De nombreux professionnels de l’information et partenaires du secteur de la communication du pays, s’interrogent sur l’avenir de la liberté de la presse et de l’expression en République de Guinée à l’aune de la cinquième République.
La novelle Constitution soumise au vote et adoptée par le peuple de Guinée, le 22 mars 2020, devenant la Loi Fondamentale de la République de Guinée après sa validation, vendredi 3 avril 2020, par la Cour Constitutionnelle et sa promulgation, lundi 6 avril 2020, par le Président de la République.
Faut-il craindre le pire pour la liberté d’expression et de presse avec une nouvelle majorité?
Au prime abord les voyants clignotent tous au vert. Il n’y a pas de périls en la demeure. Et quels sont les éléments qui militent en faveur d’une telle assertion ?
D’abord le Préambule de la Nouvelle Constitution reprend les articles 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Pacte International relatif aux Droits Civiques et Politiques portant la liberté d’expression et de la presse.
De même les Libertés et Droits Fondamentaux y sont garantis comme la manifestation, la diffusion de ses idées et opinion par la parole, l’écrit et l’image. Ainsi que la création d’organe de presse ou de média pour l’information politique, économique, sociale, culturelle, sportive, récréative ou scientifique, l’exercice libre de la profession de journaliste y sont garantis.
Tout peut cependant basculer avec le changement de majorité à l’Hémicycle, le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) et ses alliés obtiennent 79 sièges sur 114.
Le RPG-arc-en-ciel dispose donc de plus de deux tiers des députés pour réviser les deux tiers ou amender le tiers des dispositions constitutionnelles sans le moindre blocage.
Ceci constitue la rupture avec la précédente législature où la majorité présidentielle n’avait que 53 sièges, ne pouvant point réviser ni amender article ou Loi organique sans alliance avec les autres groupes parlementaires sous la houlette de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG).
Après ce référendum, cet Arrêt de la Cour Constitutionnelle et le Décret de promulgation du Président de la République, les médias devaient désormais montrer pattes blanches devant les pouvoirs publics et partenaires du secteur qu’ils méritent les acquis actuels en matière de création d’organe de presse ou de média mais également d’exercice libre du métier de journaliste suivant les balises de l’actuelle Loi Organique sur la liberté de la presse.
La première mesure est naturellement le Registre de Commerce et de Crédit Mobilier avec un Numéro d’Identification Fiscale, immatriculation du personnel à la Caisse nationale de Sécurité Sociale pour toutes les entreprises de presse.
La seconde est la convention collective comme rempart contre l’irresponsabilité, la corruption et la gratification sur les terrains de reportage.
Cette convention collective est dangereusement compromise par les réticences manifestes de certains patrons de presse et le Syndicat des professionnels de l’Information de la Guinée, timoré.
La troisième est la recomposition du collège de la Haute Autorité de la Communication comme aubaine en vue d’intégrer de nouvelles dimensions du secteur de l’information et de la Communication en cours dans la sous région et dans le monde par la substitution de l’actuel collège par un Conseil délibératif composé d’hommes et de femmes appelés sages siégeant suivant l’urgence avec un(e) Président(e) se reposant sur un personnel d’appui.
La compétence et la probité morale sont les seuls critères de choix des membres du prochain Conseil délibératif ou Conseil de sages reconnus comme tels par leurs pairs.
Mais les premiers signaux compromettent une telle perspective. Mêmes causes produisant les mêmes effets.
Il urge ainsi de définir de nouveaux paradigmes sous-tendant le renouvellement des hommes et femmes en fusionnant ces 30 dossiers de candidatures des associations de médias, au sein du Conseil des sages de la Haute Autorité de la Communication (HAC).
Ceci éviterait évidemment l’arbitrage des pouvoirs publics faute de consensus au sein des associations de médias.
Il est tout aussi vital de resserrer les rangs pour mettre hors d’état de nuire les tueurs à gage, les mercenaires de la plume et autres journalistes irresponsables et corrompus que l’on appelle prosaïquement journalistes alimentaires.
Un rempart sûr contre la repénalisation des délits de presse et source de diverses opportunités pour les médias guinéens à l’heure de la transition numérique.
Pour ne pas revivre le cauchemar de la Maison de verre précédent ayant à sa tête Martine Condé sur les fronts de la promotion des meilleurs standards en matière de journalisme, l’édition, de conseils des Organes de l’Etat dans le domaine de la Communication mais également de promotion de politique publique de développement.
Selon le dernier classement de l’Organisation non Gouvernementale ‘’Reporters sans Frontières’’ sur l’état de la liberté de la presse dans le monde, la Guinée perd encore deux places et pointe désormais à la 110ème place.
Ce classement est assez symptomatique de la profondeur de ces maux qui rongent les bases des Libertés et Droits fondamentaux des citoyens en République de Guinée.
Le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, qui cumule fonction administrative et politique, doit veiller inlassablement au respect scrupuleux de la procédure liée à la liberté de la presse et à la liberté d’expression conformément aux dispositions de la Constitution et des Lois. Ce ministre contribuerait ainsi à améliorer la perception de la Communauté Internationale de l’image des pouvoirs publics guinéens.
Le dernier courrier du Président de la République, adressé à la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU sur le respect des engagements internationaux de la République de Guinée en matière des droits humains y compris la liberté de la presse et d’expression s’inscrit certainement en droite ligne de ce souci là.
De même la volonté manifeste de l’Association des Magistrats de Guinée d’œuvrer inlassablement aux cotés des médias du pays dans la promotion de meilleurs standards en matière de liberté de presse et d’expression. Et celle du Gouvernement et du parlement de la Guinée de doter la République de Guinée de la Loi organique portant le Droit d’accès à l’information publique dont la version finale sera transmise par le Secrétariat Général du Gouvernement à l’Assemblée nationale pour examen et adoption lors de la prochaine session des Lois.
L’appui des partenaires des médias et des Organisations de la société civile comme sentinelles de l’Etat de droit et de la Démocratie est aussi une source d’espoir et de motivation supplémentaires pour un meilleur ancrage juridique et institutionnel de ces Libertés et Droits fondamentaux en République de Guinée.
Malgré tout, à l’aune de la cinquième République, les Libertés et Droits Fondamentaux restent donc fragiles et l’émergence d’une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale raisonne ainsi comme un chant de Cygne.
Moussa Iboun Conte (Président de l’Association Guinéenne des Editeurs de la Presse Indépendante (AGEPI) et Directeur de publication du journal La Nouvelle)