux des concertations nationales

Pour les responsables des faîtières, la presse n’a pas été considérée, d’abord, dans les accréditations et dans les travaux des concertations nationales qui se sont déroulés les 10, 11 et 12 septembre au Centre Internationale de Conférence de Bamako (CICB). Parmi les priorités du pays soumises aux débats, nulle part la presse n’a été citée. Une situation que les professionnels des médias affirment ne pas comprendre malgré leur rôle combien important dans l’édification de la démocratie.

« Lors des débats, on parlait du Mali sans la presse. Même si tu évoques le nom de la presse, personne ne te soutient dans la salle. Sur les 25 experts désignés, il y a eu aucun journaliste » Nous explique Modibo Fofana, président de l’Association de la presse en ligne.

« La démocratie est une table à quatre pieds : l’exécutif, le législatif, le judiciaire et la presse. Si vous enlevez un pied, elle est handicapée. Donc, on a ignoré la presse pendant les concertations nationales. Nous souhaitons avoir un espace qui favorise des médias capables de porter un message pour sauver le pays. Ce que nous voyons ne fait pas cela. Nous voyons des gens développer leurs propres intérêts », a renchérit Bandjougou Danté, président de l’Union des Radios et Télévisions du Mali.

La question de rendre la presse malienne professionnelle, capable d’être le premier relais d’information au niveau national n’a été présentée nulle part lors des discussions. En 1991, rappelle le président de la maison de la presse, Dramane Aliou Koné, les concertations nationales avaient décidé d’annexer l’aide à la presse au budget national. Cependant, cette décision a été ignorée par les responsables des partis politiques.

Le constat que nous avions pu faire, la carte de presse nationale a été ignorée. Les journalistes ont été brutalisés, ils n’ont pas été considérés. « On a eu 6 cartes toute corporation confondue pour participer à la concertation nationale. Et 40 à certain regroupement qui ne joue pas le rôle que nous jouons », a-t-il indiqué pour montrer à quel point la presse n’a pas été considérée dans cette affaire. Un mépris total envers les journalistes. Pour les responsables des faitières de la presse malienne, le CNSP est sur le banc des accusés. Il doit rectifier cette donne dans l’intérêt du pays.

La journaliste Awa Semaga, de Konafoni.info, un média en ligne, a à travers son coup de gueule, nous expliquera que lors de la cérémonie officielle de clôture prévue à 16h GMT. À 2h 30mn, les militaires ont fermé toutes les portes. “Personne n’entre, personne ne sort”, avaient-ils ordonné.

Sory Ibra Maiga, correspondant de la radio Sud FM et travaillant pour Sahelien.com, a été expulsé du CICB pour avoir simplement posé la question sur le nombre de force de sécurité déployés pour la sécurisation du lieu de la concertation nationale. Est-ce un abus ou une ignorance de nos amis de forces de l’ordre, se sont interrogés certains journalistes. Et pourtant, chaque journaliste a son angle précis pour couvrir une activité.

Par ailleurs, « lors des cérémonies des obsèques de l’ancien Président Moussa Traore, le Sous-Lieutenant Magassi Toukara du CNSP nous a brutalisé, nous empêchant de prendre des photos, et nous rendant la vie infernale » ; s’est lamenté Idrissa Sangare, Directeur de publication d’Echos Média.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) s’inquiète de l’avenir des journalistes maliens sur une impossible cohabitation entre le CNSP et les médias. La Fondation appelle les responsables du CNSP à une parfaite collaboration et considération pour les journalistes.  

Conclusion et recommandations

Face aux nombreuses crimes commis contre les journalistes au Mali qui sont restés jusqu’à ce jour non-élucidés, et par conséquent impunis, la MFWA reste inquiète quant à la situation de la presse dans le pays et interpelle tous les acteurs impliqués dans les processus de transition à s’assurer que la liberté de la presse soit garantie. La promotion et la protection du rôle d’information de la presse et des médias doit être un des piliers sur lequel devrait tabler le CNSP pour redorer son blason.

Encourager toutes les voix de la presse à s’impliquer de façon équilibrée dans le processus de transition tout en jouant leurs rôles d’informations et porteuses de différentes voix à s’exprimer dans la reconstruction et la consolidation des valeurs démocratiques au Mali.

La MFWA exhorte les journalistes et les médias, à jouer leur partition de façon professionnelle en ce moment crucial du pays pour accompagner le processus de transition et l’enracinement de la démocratie dans le pays.

Pour que la presse malienne soit à même d’assurer son rôle d’acteur de changement politique, d’incubateur et d’expression des voix sans voix dans le processus de transition démocratique, des mesures idoines doivent être prises par les différents acteurs nationaux et internationaux pour remettre à niveau ses capacités.