Mauritanie: la MFWA préoccupée par la série d’interpellations et de détention d’activistes des réseaux sociaux

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La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est préoccupée par la série de détentions et d’interpellations intempestives des professionnels des médias et des activistes des réseaux sociaux sur la base des dispositions inscrites dans la nouvelle loi mauritanienne sur la cybercriminalité qui semble criminaliser des délits de presse et d’opinion.

Le 12 juillet 2021, un activiste des réseaux sociaux, Neny Ould Ahmed Ould Kerkoub, a comparu devant un juge d’instruction qui l’a placé sous mandat de dépôt à la prison civile de Nouakchott. Le parquet de la région de Nouakchott Ouest a accusé l’activiste de porter atteinte à l’unité nationale. L’accusation portée contre Ould Kerkoub survient quelques jours après son interpellation par la police et sa mise en détention pour avoir signé et diffusé sur plateformes de réseaux sociaux (Whatsapp, Facebook) un communiqué appelant à la sécession du nord de la Mauritanie.

Situation identique pour l’activiste et bloggeur Alioune Ould  El Hassen Ould M’barek dit « Alex ». Interpellé par la police  mauritanienne, le vendredi 9 juillet,  à l’aéroport international Oumtounsy de Nouakchott,  venant d’Angola, il est accusé d’avoir diffusé des audios qualifiés d’ « incitation au racisme ». Ecroué à la prison civile de Nouakchott, Alioune Ould  El Hassen est suspecté, par la justice, d’avoir utilisé un « système informatique pour l’enregistrement et la publication de vocaux incitatifs à la violence et à la haine à caractère racial ».

« L’utilisation d’internet pour saper la stabilité publique, propager de fausses rumeurs ou répandre la haine et inciter des groupes sociaux contre d’autres est inacceptable », avait déclaré, le 5 juillet 2021, le président mauritanien, en tournée agricole à Rosso, une ville située sur le fleuve Sénégal dans l’extrême sud-ouest du pays. « Quiconque agit ainsi joue avec feu, et je ne lui conseille pas de le faire », avait-il dit.

Un autre militant, Mohamed Abdellahi Ould Bounena, a été convoqué le 8 mai 2021 par le commissariat d’Arafat 1 (banlieue sud de Nouakchott, la capitale). Il avait publié sur sa page Facebook une histoire de meurtre présumé qu’il a ensuite rétractée.

“La nouvelle que nous avons publiée sur le meurtre n’est pas correcte. Donc, nous nous excusons auprès de tout le monde. Gloire à celui qui n’a pas tort”. Tels étaient les mots d’excuses d’Ould Bounena qui avait réalisé que l’information publiée était erronée. Cette rectification ne l’a pas empêché d’être arrêté pour diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux. Ould Bounena a été maintenu en détention pendant 72 heures avant d’être relâché.

Quelques semaines auparavant (24 avril 2021), son collègue Abdellahi Mohamed Ould Atigh avait été arrêté et détenu pendant 48 heures au commissariat de Boutilimitt, suite à une plainte du ministre des Affaires sociales, de l’Enfance et de la Famille. Le journaliste a été arrêté pour diffamation et diffusion de fausses informations sur les réseaux sociaux après avoir mis en doute la transparence du décaissement des fonds destinés à soutenir les personnes vulnérables économiquement affectées par le COVID-19.

Ces deux dernières interpellations intervenaient dans un contexte marqué par la recrudescence de la criminalité à Nouakchott et Nouadhibou. La sortie musclée du ministre de l’intérieur, le 3 mai dernier, à l’Assemblée nationale semble indiquer que le gouvernement reproche aux journalistes et activistes des réseaux sociaux de rependre la psychose.

Devant les députés, le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, M. Mohamed Salem Ould Merzoug a déclaré : « Certains milieux actifs dans les réseaux sociaux essaient toujours d’imposer leur vision en matière de libertés individuelles et collectives, et de la présenter dans un cadre en contradiction avec les lois et règlements en vigueur. Nous devons nous entendre sur le cadre général dans lequel ces questions doivent être traitées au lieu de les soulever de manière superficielle et avec des chiffres inexacts ».

Merzoug a, ensuite, affirmé que personne, blogueur ou journaliste, ne peut porter atteinte à la sécurité et à la quiétude des citoyens. « Toute personne qui publie des choses inexactes, et suscite la division et la haine entre les citoyens sera traduite devant les tribunaux comme le prévoit la loi », a fait remarquer le ministre.

Les harcèlements contre les professionnels des médias et des réseaux persistent en Mauritanie. En effet, outre ces interpellations, Mohamed Salem Kerboub croupit à la prison civile de Nouadhibou depuis le 7 janvier 2021. À l’instar de Mohamed Ould Atigh, Salem Kerboub, chroniqueur régulateur pour mauritannetblogspot.com avait également soulevé des questions sur la gestion des fonds destinés à aider les pauvres à faire face à la crise du COVID.

Sanctions « excessives » dans un Etat qui se veut démocratique’’

En Mauritanie, l’assemblée nationale a approuvé, le 25 juin 2020, une loi présentée par le gouvernement qui réglemente le domaine de la publication de fausses informations sur les réseaux sociaux.Les sanctions prévues par la loi varient de trois mois à cinq ans de prison assorties des amendes de 50.000 MRU (1,260 USD)  à 200 000 MRU(5040 USD).

Pour défendre son texte, le ministre de la Justice de l’époque (juriste), Haimoud Ould Ramdan, qui a présenté le projet de loi, avait  mis en garde contre la manipulation de l’information avec l’apparition de nouveaux types de communication, en particulier les réseaux sociaux, qui permet à tous ceux qui possèdent un ordinateur ou un téléphone mobile d’écrire et de publier ce qu’il veut.

Le ministre de la Justice avait  indiqué que ces dernières années, les autorités judiciaires ont reçu de nombreuses plaintes de personnes concernées par la publication sur les réseaux sociaux.

Mais il y avait un vide juridique, car le droit pénal n’avait pas de dispositions relatives à la cybercriminalité. Les militants et défenseurs des droits humains dénoncent des sanctions « excessive et disproportionnée dans un Etat qui se veut démocratique ». Le texte prévoit de criminaliser notamment la diffusion de « fake news », des publications visant à porter “atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’unité nationale ». Ils y voient une façon de «  museler la presse».

Ainsi, au-delà du souci légitime de la lutte contre les dérives, diffamations et autres insultes sur la toile, la MFWA invite le gouvernement mauritanien à ne pas faire recours  systématiquement aux lois liberticides susceptibles d’étouffer toute forme d’expression démocratique émanant des citoyens mauritaniens. Et à se conformer aux dispositions de la constitution, loi fondamentale de la République. Nous appelons d’ailleurs les autorités judiciaires d’appliquer les lois dans le sens de la protection de la liberté d’expression et de presse, tout en cherchant à garantir la sûreté de l’Etat.