MFWA déplore la dégradation de la liberté des médias au Mali

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La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest est préoccupée par la suspension des chaines RFI et France24, le 16 mars 2022, au Mali, une décision qui vient s’ajouter à une récente série de gestes hostiles envers les médias par le gouvernement militaire

Les autorités maliennes accusent la radio RFI et la télévision France24 de « fausses allégations sans aucun fondement » après que ces dernières ont divulguée, les 14 et 15 mars 2022, les résultats d’enquêtes selon lesquelles les forces armées maliennes (FAMa), seraient impliquées dans des exactions contre des civils.

Plusieurs médias et organisations internationales ont également publié des enquêtes, reportages et témoignages sur lesdites violences tandis que bon nombre de médias locaux ont relayé les informations publiées par RFI et France24.

« Le Gouvernement de la République du Mali… engage une procédure, conformément aux lois et règlements en vigueur au Mali, pour suspendre, jusqu’à nouvel ordre, la diffusion de RFI en Ondes courtes et FM et de la télévision France24, ainsi que toutes leurs plateformes digitales sur toute l’étendue du territoire national », annonce le Colonel Abdoulaye Maïga, Ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation.

« En effet, le Gouvernement rappelle que les agissements de RFI et France 24 ressemblent, dans un passé récent, aux pratiques et au rôle tristement célèbre de la radio ‘Mille Collines’ dans un évènement tragique survenu en Afrique », a-t-il déclaré dans le communiqué du 16 mars 2022 après avoir affirmé que « certaines allégations, en particulier celles avancées par RFI, n’ont d’autres objectifs que de semer la haine en ethnicisant l’insécurité au Mali […] ».

La radio RFI et la télévision France24 sont suivies quotidiennement par près d’un tiers de la population malienne. RFI dispose de plus de 5 relais, mais aussi de plusieurs satellites et radios partenaires à travers le pays.

Le gouvernement a également interdit à la presse malienne de rediffuser les émissions et articles de RFI et France24.

Déjà en Janvier 2022, le ministère de la Communication a convoqué les correspondants de la presse étrangère (RFI, France24, BBC, AFP, Le Monde, Jeune Afrique, etc.) pour une « réunion d’informations » quelques jours après un courrier du Collectif pour la défense des militaires. Le groupe proche de la junte, accusait les correspondants de RFI et France24 de « désinformation et d’intoxication » et demandait le retrait de leur accréditation. Les autorités auraient annonce aux correspondants étrangers de nouvelles conditions plus exigeantes d’octroi d’accréditation.

Cette action commencera à porter ses fruits amers une semaine plus tard. En effet, en fin de matinée du lundi 7 février 2022, les autorités maliennes ont expulsé, Benjamin Roger, un journaliste français moins de 24h après son arrivée à Bamako. Le journaliste du mensuel français Jeune Afrique qui est spécialisé dans les affaires du Sahel depuis une dizaine d’années n’aura passé que quelques heures sur le territoire malien. Les autorités reprochaient à l’envoyé spécial de ne pas disposer d’accréditation pour ses reportages, accréditation qui était rarement exigée jusque-là.

La menace de la junte au pouvoir prend racine encore plus loin. En 2020, lors d’un Conseil des ministres tenu le 18 décembre les autorités militaires du Mali ont entériné un décret qui porte atteinte à la liberté d’expression et des médias.

En effet, selon ce décret « les autorités administratives compétentes sont habilitées à prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le contrôle de la presse et des publications de toute nature, des réseaux sociaux, ainsi que celui des émissions radiophoniques ou télévisées, des projections cinématographiques et des représentations théâtrales ».

La MFWA est vraiment préoccupée par la suspension de RFI ainsi que de France24 et les gestes peu conciliateurs des autorités envers la presse qui est censée jouer un rôle vital dans la réalisation du droit à l’accès à l’information.  En tout état de cause, il existe plusieurs moyens de démentir ces « fausses allégations sans aucun fondement ».

De plus, l’accès à l’information et la liberté d’expression sont les deux faces d’une même pièce avec la liberté d’expression étant non seulement une liberté, mais aussi un droit et surtout le fondement de toute démocratie.

Par conséquent, nous exhortons vivement le Gouvernement à mettre de l’eau dans son vin en reconsidérant sa décision, qui est susceptible d’entrainer inévitablement la destruction de l’écosystème médiatique au Mali et d’encourager la violation de plusieurs autres droits fondamentaux.