La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a appris avec désarroi la déclaration du Président Akufo-Addo selon laquelle l’assassinat d’Ahmed Hussein Suale, un membre de l’équipe Tiger Eye PI, dirigé par le journaliste d’investigation, Anas Aremeyaw Anas, ne serait pas une attaque sur la liberté de la presse.
S’adressant à la Conférence de l’Association du Barreau du Ghana à Takoradi dans la Région Ouest du Ghana le 9 Septembre 2019, le Président a suggérer que l’assassinat pourrait bien être un crime qui n’est pas lié au travail de la victime, et a conclu qu’il est prématuré de décrire l’incident comme un crime contre la presse.
La MFWA est profondément découragé à propos du commentaire du Président pour les raisons suivantes :
Premièrement, l’assassinat a eu lieu à peine six mois après la publication de la vidéo Numéro 12 du documentaire d’investigation qui expose la corruption dans le football au Ghana et en Afrique, suite à laquelle plusieurs menaces de mort ont été proférées contre la vie des membres de l’équipe Tiger Eye PI.
En effet, une figure de proue du parti du Président et député à l’Assemblée Nationale, Kennedy Agyapong, avait lancé une campagne vigoureuse d’incitation à la haine contre l’équipe Tiger Eye PI suite à la publication du documentaire d’investigation. Il est allé jusqu’à partager des images d’Ahmed Suale en particulier, montrant où il vivait et incitant ses partisans à l’attaquer où qu’ils le rencontrent.
Dans ces conditions, il est naturel, raisonnable et logique d’attribuer l’assassinat de Suale à son travail, et quiconque pense le contraire devrait apporter ses preuves.
Il en est de même, par exemple, pour le cas de Jamal Khashoggi, qui a été assassiné dans le Consulat d’Arabie Saoudite en Istanbul, Turquie, en Octobre 2018. Ses divergences avec le gouvernement Saoudien et ses publications d’articles critiques sur la monarchie constituent les motifs de base pour que son assassinat soit attribué à son travail par toutes les organisations de la liberté de la presse et des droits de l’homme, y compris le système des Nations Unies.
Nous trouvons aussi très déconcertant l’analogie faite par le Président sur le meurtre de J.B. Danquah, ancien député de l’Assemblée Nationale, dont il a dit ne peut être décrit comme une attaque sur l’Assemblée Nationale.
En effet, si l’ancien député avait été tué suite aux menaces à sa vie par rapport à une position qu’il aurait prise sur un problème ou à une déclaration compromettante qu’il aurait faite à l’Assemblée nationale à propos d’un individu ou un groupe, la conclusion, en l’absence de preuve contraire, serait que l’attaque est une tentative d’intimidation de l’Assemblée Nationale et de censure contre ses membres.
Il n’y a pas de doute que les circonstances de l’assassinat de Suale, a donné des frissons aux journalistes ghanéens et a le potentiel d’intimider les médias à s’autocensurer et de leur inspirer la crainte pour leurs vies lorsqu’ils sont menacés. Ceci revient à étayer le fait que Manasseh Azure Awumi et Edward Adeti, tous deux ont dû prendre des mesures pour leur sécurité personnelle suite à des menaces qu’ils ont reçues en lien avec leur profession en tant que journalistes. Par conséquent, nous trouvons qu’il est profondément décourageant de la part du Président de méconnaitre ces faits en suggérant de façon désinvolte que l’assassinat n’est pas une attaque contre la liberté de la presse.
En tant que Président du Ghana, Nana Addo-Dankwa Akufo-Addo a la responsabilité suprême du contrôle du travail des services de renseignement et de sécurité en charge d’investiguer et de poursuivre en justice les crimes. Par conséquent, nous exhortons le Président à continuer de pourvoir aux services d’investigations le soutien nécessaire pour révéler l’auteur de l’assassinat de Suale et traduire les auteurs devant la justice. Nous appelons aussi le Président à reconnaitre la récente montée des attaques sur les journalistes dans le pays et à prendre des mesures pour améliorer l’environnement de la liberté de la presse au Ghana.
Nous avons aussi noté l’appel du Président pour “un journalisme responsable” au Ghana. Cependant, nous avons noté que les acteurs politiques et les autorités publiques ont leur propre interprétation, souvent subjective, de ce qui constitue le journalisme responsable.
Par-dessus, ils lancent souvent de tels appels lorsqu’ils sont insatisfaits avec des reportages critiques. La MFWA appelle alors au journalisme professionnel. Nous exhortons aussi les médias à soutenir les reportages critiques d’investigations récentes qui contribuent de façon significative à la lutte contre la corruption au Ghana.
Finalement, nous exhortons les partis politiques et les gouvernements à démontrer leur aversion du journalisme non-professionnel en s’abstenant de récompenser des journalistes frivoles et mercenaires avec des nominations politiques.