La police de Niamey a arrêté et détenu un journaliste d’investigation, Ali Soumana, après qu’il ait publié un article sur les réseaux sociaux concernant une affaire de corruption au sein du ministère de la défense du pays.
Ali Soumana, directeur du journal Le Courrier, a écrit sur un scandale de corruption impliquant des fonds à hauteur de 76 milliards de francs CFA en relation avec l’acquisition d’équipements militaires.
“Les commerçants mis en cause dans le rapport d’audit ont commencé à défiler devant l’agence judiciaire de l’Etat, la structure étatique qui est née sur les cendres du service du contentieux de l’Etat. Là-bas, on leur demande s’ils ont l’intention ou non de rembourser les sommes qu’on leur reproche d’avoir encaissées en trop perçu. S’il s’engage à rembourser, le commerçant est alors invité à proposer un moratoire de remboursement et le sujet est clos. Dans le cas échéant, c’est la direction de la prison qui est indiquée”, a publié Soumana le 11 juin.
Il a également affirmé que, contrairement à ce que le procureur de Niamey avait suggéré le 23 juin, “l’affaire n’a pas été confiée à un juge d’instruction”.
Le journaliste a été arrêté le 12 juillet et détenu à la Direction des enquêtes criminelles de la police de Niamey. Après deux nuits de garde à vue, il a été présenté devant un tribunal le 14 juillet, avant d’être libéré sous caution.
Ce scandale est un secret de Polichinelle au Niger. Cependant, cela met très mal à l’aise les autorités chaque fois que des remarques critiques ou des publications sont faites à son sujet, notamment sur les réseaux sociaux. L’arrestation de Soumana est la deuxième en 32 jours concernant des publications sur le même sujet.
Le 10 juin 2020, Samira Sabou, journaliste et activiste, avait été arrêtée après avoir fait une publication critique similaire sur le sujet sur Facebook. Elle est toujours en détention. Sabou a également comparu devant un tribunal le 14 juillet pour diffamation par voie électronique, en vertu de la loi nigérienne sur la cybercriminalité. Le procureur de la République a requis un mois de prison contre elle, ainsi qu’une amende d’un million de francs CFA (1 728,26 USD).
Contrairement à Soumana, Sabou n’a pas été libérée malgré plusieurs appels aux autorités lancés par des groupes internationaux et régionaux de défense de la liberté de la presse, dont la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest. L’affaire Sabou a été reportée au 28 juillet.
Le Niger a souscrit à de nombreux pactes et instruments internationaux et régionaux qui garantissent la liberté de la presse et la liberté d’expression. Cependant, nous constatons que les autorités sont de plus en plus intolérantes à l’égard des critiques et des publications sur la corruption dans un pays qui a interdit la détention et les peines de prison pour les délits de presse.
Le MFWA se félicite de la libération d’Ali Soumana. Il n’aurait pas dû être arrêté et détenu en premier lieu. Il est du devoir constitutionnel du journaliste de dénoncer la corruption pour protéger les deniers publics. Il est donc inacceptable que les autorités tentent de museler les voix critiques qui s’élèvent pour demander des comptes. La MFWA appelle donc les autorités à libérer Samira Sabou tout en abandonnant toutes les charges retenues contre elle.