La dépénalisation des délits de presse bafouée par la nouvelle loi sur la cybercriminalité
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) en collaboration avec ses organisations partenaires à travers l’Afrique de l’Ouest, a entrepris de produire une série de rapports par pays sur l’état de la liberté des médias dans la sous-région. Le présent rapport concerne le Niger et couvre l’année 2020.
Le Niger fait partie de ces pays qui se sont engagés sur la voie de la démocratisation depuis les années 1990. Ce processus a consacré la libéralisation du jeu politique (multipartisme) et de l’espace médiatique (avec l’avènement des médias privés et la liberté d’expression et de la presse). Ainsi le paysage médiatique nigérien s’est progressivement enrichi de la création de plusieurs médias de tous types et de toutes natures couvrant pratiquement tout le territoire national. Ce paysage est aujourd’hui riche d’environ 200 radios (dont 170 radios communautaires et une trentaine de radios commerciales) ; 17 chaines de télévision ; plus de 130 titres des journaux et plus de 20 médias en ligne. Cette éclosion des médias a été favorisée par l’adoption de l’ordonnance n°93-031 du 30 mars 1993 consacrant la libéralisation de la communication audiovisuelle qui détermine les modalités de création des entreprises de presse audiovisuelle privées.
Pour encadrer l’exercice de la liberté de la presse et l’indépendance des médias, le Niger s’est ensuite doté d’un important arsenal juridique, tirant puisant sa source dans la constitution; L’Ordonnance N° 2011-22 du 23 février 2011 Portant Charte d’accès à l’information. Il faudra noter, cependant, que les dispositions de cette ordonnance ne sont pas appliquées dans les fait et l’accès aux sources administratives restent encore un véritable parcours de combattant pour les journalistes
A ces dispositions s’ajoute l’Ordonnance N°2010-035 du 4 juin 2010 portant régime de la liberté de presse qui consacre la dépénalisation des délits commis par voie de presse. C’est l’un des grands acquis en matière de liberté de la presse au Niger.
Globalement, l’on peut dire que l’environnement médiatique nigérien bénéficiait d’un cadre juridique favorable jusqu’à l’adoption en juillet 2019 de la Loi N°2019-33 du 03 juillet 2019 portant répression de la cybercriminalité au Niger. Cette loi s’est avérée une épée de Damoclès dont les autorités se servent pour contourner la disposition interdisant les gardes à vues et les peines privatives de liberté. Cinq journalistes ont été interpellés, dont trois détenus suite à des accusations portées en vertu de cette loi.
Les principales violations de la liberté de la presse portent essentiellement, sur les poursuites engagées conformément à la loi contre la cybercriminalité, les harcèlements judiciaires et policiers, la crise sécuritaire liée au terrorisme.
En effet, le contexte sécuritaire, lié au phénomène terroriste contribue à réduire la liberté d’expression en imposant l’autocensure sur bien des questions, surtout dans les zones en proie aux attaques. Mieux, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les pouvoirs publics ont pris des mesures de restriction des libertés individuelles et collectives dont la liberté de la presse.
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