MFWA, autres acteurs cherchent des solutions au climat d’insecurité pour les journalistes du Burkina Faso

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La Media Foundation For West Africa (MFWA) et le Centre national de presse-Norbert Zongo (NP –NZ) ont organisé le 30 août 2021 un Forum sur la sécurité des journalistes au Burkina Faso. Sous le co-parrainage des Ministres de la Sécurité et de la Communication du Burkina Faso, ce forum a regroupé une cinquantaine de journalistes issus de sept (7) régions du Burkina Faso dans le but de trouver ensemble des solutions aux défis sécuritaires auxquels font face les journalistes du pays. Le forum a été organisé avec l’appui financier de l’international Freedom of Expression Exchange (IFEEX).

I –  Aperçu Contextuel

 Au cours des derniers mois, nombre de violations de la liberté de la presse ont été enregistrées au Burkina Faso, mettant en exergue la situation sécuritaire particulière du pays et son impact sur les médias.

Le 26 avril, 2020, deux journalistes espagnols, David Beriáin et Roberto Fraile, ont été tués aux côtés d’un écologiste irlandais, Rory Young, après qu’un groupe terroriste a ouvert le feu sur leur convoi dans la région de Fada N’Gournma-Pamala, dans l’est du Burkina Faso.

Le 2 décembre 2020, des inconnus ont mené une attaque armée contre le domicile de Séry Baoula, journaliste de la RTB/Radio d’État. Les assaillants ont laissé les murs du bâtiment criblés de balles et la famille du journaliste paralysé de peur.

Le 10 novembre 2020, la vitre de la voiture dans laquelle le journaliste d’investigation Yacouba Ladji Bama voyageait de Dori à Ouagadougou a été touchée par balle.

Malheureusement, alors que la sécurité des journalistes est menacée par la situation sécuritaire très précaire dans le pays, les autorités ont introduit de nouvelles dispositions qui infligent des amendes allant à 10 millions de francs CFA (environ 17 350 Dollar) et des peines de prison allant à cinq ans pour des publications « susceptibles de compromettre la conduite d’une opération ou d’une intervention des forces de défense et de sécurité contre les actes terroristes. »

Les journalistes burkinabés sont donc aux prises avec un dilemme. Ils sont appelés à promouvoir une gestion transparente des ressources publiques et à exiger des comptes des institutions étatiques, y compris l’armée. Ils sont également censés assurer des reportages pour informer et sensibiliser le public sur la situation sécuritaire dans le pays.

Pourtant, ils risquent d’être arrêtés et poursuivis en vertu de lois antiterroristes vagues. Ils se voient refuser le droit légal d’accéder aux informations officielles et leur mouvement vers les sources d’information est limité par des lois et le risque d’être attaqué par des terroristes.

C’est dans ce contexte que ce Forum sur la sécurité des journalistes a été organisé.

II – Déroulement du Forum

Le forum qui a vu la participation de plusieurs journalistes des différents médias Burkinabès. Il a été rehaussé et ouvert officiellement par deux ministres, à savoir le Ministre de la Communication et des relations avec le Parlement et Porte-parole du Gouvernement Monsieur Ousseini Tamboura et le Ministre de la sécurité Monsieur Maxime Koné.

Le Ministre Ousseini Tamboura lors de son mot       Le Ministre Maxime Koné prononce le discours d’ouverture

Dans leurs mots d’ouverture, les deux ministres ont convergé sur un conseil prodigué à l’endroit des femmes et hommes des médias : « restez proche de votre déontologie,

Dans leurs mots d’ouverture, les deux ministres ont convergé sur un conseil prodigué à l’endroit des femmes et hommes des médias : « restez proche de votre déontologie, restez professionnels !».

Le forum avait l’objectif d’engager les débats entre les femmes et hommes des médias sur les impacts de l’insécurité dans leur exercice de la liberté d’expression et de la presse. Il a été animé autour de 3 exposés réalisés par des experts et chercheurs dans les domaines de la sécurité et des médias.

Le premier exposé de l’expert en sécurité, Monsieur Mahamadou Sawadogo, était intitulé : « Médias et Contexte sécuritaire : Ce qu’il faut savoir et comment se comporter ? ».

 Il a été développé sur deux parties :

  • La première partie portait sur la « Compréhension du contexte sécuritaire ». Ici l’exposant est revenu en détails sur les différents incidents sécuritaires qui ont marqué la période de 2021 au Burkina Faso ;
  • Dans la deuxième partie il a développé des stratégies de comment il faut se comporter en tant que femme et hommes de médias face à ces situations sécuritaires.

Le deuxième exposé du forum était intitulé : « Menaces contre les journalistes Burkinabès ». Il a

été développé par le chercheur en Communication et Médias, le Docteur Lassané Yaméogo.

Celui – ci a axé son exposé sur des points suivants :

  • La liberté de la presse et sécurité des journalistes dans le monde ;
  • La typologie des menaces et violences contre les journalistes au Burkina Faso dont des assassinats, des menaces de mort et tentatives d’assassinat, des agressions physiques, des retraits de cameras, saccages et incendies et incendies des équipements et installations; des cambriolages, de l’insécurité économique, de la cyber violence et cyber harcèlement, de la vindicte populaire par certaines sources d’information, des journalistes agressés lors des manifestations entre 2015 et 2020
  • L’impact du nouveau code pénal sur le travail journalistique ;
  • Stratégies de protection et d’atténuation des menaces. Il a notamment proposé en guise de solutions :

     La création d’une plateforme d’alerte à la sécurité des journalistes ;

     La mise en place d’un système d’assistance judiciaire

     La mise en place d’un cadre législatif garantissant la protection de l’intégrité physique et morale des    journalistes

Le troisième exposé a porté sur : « Comment le journaliste doit -il se protéger sur le terrain de la collecte des informations ? ». L’exposé a été réalisé par le binôme composé du Commandant Herve Yé, responsable des services de communication de la gendarmerie et Hyacinthe Sanou qui est journaliste, spécialiste des questions sécuritaires.

Le Commandant Yé expose sur l’autoprotection du journaliste sur le terrain

Le binôme a axé l’exposé sur les points suivants :

  • Défis pour le journaliste ;
  • La relation civilo -militaire et la collaboration avec les autres membres des forces des défenses et forces de sécurité intérieure ;
  • L’éthique et la déontologie en journalisme ;
  • Les règles de couverture médiatique ;
  • Le reflexe à cultiver ;
  • Les précautions à prendre sur les réseaux sociaux en général
  • Les questions des sources ;
  • Les précautions éditoriales ;

A chaque fois ces exposés ont été suivis et enrichis à travers des débats et échanges des participants.

A l’issue de ces débats et échanges, des recommandations ont été formulées à l’endroit de différentes structures ayant, d’une part les médias dans leurs attributions et d’autres part la sécurité ; à l’endroit des femmes, hommes et organisations des médias, mais également à l’endroit du gouvernement burkinabè.

 III- Recommandations

a. – A l’endroit des journalistes :

  • Approfondir la réflexion journalistique sur les motivations des terroristes
  • Analyser les risques, concevoir et mettre en œuvre les outils de sécurité avant toutes les initiatives dans les zones à risque
  • Eviter la dramatisation de la situation ;
  • Intégrer les risques dans le processus de préparation des reportages sur terrain ;
  • Eviter d’interviewer les terroristes et les otages, et de décrire les tactiques et scénarios des FDS ;
  • Exercer en se rappelant toujours de la responsabilité sociale
  • Continuer à informer, garantir l’état de droit et assainir le débat public

b. – A l’endroit des organisations professionnelles des médias (OPM) :

  • Plaider pour la mise en place d’un fond pour venir en aide aux journalistes en difficultés suite à la situation sécuritaire ;
  • Former les journalistes à la responsabilité sociale ;
  • Créer une plateforme pour documenter les cas de menaces des journalistes ;
  • Travailler à réactualiser le guide sur la sécurité du journaliste pour prendre en compte le contexte ;

 c. – A l’endroit du Ministère de la sécurité :

  • Concevoir un guide pratique sur la collaboration civilo -militaire
  • Aider les OPM dans la réactualisation du guide sur la sécurité du journaliste ;
  • Mettre en place une stratégie de sécurité des personnes ressources ;
  • Mettre en place un réseau des répondants de la presse dans chaque entité des Forces de sécurité ;

d. – A l’endroit du Gouvernement burkinabè :

  • Créer, mettre en place et financer un centre de recherche sur la sécurité (à l’image de ce qu’a fait le Niger) ;
  • Ecouter et suivre les conseils des experts en matière de recherche sur la sécurité