Le gouvernement militaire du Burkina Faso a suspendu la chaîne française France 24 pour avoir interviewé un chef jihadiste.
La suspension a été annoncée le 27 mars 2023 par la voie d’un communiqué signé par le porte-parole du gouvernement, Jean-Emmanuel Ouedraogo.
« Le gouvernement se désole de voir que le chef d’une organisation terroriste comme AQMI et reconnue comme telle par l’ensemble de la communauté internationale puisse bénéficier des largesses éditoriales de France 24 pour s’exprimer longuement sur les antennes de la chaîne », a déclaré le gouvernement.
« C’est avec regret que le gouvernement a découvert il y a deux semaines, une interview du ‘Chef d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI)’ sur les antennes de France 24, du groupe France Médias Monde », peut-on lire dans le communiqué, qui ajoute que France 24 a offert au groupe djihadiste l’espace nécessaire pour légitimer ses actions terroristes.
La chaîne française a révélé le 6 mars qu’elle avait réalisé une interview exclusive d’Abu Obeida Youssef al-Aanabi, le chef d’AQMI, l’organisation de coordination des groupes extrémistes les plus actifs dans la région du Sahel. Le média dément cependant l’avoir fait passer à la télévision.
« Jamais la chaîne ne lui a donné la parole directement, prenant soin de relater ses propos sous la forme d’une chronique permettant la distanciation et la contextualisation nécessaires », a réagi la chaîne française dans un communiqué.
France 24 a donc contesté les accusations qui mettent en cause le professionnalisme de la chaîne et a exprimé sa déception face à la décision des autorités burkinabés.
C’est la deuxième fois en quatre mois que les autorités du Burkina Faso s’en prennent à un média français. En décembre 2022, la junte avait suspendu Radio France Internationale (RFI), également accusée de prêter sa tribune à un « chef terroriste » pour intimider le pays.
Les coups d’État militaires et les insurrections armées ont entraîné le Burkina Faso dans une spirale de crises politiques et sociales qui ont considérablement restreint les droits civils dans le pays. Les autorités sont devenues hyper sensibles aux critiques et ont pris un certain nombre de mesures répressives à l’encontre des médias, en particulier de la presse internationale. La même situation prévaut au Mali, également en proie aux mêmes crises sécuritaires et politiques. Comme le Burkina Faso, le Mali a suspendu RFI et France 24.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est déçue par la décision du gouvernement burkinabé et invite ce dernier à lever la suspension de France 24. Le média n’a pas transmis l’interview en direct et n’a pas joué de séquence enregistrée. Il n’a fait que discuter des questions soulevées dans l’entretien avec le chef d’AQMI, sans glorifier ce dernier ou ses actions.