Au moins cinq personnes ont été tuées en Côte d’Ivoire après les violentes manifestations qui ont suivi l’annonce par le Président Allasane Ouattara de sa candidature pour un troisième mandat.
Plus de 100 personnes ont également été blessées, dont 10 officiers de police et 2 gendarmes selon les chiffres du gouvernement. Les partis d’opposition ont cependant estimé le bilan à douze morts.
Les affrontements ont opposé des manifestants rivaux soutenant le candidat du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et ancien président de 1993 à 1999, Henri Konan Bédié et le président Alassane Ouattara.
Le président Ouattara s’est assuré un second mandat facile en 2015, cinq ans après avoir remporté en 2010 des élections intensément disputées contre Laurent Gbogbo qui ont entraîné la mort de plus de 3000 Ivoiriens. Selon la constitution du pays, les mandats présidentiels sont limités à deux mandats de cinq ans. Le parti du Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix (RHDP) de Ouattara avait désigné l’ancien Premier ministre Amadou Gon Coulibaly comme son candidat à la présidence pour les élections d’octobre, mais Coulibaly est mort le 8 juillet 2020, plongeant le parti dans une recherche désespérée d’un nouveau candidat crédible à brève échéance. Le président Ouattara a alors annoncé sa candidature, arguant qu’une nouvelle constitution, adoptée le 8 novembre 2016, remet le compteur à zéro.
La candidature du président à son troisième mandat ravive une blessure sociopolitique qui n’est pas encore complètement cicatrisée. La décision de M. Ouattara a suscité la colère, le choc et l’indignation de plusieurs organisations de la société civile, qui ont appelé à la manifestation à Abidjan et dans tout le pays le 13 août.
Le gouvernement a réagi en déclarant illégales les manifestations prévues et a ensuite déployé les forces de sécurité à des points stratégiques de la capitale économique et d’autres villes où les manifestations avaient été programmées.
“Le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation informe les organisateurs des manifestations prévues pour le jeudi 13 août 2020 qu’ils n’ont pas suivi les procédures appropriées, et ne sont pas autorisés”, a déclaré le ministre du secteur, Sidiki Diakite, dans un communiqué de presse.
Le premier vice-coordinateur national de la CICI, Daleba Nouhoun, qui s’est entretenu par téléphone avec le MFWA, a déclaré : “Depuis l’avènement de ce gouvernement, toutes les manifestations qui ne vont pas en leur faveur sont réprimées ou interdites”.
Les manifestants contre un troisième mandat ont défié l’interdiction des autorités et ont fait l’objet d’une répression par les forces de sécurité qui ont dispersé les foules avec des gaz lacrymogènes et des matraques.
Pulchérie Gbalet, présidente de l’ONG ivoirienne Alternative citoyenne (ACI), a été accusée d'”incitation à la révolte et appel à l’insurrection” et arrêtée dans la nuit du 15 août, avec deux de ses collaborateurs, par des hommes non identifiés. Une pétition est actuellement en ligne pour sa libération.
A Bonoua, le fief de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président Laurent Gbagbo, une personne aurait été abattue. À Gagnoa, une ville de la région de l’ancien président, une personne aurait également été tuée.
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est très préoccupée par la tournure des événements dans le pays. Le climat actuel n’est pas de bon augure pour une couverture médiatique pacifique des élections et un discours politique sain dans lequel les citoyens peuvent se sentir en sécurité pour prendre part à l’élection. Le climat actuel est susceptible de dissuader le journalisme critique, la libre expression des opinions dissidentes et la participation aux rassemblements politiques qui sont une partie essentielle des processus électoraux.
Nous condamnons les affrontements intercommunautaires des deux côtés, qui risquent de saper tous les efforts de paix et de réconciliation déployés par les différents acteurs pour consolider la paix et la démocratie en Côte d’Ivoire.
Le MFWA condamne également l’usage excessif de la force par les agences de sécurité, et demande des enquêtes impartiales sur les violentes attaques contre les manifestants. Nous demandons la libération des manifestants qui ont été arrêtés et encourageons tous les partis politiques à sensibiliser leurs partisans à la nécessité de préserver la paix fragile en Côte d’Ivoire et de consolider sa démocratie naissante. Nous appelons les médias à faire preuve de professionnalisme dans leur travail et demandons instamment aux acteurs des médias de prendre des mesures et d’adopter des stratégies pour assurer la sécurité des journalistes avant, pendant et après les élections.