Deux jours après avoir restreint l’accès aux réseaux sociaux au Sénégal, les autorités ont suspendu l’Internet mobile dans ce qui constitue une série de violations continues des droits numériques des Sénégalais et de leur droit à l’accès à l’information. Le gouvernement a affirmé que cette mesure visait à lutter contre la diffusion de messages « haineux et subversifs » par le biais des plateformes de médias sociaux qui ont été suspendues le 1er juin 2023. Le Sénégal connaît une longue succession de violations des droits de l’homme. Longtemps présenté comme un symbole de la démocratie en Afrique de l’Ouest, la réputation du pays en tant que démocratie stable est pratiquement au plus bas.
« En raison de la diffusion de messages haineux et subversifs dans un contexte de trouble à l’ordre public dans certaines localités du territoire national, l’internet des données mobiles est suspendu temporairement sur certaines plages horaires. Les Opérateurs de téléphonie sont tenus de se conformer aux réquisitions notifiées », a déclaré le ministère de la Communication, des télécommunications et de l’économie numérique le 4 juin 2023.
Les autorités sénégalaises n’ont pas précisé les zones touchées par la récente suspension de l’accès à l’internet. Cependant, le 4 juin, et même le 5 juin 2023, des habitants de la capitale Dakar ont fait état de difficultés à accéder à l’internet sans connexion Wi-Fi.
Les statistiques de Netblocks confirment que l’accès à l’internet mobile a été suspendu dans le pays. La plateforme de suivi de l’internet a également révélé que la suspension de l’accès à l’internet mobile s’est déroulée selon un modèle de couvre-feu quotidien.
Le pays d’Afrique de l’Ouest a connu l’un des épisodes de troubles de l’ordre public les plus meurtriers depuis des décennies. Seize (16) personnes ont trouvé la mort (le gouvernement a annoncé 9 morts le premier jour), et des centaines ont été blessées lors d’arrestations massives depuis le 1er juin 2023. Ces troubles font suite à la condamnation du chef de l’opposition, Ousmane Sonko, à deux ans de prison le 1er juin 2023, pour “corruption de la jeunesse”, après avoir été acquitté d’un viol. Cette condamnation l’empêche de se présenter aux prochaines élections présidentielles de 2024.
Les manifestants seraient également indignés par le désir présumé du président Macky Sall de briguer un troisième mandat, considèrent par beaucoup comme inconstitutionnel.
La suspension de l’Internet mobile est intervenue après une série de restrictions des droits à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. Le 1er juin 2023, les autorités étatiques ont considérablement restreint l’accès à plusieurs réseaux de médias sociaux, notamment Facebook, Twitter, WhatsApp, Instagram, YouTube et Telegram. Certains citoyens ont eu recours à des réseaux privés virtuels (VPN) pour surmonter cette restriction. En plus de la restriction des médias sociaux, les autorités ont coupé le signal de la chaîne de télévision Walf Tv pour avoir prétendument montré des images en continu des manifestations.
L’accès à l’internet est devenu vital dans presque tous les aspects de la vie. Les coupures de l’internet mobile constituent par conséquent une grave atteinte aux droits numériques, à l’accès à l’information, à la liberté d’expression et à la liberté de réunion. Avec un taux de pénétration de l’internet supérieur à 58% au Sénégal en janvier 2023, ces perturbations affectent des millions d’utilisateurs. En outre, le Sénégal perd un montant estimé à 8 millions de dollars par jour en raison des coupures d’Internet à l’échelle nationale, selon Netblocks.
La Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement les multiples atteintes aux droits des citoyens d’accéder à l’information et de communiquer via les médias sociaux. Il est inacceptable que les citoyens soient privés d’accès à Internet à un moment critique où ils ont besoin d’être informés de ce qui se passe et de rester en contact avec leurs proches et leurs amis. Nous demandons instamment au gouvernement de rétablir sans condition la connexion à l’internet mobile au Sénégal.