La Justice Burkinabè a encore frappé fort : Le Journal « Le Reporter » condamné au Paiement de 12 millions de francs CFA

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Un mois après la condamnation de Yacouba Ladji Bama, le 15 mars dernier, la Justice Burkinabè a encore frappé fort. Cette fois, c’est le bimensuel d’investigation « Le Reporter » qui a été condamné au paiement de 12 millions de F CFA pour diffamation par voie de presse. Le verdict est tombé le 12 avril 2021 à l’issue des débats dans un procès qui oppose le journal à un huissier de justice, Martin NIKIEMA. Il s’agit d’une affaire de saisie-vente dans le but d’apurer les dettes d’une société.

 « Un huissier de justice accusé de vol ». C’est le titre de l’article qui a valu une poursuite judiciaire contre le journal « Le Reporter » pour diffamation et injures par voie de presse. Prévu le 22 mars 2021, c’est finalement le 29 mars que le Directeur de publication du journal d’investigation, Boureima OUEDRAOGO et l’auteur de l’article incriminé, Salifou OUEDRAOGO ont comparu devant le Tribunal.

A l’issue des débats, le Procureur a requis le paiement d’une amende de 3 millions de FCFA contre chacun des deux prévenus pour les faits de diffamation, l’injure n’étant pas constituée, selon lui. Quant au plaignant, il réclamait le paiement de dommages à hauteur de 50 millions de FCFA.

Le Tribunal a condamné « Le Reporter » au paiement de 2 millions de F CFA et 10 millions de FCFA de dommages et intérêts. Le journal a décidé de faire appel de cette décision.

En rappel, l’article incriminé a révélé que l’entrepreneur, créancier d’une société en faillite, a fait saisir par l’intermédiaire d’un huissier, du matériel de ladite société pour vendre et recouvrer son dû. Malheureusement, le matériel saisi, notamment un concasseur a été vendu par un autre huissier, Martin NIKIEMA qui se prévaut d’une opposition jonction avec d’autres collègues. Estimant que cette opération n’est pas conforme à la réglementation, l’entrepreneur a porté plainte contre l’huissier. (Voir : Justice: un huissier accusé de vol).

Selon Me Guy Hervé Kam, l’un des avocats du Journal, « cette décision confirme une mauvaise tendance de la Justice à condamner les journalistes dès lors qu’il y a affirmation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur, sans aucun égard aux précautions d’ordre professionnel qui ont entourées l’investigation et la rédaction de l’article. Car dans cette affaire, le journal a agi en bon professionnel et tous les éléments caractéristiques de la bonne foi, exclusive de la diffamation, ont été apportés au juge, mais hélas. Nous avons fait appel car c’est l’avenir même du journalisme d’investigation qui en cause ».

Ce sentiment est partagé par son confrère Me Christophe Birba pour qui « l’huissier a vendu le concasseur sans avoir procéder à une saisie préalable par lui-même. Plus grave pour certains de ses requérants l’huissier a confessé qu’il n’avait aucun titre exécutoire ».

En condamnant le Journal, la justice renforce le sentiment quasi généralisé chez les professionnels des médias qu’elle a une tendance à condamner systématiquement malgré le faisceau de preuves qui lui ont été présentées lors de l’audience.

C’est la deuxième condamnation au sein des médias en l’espace d’un mois. Le 15 mars dernier, un tribunal de Ouagadougou a condamné le Rédacteur en Chef du bimensuel « Courrier Confidentiel », Yacouba Ladji Bama.  Selon le délibéré, le journaliste a été ordonné de verser une amende de 1 million de FCFA et 1 million de F CFA au titre de frais exposés (frais d’avocats et autres de la partie plaignante). Il est également tenu à « supprimer l’article en cause, un post sur Facebook, dans lequelYacouba Ladji Bama avait soupçonné le parti au pouvoir, le MPP, d’être lié à une tentative d’assassinat qui l’aurait visé le 10 novembre 2020.

La Fondation des médias pour la L’Afrique de l’Ouest est préoccupée par ces lourdes peines infligés aux médias et leurs animateurs. Elle interpelle les autorités judiciaires et du Burkinabè sur l’impératif de procès justes et équitable qui préservent la liberté de la presse face aux tentative de musèlement à travers des recours en justice.