Afrique de l’Ouest: Montée des incidents peu professionnels. Comportement inquiétant de la part des médias

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Des cas de conduite peu professionnelle de la part des médias et les sanctions ultérieures infligées par la justice ou les instances de régulation des médias ont progressé ces derniers temps dans nombre de pays ouest-africains.

La situation est d’autant plus inquiétante puisqu’elle a une forte tendance à porter atteinte aux gains obtenus au fil des années en matière de liberté de la presse, à éroder la confiance que fait le public aux médias et, de ce fait, à avoir un impact négatif sur la capacité des médias à jouer de manière efficace leur rôle de contrôleurs.

Tandis que le manque de professionnalisme demeure un défi majeur pour le développement des médias partout en Afrique de l’Ouest, la Fondation pour les Médias en Afrique de l’Ouest (MFWA) est particulièment préoccupée par les tendances qui se produisent en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire, au Sénégal et au Ghana.

Au cas de la Sierra Leone, par exemple, jusqu’à 15 organisations de média ont, au cours des 14 dernières semaines de cette année, été reconnues coupables de fautes professionnelles et sanctionnées par l’organe de régulation des médias du pays, la Commission indépendante des médias (IMC). Treize journaux – The Torchlight, The Informant, Standard Times, Metro, Independent Observer, Prime Time, Democrat, African Youth Voices (AYV), Arigbo, Owl, News Watch, Champion et Nation Business and Finance – et deux stations de radio, Radio New Song et Radio Bankasoka, ont été condamnées à des amendes de diverses sommes pour infraction aux dispositions du Code de pratique de l’IMC.

Les journaux Independent Observer et Torchlight ont déjà été condamnés à des amendes deux fois déjà cette année. En février dernier, le journal Independent Observer a été suspendu pour manquement au paiement d’une amende infligée par l’IMC avant d’être condamné de nouveau pour infraction au principe du Code de pratique de l’IMC qui désapprouve l’outrage à la pudeur et la publication des matériels pornographiques. Trois autres journaux – Nation, Exclusive et All-Met Business Journal – ont également reçu des mises en demeure de la part de l’IMS, suite à la perpétration des fautes professionnelles.

Cette situation a poussé les autorités sierra-léonaises, y compris le président de la République, M. Ernest Bai Koroma, et le président de l’IMC, l’ambassadeur Allieu Kanu, à lancer plusieurs appels à l’endroit des médias en vue de leur demander de faire preuve de professionnalisme dans leurs reportages. Malgré les appels et les sanctions, des violations fréquentes  du Code d’éthique persistent.

En Côte d’Ivoire, plusieurs organisations de média et journalistes ont été sanctionnés au sujet de leur conduite peu professionnelle au cours de ces 15 derniers mois. Rien qu’en 2014, huit journaux et quatre journalistes ont été sévèrement sanctionnés par l’instance de régulation de la presse ivoirienne, le Conseil National de la Presse (CNP), pour manquement aux devoirs de la profession. Les huit journaux étaient Notre Voie, Le Jour Plus, Le Temps, Le Nouveau Courrier, Aujourd’hui, Soir Info, Le Quotidien d’Abidjan,  et Le Monde d’Abidjan. Moussa Traorè, Alafé Wakili, N’Guessan Kouassi et Oula Saint Claver étaient les quatre journalistes sanctionnés. Les sanctions ont compris des amendes, des suspensions et des retraits de licences.

Par conséquent, la MFWA a adressé une pétition au CNP pour porter plainte contre la sévérité des sanctions et le fait que de telles sanctions risquent d’aboutir à l’autocensure de la part des médias du pays. En même temps, la MFWA a exhorté les médias à faire preuve de professionnalisme et de circonspection dans leurs reportages.

Alors qu’il y a eu des cas de manquement aux devoirs de la profession de la part de nombre de journalistes sénégalais ces derniers temps, il faudrait attirer l’attention sur un incident récent de chantage impliquant un journaliste en ligne, Ibrahima Ngom. Le 22 avril 2015, un tribunal de la capitale sénégalaise, Dakar, a infligé une peine de prison de six mois avec sursis pour avoir exercé un chantage sur M. Mor Ngom, ministre-conseiller du Président Macky Sall.

Dans une série de SMS, le journaliste avait accusé le ministre d’entretenir une affaire amoureuse et avait essayé de lui extorquer de l’argent. En plus d’exercer ce chantage sur le ministre au sujet de l’affaire amoureuse présumée, il a également envoyé des SMS injurieux à la fille du ministre. Il aurait envoyé plus de 50 SMS injurieux ou de chantage au ministre et à sa fille.

Suite au dépôt d’une plainte auprès du tribunal, l’Association sénégalaise de la presse en ligne a fait appel au ministre pour qu’il retire la plainte. Le ministre a accepté de donner suite à l’appel lancé par l’Association des médias. Toutefois, l’action avait déjà été enclenchée.  Par conséquent, le tribunal a condamné le journaliste à six mois de prison avec sursis, mais a fait preuve de clémence en raison du fait que le ministre a retiré sa plainte. Sa peine a donc été réduite à deux mois.

Le manque de professionnalisme de la part des medias sénégalais a provoqué l’inauguration d’un jury des pairs en août 2014 en vue d’aider à la promotion des normes professionnelles. Un processus visant à mettre en place un Code de la presse et à dépénaliser la diffamation et les délits de presse a été bloqué par les députés qui s’inquiètent du fait que la dépénalisation de la diffamation pourrait aggraver le manque de professionnalisme au sein des médias.

Au Ghana, nombre d’individus et d’experts ont soulevé des préoccupations au sujet du taux alarmant perçu du manque de professionnalisme au sein des médias. Pour certains, il y a lieu de craindre que la montée des manquements aux devoirs de la profession de la part des médias ne puissent inciter le public à soutenir des actions destinées à limiter la liberté de la presse dans le pays. Déjà, les tribunaux ghanéens infligent contre les médias, des amendes qui sont perçues comme étant punitives et qui risquent de paralyser ou de démembrer les organisations de média incriminées.

“La menace la plus importante à laquelle se trouve confronté la liberté de la presse au Ghana aujourd’hui n’est ni la législation, ni les restrictions gouvernementales. Il s’agit plutôt de la gravité du manque de professionnalisme au sein des médias qui incite le public à se méfier des médias. Le public tend de plus en plus à soutenir et à légitimer les actes de violence perpétrés contre les journalistes en raison du manque de professionnalisme de la part des journalistes”, a affirmé le Directeur-Exécutif de la MFWA, Sulemana Braimah, lors d’un forum organisé pour les rédacteurs et les directeurs des médias à Accra.

Tandis que la MFWA continue à lutter en faveur des droits des médias et de la liberté d’expression en Afrique de l’Ouest, l’organisation exhorte également les journalistes, les propriétaires des médias, les associations professionnelles et les institutions d’enseignement à prioriser le professionnalisme. Nous exhortons également les gouvernements à soutenir le développement professionnel des médias à travers des cadres et une affectation efficace des ressources, tel que préconisé par le Protocole de la CEDEAO sur la Bonne Gouvernance et la Démocratie.