Nouveau Code de la Presse Sénégalaise: Un Pas en Avant, Deux Pas en Arrière

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Senegal President Macky Sall

Après plusieurs années de discussions sur le processus de réforme du cadre juridique des médias au Sénégal, l’Assemblée Nationale du pays a voté le 20 Juin 2017 un nouveau code pour réguler la profession du journalisme et les activités des organes des médias.

En 2005, l’ancien Président Abdoulaye Wade croyait avoir tenu sa promesse de campagne électorale à doter le Sénégal d’un nouveau code de la presse lorsque le parlement a approuvé le projet de lois soumis par son conseil des ministres. Cependant, de nombreuses sections ont été rejetées violement par les medias et les organisations de la société civile comme étant répressives et mal-conçues, obligeant ainsi le gouvernement à retirer le projet.

Le nouveau code de 62 pages, composé de 233 articles a été généralement salué comme un développement positif par rapport ses fonctions. Cependant, le code a attisé des critiques virulentes de la part de nombreuses personnes qui croient qu’il contient des éléments répressifs du projet avorté antérieurement.

Une préoccupation particulière du secteur des médias est l’article 192 de la loi 14/2017 qui stipule que le gouverneur, le sous-préfet ou le préfet peut interdire ou faire cesser les activités d’un organe de média ou son programme, confisquer ses équipements, ou fermer purement l’organe ou le journal si les activités ou programmes de ces derniers constituent «une atteinte à la sécurité de l’État».

Jusqu’alors la fermeture d’un organe de média par une autorité administrative était sujette à une autorisation par un juge. Cette nouvelle disposition est donc une régression majeure pour la liberté de la presse, en particulier du fait que la «sécurité nationale» est un terme particulièrement ambiguë et susceptible d’interprétations subjectives.

«Non à la répression de la liberté de la presse par l’usage de la notion de secret-défense qui est un terme fourre-tout». Quel sera alors le rôle des juges, de l’ARTP et du CNRA (respectivement Autorité de régulations de télécommunications et de la poste, Conseil nationale de la régulation de l’audiovisuelle) si les gouverneurs, les préfets et les sous-préfets ont le pouvoir de fermer les organes des médias ?», avait protesté Boubacar Boly, Responsable de Communication de la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal (CJRS), une association de reporters et partenaire nationale de la MFWA.

Si les dispositions de l’article 192 sont sources de nombreuses consternations, ces articles 224 et 225 ont généré de vives discussions en ce qui concerne leur potentiel d’entrave à la liberté d’expression. Les deux prescrivent des termes d’emprisonnement rigides pour tous délits de presse, et ceci représente la plus grande désillusion par rapport au nouveau code. C’est encore plus frustrant pour de nombreuses organisations professionnelles des médias, des organisations de la société civile et les activistes des droits de l’Homme qui avaient mené des campagnes pour que les délits de presse, en particulier, la diffamation criminelle, soit annulée. Pour eux, c’est une situation dans laquelle elles sont tombées de Charybde en Scylla.

«On passe d’une peine maximale de trois ans  de prison auparavant à cinq ans de prison ferme dans le nouveau code. Et pour les amendes, le maximum passe de 5 millions de francs CFA à 30 millions. C’est une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête de tous les journalistes et de toutes les entreprises du secteur », a dénoncé le président de la Coordination des associations de presse, Mamadou Ibra Kane à Jeune Afrique.

«C’est un code répressif de la presse; 52 sur ses 233 articles sont destinés aux sanctions. Le consensus est violé. Les amendements ignorés, le texte originel a été tripatouillé», s’est plaint Boly au correspondent de la MFWA.

Comme pour soulager les lourdes peines prescrites à l’encontre des délits de presse, le code introduit un nouveau régime d’appui financier pour les médias. Le nouveau système remplace l’ancienne subvention d’état par une facilité de crédit permettant aux entreprises médiatiques d’avoir accès à des prêts sous des conditions hautement avantageuses.

La MFWA estime que le nouveau cadre législatif pour réguler les médias au Sénégal est une bonne nouvelle. Cependant, nous sommes préoccupées à propos des dispositions répressives du code telles que les lourdes amendes et les termes d’emprisonnement, aussi bien que le pouvoir discrétionnaire qu’accorde le code aux agents du gouvernement, y compris ceux qui sont à des postes par nominations politiques à fermer les organes des médias sans recours au tribunaux, comme ce fut le cas par le passé.

A en juger par les résultats de monitoring de la MFWA du paysage des médias en Afrique de l’Ouest, les médias au Sénégal ont fait montre d’un engagement relatif aux respects des éthiques et des standards professionnels au cours des années passées. Par conséquent, ils doivent être encouragés à continuer dans un environnement légal libéral plutôt que de les étouffer avec des lois répressives qui sont susceptibles de conduire à l’autocensure.

Par conséquent, nous exhortons les autorités à dialoguer avec les acteurs clés en vue de réviser les dispositions qui restreignent davantage la liberté de la presse dans le but d’habiliter les médias à jouer leurs rôles importants d’aide à l’amélioration de la gouvernance, la recevabilité publique et à consolider la culture démocratique du Sénégal tant appréciée de par le monde entier.