Les Médias et les Élections. de 2020 au Togo: Enjeux Majeurs, Craintes d’une possible interdiction des Réseaux Sociaux

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2010
Source: Crux Now

En vue des élections pertinentes du Togo prévue pour le mois prochain, Rachad Bani Samari de la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest et le Programme Média et Bonne Gouvernance mettent l’accent sur quelques défis auxquelles le pays pourrait être confronté, et formulent quelques recommandations.

Le 22 Février prochain se tiendra au Togo, une ancienne colonie Française les élections présidentielles qui verront les Togolais élire leurs Président sur une liste de sept candidats dont le Président de longue date Faure Gnassingbé en course pour un quatrième mandat présidentiel. L’élection en vue pour Février 2020, est la première qui sera organisée depuis que les limites du mandat présidentiel ont été réinstaurées en Mai 2019.

Cette élection met l’accent sur nombres de questions dont; la limite du mandat présidentiel, le nouveau code électorale qui permet à présent aux Togolais de la diaspora de voter, le professionnalisme des médias et les Fakes News, et des craintes d’une possible interdiction des réseaux sociaux lors des élections.

Les enjeux sont particulièrement élevés en ce qui concerne cette élection vue la forte soif de la population de voire une alternance politique à la tête du pays. Le parti au pouvoir Union pour la République (UNIR) de Faure Gnassingbé est déterminé à maintenir le pouvoir tandis que deux candidats majeurs de l’opposition, Jean Pierre Fabre de l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), et Agbeyomé Messan Kodjo du Mouvement Patriotique pour la Démocratie et le Développement (MPDD) sont décidés à prendre possession du pouvoir et conduire le pays vers sa première transition démocratique.

Nouvelle lois

En vue des élections présidentielles de 2020, le Parlement Togolais a adopté en Mai 2019 une nouvelle loi qui limite le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois. Cette nouvelle loi non-rétroactive permet au Président Faure Gnassingbé au pouvoir depuis longtemps d’étendre l’emprise de sa famille sur le Pouvoir à 63 ans. Le père de Faure, Gnassingbé Eyadéma, a été à la tête du pays de 1967 à sa mort en 2005.

La nouvelle loi a été adoptée en dépit des manifestations massives des citoyens en 2017 qui exigeaient la démission du Président. Les manifestations ont conduit à des affrontements meurtriers entre les citoyens et les forces de l’ordre.

Le parlement a aussi adopté, en vue des élections de 2020,  un nouveau code électoral qui permet aux Togolais de la diaspora de participer aux élections présidentielles. La nouvelle loi stipule les critères permettant aux ambassades de servir de bureau de vote et indique les procédures permettant aux Togolais de la diaspora de se faire recenser et de voter. Cette modification a été positivement accueillie par la classe politique vue qu’elle était une demande de la part des citoyens dans le pays et dans la diaspora. Aussi, la loi est en accord avec les recommandations de la CEDEAO qui visent à exhorter le gouvernement à définir les cadres visant à guider la participation des Togolais de la diaspora aux élections.

Les Médias et les Elections.

Au Togo, la liberté d’expression et de la presse sont des droits garanties par la constitution. Malheureusement, les manifestations civiques sont réprimées par le gouvernement. Le paysage médiatique au Togo est constitué d’un nombre élevé d’organes de presse dont environs 171 journaux, 74 station radios, et 10 chaines de télévision. Cependant, malgré un paysage médiatique aussi peuplé, le rapport 2017 du Baromètre des Médias Africain sur le Togo révèle que l’indépendance éditoriale de la presse écrite n’est pas complètement assurée.

En ce qui concerne les élections de 2020, les sujets politiques font de plus en plus les titres dans le paysage des médias. La presse traditionnelle a été active dans la couverture des questions en relation avec les élections. De plus, les médias servent de plus en plus de plateforme permettant aux citoyens et politiciens d’exprimer leurs points de vue, et préoccupations à travers les discussions sur les stations radios et chaines de télévisions, ainsi que les appels téléphoniques sur les plateaux.

Les campagnes pour les élections commenceront dès le 06 Février, 2020 cependant, dans le but de fournir une couverture équitable à tous les candidats, l’organe de presse public a prévue octroyer à chaque candidats un nombre fixe de minutes sur l’antenne afin qu’ils puissent communiquer leurs projets de société au public et s’exprimer. Les communications des candidats seront diffusées à travers 54 stations radios dans le pays.

Malgré le fait qu’en générale dans le pays, et en particulier dans l’environnement des médias un calme s’observe vis-à-vis des lois nouvellement adoptées, et les élections en vue, il existe nombres de défis pertinents sur lesquelles l’accent doit être porté.

  1. Pratique croissante de la censure au sein de la majorité des médias :

Nombres d’interviews avec des journalistes influents au Togo indiquent une croissance de la censure parmi les journalistes en vue des élections de 2020. De plus en plus, plusieurs journalistes au Togo se préserve de publier des articles pertinents et sensibles, surtout lorsque ces derniers portent sur les autorités gouvernementales, des personnalités publiques, la corruption, l’armée, etc.

Au Togo, malgré l’existence des lois qui protègent les professionnels des médias, leurs misent en application n’est pas totalement effective, considérant le fait que parfois, certains journalistes font l’objet d’attaques physiques. De plus, pour des raisons de responsabilités sociales, les journalistes pratiques l’autocensure en périodes électorales. Selon le rapport 2016 de Feedom House, lors des élections précédentes, une augmentation de la censure directe a été observée.

  1. Rapprochement des Médias aux Partis Politiques/Candidats :

Les organes de presses, surtout celles qui sont privés se reprochent de plus en plus de certains candidats. La situation actuelle projette une certaine partisannerie dans l’espace médiatique avec certains organes de presse proches du parti au pouvoir et d’autre qui s’allient à l’opposition.

Au vue du rôle pertinent que joue les médias dans la sensibilisation des citoyens, le reportage non seulement des activités de l’organe de gestion des élections mais aussi des questions qui font surfaces lors des campagnes, la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) a organisé de concert avec la Haute Autorité de l’Audio Visuelle et de la Communication (HAAC) le 27 Novembre 2019, un atelier visant à sensibiliser les journalistes sur leurs rôles avant, pendant, et après les élections de 2020. La HAAC organise aussi à travers le pays nombres de sensibilisations avec les professionnels des médias et les exhortes a plus objectivité dans la dissémination des informations.

  1. Crainte d’une interdiction des réseaux sociaux

A travers le monde, les réseaux sociaux en périodes électorale jouent un rôle pertinent car ils permettent de partager les informations, publier de façon proactive l’information, l’interaction entre les candidats et leurs circonscriptions. Le Togo observe actuellement une pénétration soutenue de l’internet. Selon Internet World Stats, la pénétration de l’internet au Togo est a 12.4% et approximativement 560 000 citoyens ont un compte Facebook.

 

Cependant au Togo, les réseaux sociaux, et les blogues deviennent de plus en plus des outils utilisés pour partager les fakes news et désinformer les citoyens. Plusieurs Togolais dépendent de WhatsApp une plateforme de réseau social en ligne pour avoir accès aux informations. Cependant, il s’observe que de plus en plus de fausses et violentes images suivies de notes vocales en Français et en langues locales sont rapidement partagés à travers l’application mobile. De tels messages alimentent parfois la haine, la violence, et selon le gouvernement représente une menace pour la sécurité nationale et l’ordre public.

Des citoyens ont déjà exprimé des craintes et des préoccupations en ce qui concerne leurs incertitude sur l’accès à l’internet lors des élections, considérant que lors des présidentielles de 2015, l’accès aux informations en ligne était difficile, et l’internet était particulièrement lent.

En outre, en 2017, le gouvernement a procédé à une coupure d’Internet au nom de la sécurité nationale. Cependant, plusieurs maintiennent l’opinion selon laquelle la coupure de l’internet visait à empêcher les citoyens de protester.

Dans une publication, TogoWeb, un organe de presse en ligne, a indiqué que « si nécessaire, le gouvernement prendra les mesures nécessaires afin d’assurer la sécurité des citoyens ; des dispositions visant à assurer la sécurité et la stabilité nationale seraient prises dans l’intérêt de la population ». Selon le Conseil des Droit Humains des Nations Unies, la coupure d’internet constitue une violation flagrante des droits numériques et de la liberté d’expression des citoyens et doit être condamné à tout prix.

Recommandations

Au vue des différents développements en cette période électorale, la MFWA formule les recommandations suivantes :

  1. Formation des Journalistes en Fact-checking

Considérant qu’il ne reste pratiquement qu’un mois avant les élections, les médias au Togo ont besoins d’un renforcement de capacité sur le fact-checking en ligne et hors ligne. Cela aidera à assurer un reportage basé sur les faits et plus professionnels.

  1. Reportages sensibles aux conflits :

Les médias au Togo doivent aussi s’assurer que leurs reportages et ton vocales à travers les différentes plateformes n’incitent pas la haine et de possible menaces violentes. Les journalistes doivent être soucieux de finir l’accès à l’information à toutes les fractions de population se trouvant à divers lieux dans le pays en vue d’assurer une couverture équitable. Les media doivent aussi autant que possible dépolitiser les questions sur lesquelles ils conduisent leurs reportages.

  1. Sensibilisation des citoyens contre la propagation des Fakes News.

Nous exhortons la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), les organisations de la société civile, ainsi que les leaders d’opinion à soutenir activement les campagnes de sensibilisation des citoyens contre la propagation des Fakes News et la désinformation. Les citoyens doivent être sensibilisés sur les conséquences des Fakes News en période électorale et doivent être invités à vérifier les informations avant de les partager sur les réseaux sociaux. En résumé, ils doivent s’engager à utiliser un langage décent à l’antenne pour contribuer à une élection pacifique.

Rachad Bani Samari est Assistant de Programme sous le Programme Médias et Bonne Gouvernance de la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA).