Hier, à Ouagadougou, a débuté le procès d’un commerçant âgé de 35 ans et soupçonné d’avoir proféré des menaces dans un audio devenu viral à l’encontre de Ahmed Newton Barry, un des plus éminents journalistes du Burkina Faso.
Le commerçant dont le nom n’a pas été rendu public, a comparu devant le tribunal le 15 juillet 2022 pour « diffamation, insultes publiques, incitation à la violence et destruction de propriété privée par le biais des réseaux sociaux », selon la Brigade de lutte contre la cybercriminalité (Brigade Centrale de Lutte Contre la Cybercriminalité – BCLCC) du pays.
En juin 2022, ledit audio, qui contenait le message de haine, a circulé en ligne au Burkina Faso. Dans cet enregistrement, le suspect appelle les gens à réduire en miettes le domicile de Newton Ahmed Barry.
S’exprimant en langue locale, le « Mooré », la voix dans l’audio a attaqué Barry et a appelé les gens à « brûler sa maison, à la démolir complètement, à ramasser tous les débris et à nettoyer le terrain », selon les informations. Dans l’audio, le locuteur a également décrit le journaliste comme un « terroriste qui ne mérite pas de vivre au Burkina Faso. »
Ahmed Barry a contacté le Procureur du Faso, Harouna Yoda, pour signaler la menace de mort proférée à son encontre. L’affaire a par la suite été signalée à l’unité de lutte contre la cybercriminalité du pays. La BCLCC a réussi à appréhender le suspect qui a reconnu être l’auteur de l’enregistrement.
Barry est un ancien rédacteur en chef du journal privé L’Evènement, et a également été une fois le président de la Commission électorale indépendante (CENI). Réputé pour son franc-parler sur la situation sociopolitique du Burkina Faso, Barry est une voix récurrente sur de nombreuses plateformes médiatiques du pays.
Le journaliste aurait été pris pour cible en raison de son scepticisme à l’égard de la coopération entre le gouvernement malien et une société de mercenaires russes. Il a expliqué qu’il avait des réserves quant à l’intérêt que la collaboration Russie-Mali dans la lutte contre le terrorisme, rapporterait aux deux pays. Le journaliste a fait ce commentaire le 9 mai 2022, lors de « Surface de vérité », une émission en direct de la chaîne de télévision privée BF1.
Barry a déclaré à la MFWA que l’auteur de la menace a expliqué à la BCLCC qu’il faisait partie d’un groupe WhatsApp burkinabé pro-Russie et que les membres du groupe étaient furieux à cause des propos tenus par Barry, les interprétant comme son apparente aversion pour la Russie.
Le contenu de l’enregistrement a suscité la consternation et l’indignation dans le pays. Les Organisations professionnelles des médias (OPM), ont par conséquent, émis un communiqué le 20 juin 2022 pour condamner la menace.
« Les Organisations professionnelles des médias condamnent fermement cet acte de malveillance extrémiste, gratuit et superflu envers M. Barry. » Les OPM « appellent les autorités du Burkina Faso à assurer de toute urgence la protection de Newton Ahmed Barry », peut-on lire dans le communiqué.
L’affaire a été ajournée au 22 juillet 2022, l’accusé n’ayant pas d’avocat pour le défendre.
Le journaliste a déclaré qu’il ne se sentait plus vraiment en sécurité car l’environnement dans le pays est hostile et que du jour au lendemain, n’importe qui peut devenir un ennemi en raison de ses opinions.
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement la menace et l’incitation publique contre le journaliste Ahmed Barry. Tout en saluant les poursuites judiciaires entamées contre l’auteur des menaces, nous appelons aux autorités du Burkina Faso à prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité du journaliste.