La Haute Autorité de la Communication (HAC), l’autorité de régulation de l’espace médiatique, a suspendu, le 3 novembre 2022, la chaine Joliba TV News et sa page Facebook pour deux mois. Le média ne reprendra ses diffusions qu’en 2023.
« Nous informons nos téléspectateurs et nos partenaires de la suspension de l’autorisation d’établissement, d’exploitation et de diffusion accordée à Joliba TV News par la convention n° 49/HAC-MALI du 29 décembre 2017 pour une période de deux mois à compter de la notification qui nous est parvenue ce jeudi 3 novembre 2022 », la chaine déclare-t-elle dans une publication sur sa page Facebook.
La direction du Joliba TV News a également indiqué qu’elle avait formulé un recours auprès de la HAC.
La suspension de la HAC n’est que la matérialisation des craintes de plusieurs organisations des médias. En effet, le 12 octobre 2022, la HAC a mis en demeure la chaîne de télévision suite à la diffusion, le 30 septembre 2022, d’un éditorial qui s’inquiétait des dangers susceptibles de nuire à la liberté d’expression et de la presse dans le pays.
La HAC a estimé que l’émission « Editorial » de Joliba TV News comportait des « allégations infondées et des passages diffamatoires. À ce titre, il viole l’éthique et la déontologie du métier de journalisme ».
« Le programme fait souvent usage d’expressions à forte connotation péjorative en parlant de l’action des autorités de la Transition », selon la HAC qui a convoqué le présentateur du programme, Mohamed Halidou Taher, à répondre aux accusations.
Plus concrètement, l’organe de régulation reproche à la chaine d’avoir tenu des propos diffamatoires et porté des accusations sans fondement à son encontre (la HAC), contre l’état de la liberté d’expression au Mali et le gouvernement de transition. L’organe de régulation s’est référé à l’article 2 de la Loi n° 2012-019 du 12 mars 2012 relative aux services privés de communication audiovisuelle.
La chaîne, dans ledit éditorial, a estimé que le ton et la posture du Premier ministre Choguel Kokalla Maiga lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies étaient hostiles et peu diplomatiques.
Joliba TV News a également déploré ce qu’elle qualifie de culture de la « pensée unique » et a enjoint la HAC de jouer « son rôle pour faire face aux multiples dérives sur les réseaux sociaux », ajoutant « qu’il y a des moments où le silence est trahison ».
La décision de la HAC de suspendre la chaine a suscité l’indignation de l’écrasante majorité des acteurs de la presse et des défenseurs des droits de l’homme du Mali.
Dans un communiqué publié le 4 novembre 2022, L’Union des journalistes de la presse libre Africaine (UJPLA) a dénoncé ce qu’elle a qualifié d’atteintes graves à la liberté d’expression. Alors qu’elle demande la levée de la sanction ainsi que la réouverture immédiate de Joliba TV News, l’UJPLA appelle les autorités maliennes au respect des textes relatifs à la liberté d’expression et à la liberté de la presse.
L’Union des Journalistes Reporters du Mali (UJRM) a également condamné avec la dernière rigueur la décision sévère de la Haute Autorité de Communication. Dans une publication sur sa page Facebook, l’UJRM a invité la HAC à reconsidérer cette décision et a exhorté les médias professionnels au strict respect de l’éthique et de la déontologie du métier surtout en cette période très sensible.
La Maison de la presse du Mali, quant à elle, invite la HAC à examiner le recours gracieux introduit par Joliba TV news et sollicite sa clémence pour lever la décision de suspension afin d’éviter ses conséquences sur la chaine, ses travailleurs, ses partenaires et ses téléspectateurs dans un contexte particulièrement difficile.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) se joint aux acteurs de la presse et des défenseurs des droits de l’homme du Mali pour condamner fermement la suspension de la chaîne d’information malienne basée à Bamako. Alors que nous sommes profondément préoccupées par le rétrécissement de l’espace civique au Mali, nous exhortons la Haute Autorité de la Communication à revenir sur sa décision qui prive des milliers de citoyens d’accéder aux informations.
Alors que nous appelons les journalistes à faire preuve de professionnalisme et de prudence, nous demandons au gouvernement de transition de préserver le droit de tous les citoyens à la liberté d’expression.