L’un des avocats africains renommés des droits de l’homme et défenseur de la liberté de la presse, Femi Falana, s’exprime à propos des enjeux importants de la protection des journalistes et la culture de l’impunité en Afrique. M. Falana, le meilleur avocat en droits de l’homme, parle des activités de Boko Haram au Nigéria, du mépris des gouvernements à l’égard des jugements des tribunaux régionaux et internationaux des droits de l’homme, entre autre questions critiques affectant la sécurité des journalistes en Afrique. M.Falana a représenté la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest et deux journalistes gambiens dans des procès séparés de torture et de disparition de journaliste, dont il a gagné tous les deux. Ci-dessous l’article qu’il a présenté au colloque organisé par the Lagos State Chapter of the Nigerian Union of Journalists et de la Fondation Dele Giwa pour marquer le 30ème anniversaire de l’assassinat de l’un des journalistes icône de l’Afrique, le nigérian Dele Giwa.
Sécurité des Journalistes Et la Culture de l’Impunité en Afrique par Femi Falana
Introduction
- Je remercie le Syndicat Nigérian des Journalistes et la Fondation Dele Giwa de m’avoir invité à faire une présentation à l’occasion du 30ème anniversaire de l’assassinat de Dele Giwa, un journaliste de première ligne, rédacteur en chef et fondateur du Magazine Newswatch disparu. A la différence des Forces de Police du Nigéria qui ont clos facilement le dossier d’investigation sur les auteurs suspectés de l’assassinat du journaliste, les organisateurs de cet évènement annuel ont continué de rappeler au peuple du Nigéria les circonstances bizarres qui entourent son assassinat macabre. Depuis lors le continent africain a continué d’être témoin des meurtres commis froidement et du harcèlement des journalistes. Il m’a été demandé de parler sur la ‘’Sécurité des journalistes et la culture de l’impunité en Afrique.’’ Ayant travaillé avec le Syndicat des Journalistes et la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest en défendant les droits des journalistes, je vais m’appesantir sur le manque de la sécurité pour les hommes et femmes des médias en Afrique.
- Permettez-moi de commencer par aborder cette question en félicitant les activistes de Bring Back Our Girls (Ramener Nos Filles) pour le succès limité enregistré par l’administration de Muhammadu Buhari dans le sauvetage des 21 filles Chibok enlevées. Mais n’eut été l’audace, le sacrifice et la demande persistante du BBOG pour la libération des filles à travers des protestations publiques quotidiennes dans les rues d’Abuja, le gouvernement et la population du Nigéria auraient oublié une telle agression sur notre humanité collective et le sens de la justice. En pressant l’administration de Buhari de sécuriser la libération de toutes les filles en détention illégale par la secte satanique Boko Haram, nous ne devrons pas manquer de réaliser que grâce à l’engagement et la persévérance, nous pouvons gagner la lutte pour les droits de l’homme, la liberté politique et le développement économique.
- Contrairement au Syndicat des Journalistes qui a limité sa recherche sur les auteurs de l’assassinat de Dele Giwa en organisant des conférences en son anniversaire, d’autres associations de journalistes dans d’autres parties de l’Afrique se sont engagées dans des mesures légales et politiques pour investiguer sur l’assassinat des journalistes et traduire les auteurs devant la justice. Dans le cas d’Ebrima Manneh contre la République de la Gambie(2008), la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest avait déposé une plainte devant la Cour de Justice de la Communauté de la CEDEAO pour obtenir la libération du plaignant, un journaliste, d’une détention illégale. Vu que la défense ne pouvait justifier l’arrestation et la détention du journaliste, la Cour a ordonné sa libération immédiate et lui a accordé un dédommagement de cent mille. C’est à l’étape de l’exécution du jugement que le défendeur a informé la cour qu’il ne peut pas localiser le journaliste dans aucun centre. Dès lors, il est apparu clairement que c’est un cas de disparition et la Fondation des Médias a donné de nouvelles instructions à notre cabinet d’avocat de poursuivre en justice le gouvernement de la Gambie en vue d’enquêter sur le meurtre de M. Manneh et de payer un dommage exemplaire à la famille endeuillée.
- Dans le cas de Deyda Hydara & Autres v. La Gambie(2013), la Cour de la CEDEAO a constaté que l’échec dans l’investigation sur le meurtre de Deyda Hydara, éditeur du Journal The Point par des hommes armés, à Banjul en Décembre 2004 constitue une violation du droit à la vie du défunt. La cour a ordonné à la défense d’investiguer sur l’homicide injustifié du journaliste et le paiement de réparation de cinquante mille dollars aux plaignants. De façon similaire, la Cour Africaine sur les Droits de l’Homme et des Peuples a ordonné au gouvernement du Burkina Faso d’enquêter sur le meurtre de Norbert Zongo, un journaliste et trois autres en Décembre 1998 et d’accorder des dommages d’un million de dollars aux familles des défunts. En plus de cela, l’accusé a été ordonné de prendre des mesures pour prévenir la récurrence de tels meurtres.
- Malgré la demande du Syndicat des Journalistes et la communauté des droits de l’homme, la junte de Babangida refusa de permettre toute investigation indépendante sur l’horrible assassinat de Dele Giwa le 19 Octobre 1986. L’investigation de la police a été abandonnée pendant que les efforts louables du défunt Chef Gani Fawehinmi, SAN, de poursuivre en justice deux chefs de sécurité suspectés par lui d’être les auteurs de l’acte ignoble, ont été entravé par un pouvoir judiciaire corrompu. Cependant, le bombardement de Bagauda Kaltho en 1996 a été investigué par la Commission d’Enquête d’Oputa. Durant les procédures du groupe, le Service de Sécurité de l’Etat et la police ne pouvaient pas exonérer la junte de Sani Abacha du meurtre brutal du journaliste. La recommandation du groupe qui a été celle de la réouverture de l’enquête par la police n’a pas été suivie par l’administration d’Obasanjo sur la base selon laquelle la Cour Suprême a déclaré la mise en place du groupe illégale et non-constitutionnelle. Dès lors que le Président Mohammadu Buhari a ordonné à la police de rouvrir les enquêtes sur le meurtre du Chef Bola Ige et les autres meurtres politiques non-résolues, le Syndicat des Journalistes doit collaborer avec la Police en exposant les assassins qui mirent fin aux vies de Dele Giwa et de Bagauda Kaltho.
- Ça ne fait pas de doute que le gouvernement fédéral a fait de remarquables progrès dans la contre-opération des insurrections dans la région du nord-est. Dans une large mesure, la vie retourne à la normale dans une zone libérée vue que de nombreux citoyens déplacés retournent à leurs domiciles. Malheureusement, il y a eu des rapports indéniables de mauvaises gestions et de détournement de fonds par quelques responsables en charge des camps d’IDP. Le gouvernement fédéral doit interpeller de tels méchants éléments criminellement insensibles à l’ordre sans délai. Cependant, il est temps pour que le gouvernement exécute les recommandations du groupe de l’Ambassadeur Usman Gilmatri pour poursuivre ceux qui sponsorisent la secte Boko Haram. Le groupe s’est rendu compte que la secte est établie et sponsorisée par les politiciens dans l’état de Borno qui utilisent les membres de la secte pour remporter les élections des gouverneurs. Après les élections, les politiciens les ont abandonnés. Comme si ce n’était pas assez, la direction de la police dans l’état a été incitée d’anéantir les dirigeants du groupe. C’était à ce stade que la secte a déclaré une guerre aux populations Nigérianes. C’est une guerre qui a couté la vie à plus de 30.000 personnes et le déplacement de deux millions d’autres. Certains journalistes qui ont couvert la guerre ont été harcelés par l’armée Nigériane. Par exemple, lorsque l’Agence d’Informations d’ Aljazeera ne pouvait obtenir la libération de deux journalistes détenus en plein couverture d’une élection dans une zone déchirée par la guerre en 2014, notre cabinet d’avocat a été instruit pour approcher la cour en vue d’obtenir une réparation légale. Les deux journalistes ont été libérés aussitôt que des requêtes ont été déposées devant la cour et portées devant les autorités de l’armée.
- Le mois passé, l’armée a déclaré trois personnes recherchées y compris un journaliste sur des bases de suspicion selon lesquelles ils entretiennent des contacts avec la secte Boko Haram en contradiction avec la Loi sur le Terrorisme et la Prévention. Suite à ma déclaration publique selon laquelle l’armée n’a pas le pouvoir de déclarer qu’un citoyen est recherché, l’affaire a été transférée au Service de Sécurité de l’Etat. Le journaliste, M. Ahmed Salkida, qui vit actuellement aux Emirats Arabes Unis, était rentré et a été arrêté par les services de SSS à l’aéroport à son arrivée dans le pays. Il a été plus tard interrogé et relâché sous caution. Outre le harcèlement des journalistes, le gouvernement fédéral a accusé les médias de soutenir les terroristes sur la basse des couvertures de la terreur de la guerre. En particulier, l’armée n’était pas contente avec les médias sur le reportage de Shekau, le leader reconnu de la secte Boko Haram, qui demeure en vie malgré les plusieurs rapport faisant etat de sa mort. Le haut commandement des forces armées n’était pas aussi content à propos des reportages qui exposaient le déficit d’équipements de l’armée pour mener la guerre contre la terreur. Même si les reportages ont été généralement rejetés par le quartier général de l’armée, certains des officiers militaires qui se sont engagés dans le détournement criminel de la somme de $2.1 billion prévu pour l’acquisition des armes et des munitions pour poursuivre la guerre ont été inculpés à la cour par la Commission Economique des Crimes Financières.
- Cependant, tandis que la reconstruction de plusieurs communautés dans la région nord-est ravagée par la guerre est en progression, les médias devraient exposer l’erreur du gouvernement de l’Etat de Kaduna de provoquer une autre guerre religieuse dans la région du nord-ouest. Les médias ne devraient pas hésiter à attirer l’attention de la nation sur les stratégies en cours du Gouverneur Nasiru El Rufai qui risquent de pousser les membres du mouvement Islamique du Nigeria vers la clandestinité, avec les conséquences néfastes que cela poserait à la paix et la sécurité de la nation.
- Selon le rapport du groupe de l’Ambassadeur Usman Gilmatari, la secte Boko Haram est soutenue et financé par une section de la classe politique dans l’Etat de Bormo. Les membres de la secte étaient recrutés et utilisés pour l’élection des gouverneurs de 2003. Après les élections, ils ont été délaissés et abandonnés avec les armes qui leurs ont été acquises par les sponsors. Suite à des désaccords profonds avec les dirigeants du gouvernement de l’état, les leaders de la secte ont été éliminés de façon extrajudiciaire par la police.
Article crédité de: saharareporters.com