La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest se dit consternée par la détention arbitraire des journalistes Ferdinand Ayite et Joel Egah suite à des plaintes déposées par deux ministres du gouvernement qui affirment avoir été diffamés par les journalistes lors d’une émission sur une web TV. Nous trouvons cette action contre les journalistes scandaleuse et demandons leur libération immédiate ainsi que la fin du harcèlement.
Le 9 décembre, des agents de la police nationale ont arrêté M. Ayité, directeur du journal privé L’Alternative, après qu’il a répondu à une convocation de la Brigade de recherche et d’investigation (BIR). Il a été interrogé et détenu sous mandat de dépôt. Le 10 décembre 2021, c’est au tour d’Egah, le directeur du journal privé Fraternité, et de Kouwonou, le rédacteur en chef de L’Alternative. Egah est accusé de diffamation et d’outrage à l’autorité, même chef d’accusation que celui retenu contre Ayite. Comme ce dernier, Egah a été placé en détention, tandis que Kouwonou a été libéré sous contrôle judiciaire, après avoir été accusé de complicité de diffamation envers les ministres du gouvernement, Pius Agbetomey et Kodjo Adédzé.
Les accusations portent sur les propos des trois journalistes concernant deux ministres togolais lors de l’édition du 30 novembre 2021 de « L’autre journal », une émission de débat sur la chaîne Youtube du journal L’Alternative, suivie par plus de 15 000 personnes. Au cours de ladite émission, les trois journalistes ont semblé taquiner les ministres, dont ils n’ont pas mentionné les noms, pour avoir prétendu être devenus pasteurs. Les journalistes ont également semblé lier lesdits ministres à des actes présumés de détournement de fonds.
Selon Elom Kpade, l’avocat des journalistes, aucune plainte officielle n’a été déposée contre les journalistes et ils n’auraient pas dû être arrêtés “sur la base d’un appel téléphonique” des ministres.
La détention des deux journalistes et le placement d’un troisième sous contrôle judiciaire viennent s’ajouter à la liste croissante des journalistes persécutés au Togo, où tous les signes indiquent une répression totale de la liberté d’expression et de la liberté de la presse, tant en ligne qu’hors ligne.
Ferdinand Ayite et son journal L’Alternative en particulier ne sont pas étrangers aux problèmes avec les autorités togolaises. Il est l’un des journalistes les plus engagés et les plus courageux du Togo. Il a été constamment harcelé, arrêté et détenu. En février 2021, L’Alternative a été suspendu pour quatre mois par l’autorité de régulation des médias, la HAAC, dans une affaire impliquant le ministre du Logement, Koffi Tsolenyanu. En mars 2020, le journal a été suspendu pendant deux mois après une plainte de l’ancien ambassadeur de France au Togo.
Cela fait presque 17 ans que le Code de la presse togolais a supprimé les peines privatives de liberté pour les délits de presse. Cependant, dans le cadre de cette accusation, il est considéré que les faits relèvent du droit commun car ils ont eu lieu sur un “ réseau social “.
Selon le code pénal togolais, quiconque est reconnu coupable « d’outrage à des représentants de l’autorité publique » est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et d’une amende de 1 million de francs Cfa (1 722 USD). La publication de fausses nouvelles est punie d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans et d’une amende de 2 millions de francs CFA (3 445 dollars américains).
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest déplore et condamne la détention illégale et arbitraire de ces journalistes dans un nouvel incident qui ternit davantage l’image du Togo en matière de liberté de la presse. Nous appelons les autorités togolaises à libérer sans délai les journalistes Ferdinand Ayite et Joel Egah et à mettre fin au plus vite au harcèlement judiciaire dont est victime le journaliste Isidore Kouwonou.
La détention provisoire est ordonnée après une audience publique en présence du procureur de la République et de l’accusé, assisté d’un avocat. Au Togo, où les délits de presse ont été dépénalisés, ces journalistes n’auraient pas dû être détenus illégalement et arbitrairement, d’autant plus qu’aucun document officiel relatif auxdites plaintes n’a été présenté. Ceci constitue un abus d’autorité et de pouvoir flagrant ainsi qu’une violation des droits et libertés des journalistes.
Les autorités togolaises doivent mettre fin à la répression de la liberté d’expression et des journalistes, aux abus de pouvoir et aux détentions arbitraires et illégales. Dans l’exercice de leurs fonctions (en ligne ou hors ligne), ces journalistes ne doivent pas être mis en examen ou jugés en vertu des dispositions du code pénal, mais plutôt du code de la presse.