La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA), condamne le blocage des réseaux sociaux au Sénégal, la suspension de deux chaînes de télévision ainsi que la répression mortelle des manifestations. Tout en dénonçant également les manifestants violents qui s’en sont pris à d’autres médias, la MFWA appelle les autorités du Sénégal à assurer la protection des libertés de la presse, la sûreté des médias de tout bord, ainsi que l’indépendance des médias dans leur reportage.
Dans la matinée du 5 mars 2021, les relevés du NetBlocks, une organisation de la surveillance de l’internet et d’accès aux réseaux sociaux, a révélé une perturbation de l’internet mobile sur les principales sociétés de téléphonie Orange et Sonatel au Sénégal.
« Les mesures montrent que Facebook, YouTube, WhatsApp et certains serveurs Telegram ont été restreints sur le principal opérateur de réseau cellulaire Orange/Sonatel dès vendredi matin. Les services affectés ont ensuite été rétablis à partir de 7h30 UTC », avait publié NetBlocks.
Il n’est pas cependant établi, la raison de ces perturbations observées, car ni les sociétés de téléphonie mobile ni les autorités publiques n’ont sorti de communiqué officiel à cet effet. Toutefois, il a été établi que de plus en plus de gouvernements sur le continent recourent aux coupures d’internet et au blocage des réseaux sociaux pour réprimer les manifestations anti-gouvernementales et la restriction de l’espace civil et politique en ligne.
Auparavant, le 3 mars 2021, des manifestations ont éclaté à Dakar, la capitale du Sénégal, et dans plusieurs autres principales villes du pays telles que Kaolack, Saint Louis et en Casamance. Les manifestations se sont poursuivies le 4 mars. Ces manifestations font suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko, leader du parti politique d’opposition Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité́, (Pastef-Patriotes), député à l’Assemblée nationale, et troisième lors des élections présidentielles de 2019.
Ousmane Sonko avait été arrêté pour « trouble à l’ordre public et participation à une manifestation non autorisée », lorsqu’il se rendait au tribunal pour répondre à une plainte pour viol.
Deux personnes au moins ont été tuées par les forces de l’ordre lors des repressions violentes des manifestations contre l’arrestation de Sonko. La police et la gendarmerie ont fait usage de matraque, de tirs de gaz lacrymogènes et de balles réelles sur les manifestants pour les disperser. Cheikh Ibrahima Coly et Cheikh Diop âgés respectivement de 20 ans et 17 ans ont succombé des suites de blessures de tirs de balles.
D’autres manifestants ont été arrêtés, plusieurs autres ont été blessés tandis que de nombreux dégâts matériels ont été constatées. Les autorités n’ont pas encore donné des chiffres officiels des arrestations et bilans de la répression des forces de l’ordre.
Cependant, le ministre de l’Intérieur, Antoine Félix Abdoulaye Diome, avait justifié l’arrestation d’Ousmane Sonko par l’interdiction des rassemblements édictée à cause du Covid-19 et par un plan de circulation mis en place par les autorités.
Toujours, le 4 mars 2021, l’organe de régulation de l’audiovisuel, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA) a suspendu pour trois jours, deux chaines de télévisions privées WALF TV et SEN TV pour diffusion en boucle d’images de violence.
Ces deux médias sont considérés comme proches de l’opposition et le CNRA les accuse d’attiser les violences. Cependant, le CNRA avait mis en garde deux autres chaines privées, en plus de 2STV contre la diffusion de contenus faisant “explicitement ou implicitement l’apologie de la violence”, incitant à des troubles à l’ordre public, ou “de nature à constituer une menace sur la stabilité nationale ou la cohésion sociale”.
Des organes de médias considérés comme proches du pouvoir ont été aussi visés par les manifestants en colère. L’organe de presse d’Etat, Soleil et deux autres médias privés ; RFM et Dakaractu, ont été la cible des attaques de la part des manifestants.
Tout en condamnant les tentatives de restrictions de l’internet et des réseaux sociaux, ainsi que la suspension des deux chaines de télévisions et les attaques des manifestants contre d’autres médias, la MFWA demande aux autorités d’investiguer sur les repressions mortelles des forces de l’ordre et de sanctionner les auteurs.
L’organisation demande également aux partis politiques de sensibiliser leurs sympathisants sur la nécessité de manifestations pacifiques, indispensable pour toute démocratie, et le respect des droits de la presse et des journalistes à faire leur travail d’information du public.
Le Sénégal étant considéré comme un modèle de démocratie dans la sous-région, sanctionner les médias sous prétexte de la ”sécurité d’Etat” ou en attaquer pour leurs supposés bord politiques n’augure rien de bon pour la crédibilité des libertés civils et politiques. Ces attaques remettent en question la culture démocratique dont le pays s’en est acquis. La violation de ces valeurs démocratiques et de la liberté d’expression et de la presse, sont un précédent dangereux pour le pays et l’Afrique de l’Ouest et ont le potentiel de galvaniser d’autres pays ne sont pas encore départis totalement des reliques de régime autoritaire.
Par conséquent, la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest appelle les autorités publiques, les forces de l’ordre et les partis politiques de l’opposition à prendre les mesures qui s’imposent pour apaiser les tensions politiques.