Le 24 Février prochain se tiendrons au Sénégal les élections présidentielles qui verront les Sénégalais élire leur président pour les sept prochaines années sur la liste de 80 candidats dont le président sortant, son excellence Macky Sall.
L’élection de 2019, qui représente à ce jour le 11eme depuis l’accession du pays à l’indépendance suprême en 1960, met l’accent sur une panoplie de questions en ce qui concerne la responsabilité et la transparence électorale, les violations de la liberté d’expression, l’apparente menace sur l’interdiction de l’usage des réseaux sociaux, et l’inquiétude de plus en plus grandissante de troubles sociaux due au nouveau code électoral qui porte sur le parrainage électoral.
En prévision des élections, la Fondation des Medias de l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a examinée de façon critique ces questions pertinentes et leurs possibles impacts sur les élections.
Nouveau Code Electoral, Protestations et Suspicions de l’Opposition
En vue des élections présidentielles de Février 2019, le gouvernement Sénégalais a adopté un nouveau code sur le parrainage électoral. La nouvelle loi numérotée loi No. 2018-22 et adoptée le 4 Juillet 2018 requiert que les candidats à l’élection présidentielle obtiennent un minimum de 52 000 signatures soit 0.8% des électeurs dans au moins sept régions sur l’étendue du territoire. De plus, la loi stipule qu’un électeur ne peut parrainer qu’un seule candidat.
L’adoption de cette loi a créé une controverse rependue dans tout le pays et a résulté en des séries de manifestations dans la capitale Dakar et dans d’autres villes. Alors que l’opposition indique que cette loi est un outil intentionnellement mis en place par le président sortant afin d’empêcher d’autres candidats de se présenter à l’élection, le gouvernement insiste qu’il est indispensable pour simplifier le ‘’processus électoral et réduire les coûts qu’encoure le pays’’. La nouvelle loi inquiète cependant plusieurs commentateurs politiques qui prédisent de possibles troubles sociaux lors de l’élection.
En ce qui concerne la gestion de l’élection, malgré le fait qu’un audit de la liste électorale ait déjà été effectué par suites des doutes exprimés par l’opposition concernant la neutralité du ministre de l’Intérieur chargé d’organiser l’élection, , le gouvernement a recruté un groupe indépendant d’expert qui après avoir audité ladite liste, a conclu que cette dernière était fiable.
‘’Nous avons remarqué d’ impressives séries de vérifications qui ont permis de mettre à jour la liste électorale. Nous avons aussi noté une marge d’erreur qui se situe entre 1,2 et 1,9%. La liste électorale est consistante, de bonne qualité et peut être utilisée.’’ Selon Fabien Marry, l’une des auditrices.
Les Media et les Débats Publics en vue des Elections
Le Sénégal dispose d’un environnement médiatique diversifié et d’un mixage d’organe de presse privés et publics qui permettent aux medias de jouer son rôle de veille et de contrôleur de l’action gouvernementale. Ainsi donc, malgré l’existence des organismes de presses d’état dans toutes les formes de mass media (radio, Radio diffusion et télévision Sénégalaise (TV), RTS, et l’Agence de presse Sénégalaise (en ligne)) les organes de presses privées sont plus dominants. La radio, grâce à l’apparition de plusieurs stations commerciales et communautaires, reste toujours un média très influent.
En vue des élections, les sujets politiques se sont intensifiés dans l’espace médiatique. Les medias traditionnelles, notamment la radio, la télévision et la presse écrite, ont été très actifs en reflétant l’atmosphère politique dans le pays. Les medias sont de plus en plus engagés dans la couverture du processus électoral, des questions politiques et des projets sociaux des différents candidats. Les citoyens quant à eux participent de plus en plus au débat public à travers les discussions à la radio et à la télévision grâce aux appels téléphoniques, réunions et débats ouverts, et l’implication général des communautés.
Il ne fait aucun doute que le président sortant, Macky Sall jouit d’une plus grande couverture de la part des medias, principalement de la part des medias publics. Certains des medias privés qui ont politiquement pris parti ont tendance à favoriser leurs propriétaires en présentant des points de vue non-neutres. Cependant, les organes de presse qui n’ont pas pris parti et qui sont impartiaux jouent toujours leurs rôles de chien de garde, surtout dans la vérification et le contrôle des proclamations des candidats.
Malgré l’intensification des activités médiatiques, les discussions publiques dans les media ont été caractérisées d’incidents minimaux tell que des écarts de langages/ d’expressions, des attaques verbales, des mensonges, des altercations isolées, et des échanges verbaux intenses. En bref, l’environnement médiatique s’est tenu au code d’éthique. Cette attitude des media pourrait en parti être due à l’adoption en 2017 du nouveau code de la presse.
Au vue du rôle centrale que joue les media au cours des élections, nombres d’institutions tant publics que privées ont offert des formations et mené des campagnes de sensibilisation afin d’équiper les maisons de presse et de leurs permettre d’améliorer leurs professionnalisme dans le reportage de l’élection présidentielle.
Par exemple, le Conseil National de la Régulation de l’Audiovisuelle (CNRA), qui est l’institution chargée de contrôler la conformité des medias aux lois et règlement du code des medias en période électorale, a organisée le 28 Novembre 2018 une journée de sensibilisation et de partage de connaissances avec les journalistes.
Réseau Sociaux et Menaces de Possibles Interdictions
Les réseaux sociaux constituent sans doute un facteur pouvant faciliter de façon positive le dialogue public en période électorale. Les citoyens, les activistes, et parties politiques échangent, partagent des informations, donnent leurs feedback, et participent à des débats publics sur ces différentes plateformes. Les réseaux sociaux fournissent aussi au publicun espace où ils peuvent exprimer leurs frustrations et colères à l’endroit du président sortant ou des autres candidats.
Cependant, il y a des inquiétudes selon lesquelles le dialogue public sur les réseaux sociaux en cette période électorale est caractérisé par un usage excessif de langage non-décent – d’attaques verbales, d’insultes, et de discussions de plus en plus vitriol entre les activistes et acteurs, ce qui pourrait nécessiter que les réseaux sociaux soient contrôlés.
L’Assemblée Nationale Sénégalaise a adoptée le 28 Novembre 2018 un nouveau projet de loi controversé portant sur les communications électroniques. Le projet de loi a été contesté par les usagers et organisations qui utilisent l’internet dans leurs activités journalières. Ils dénoncent le pouvoir que donne ce projet de loi au gouvernement de contrôler la liberté d’expression et de mettre à exécution des restrictions sur les applications de communications mobiles. L’article 27 de la loi stipule par exemple que :
“L’autorité de régulation à le pouvoir d’autoriser ou d’appliquer n’importe quelle mesure de gestion des données qu’elle juge nécessaire dans le but de notamment maintenir la compétition dans le secteur de la télécommunication et d’assurer le traitement impartial d’autres services y afférents.”
Les informations révélées par le gouvernement montre la nouvelle loi comme un instrument destinée à lutter contre les abus de l’internet, ‘’fake news’’ (fausses informations) et la désinformation. Malgré le fait que le ministre de la communication ait souligné que la loi est inoffensive et qu’elle ne souffre que d’un problème d’interprétation, il a été rapporté qu’un groupe d’organisation dans un communiqué a étiqueté la loi comme ‘’loi liberticide ’’.
Dans leurs communiqué, le groupe a indiqué que ‘’la loi permet au ministre, à l’autorité de la télécommunication, et aux opérateurs de bloquer, ralentir, filtrer, taxer, ou surveiller l’accès à WhatsApp ou à d’autres applications en ligne dans le but de préserver l’intérêt des compagnies de téléphonie.’’
L’Association Sénégalaise des Utilisateurs des TIC (ASUTIC) a aussi étiqueté la loi comme étant un cadre juridique mis en place par le gouvernement afin de censurer l’internet en vue de l’élection de Février 2019.
‘’Dès maintenant, la transparence de l’élection présidentielle est menacée et l’internet est à présent devenue une arme politique au service des autorités. Nous sommes tous en danger y compris les opposants politiques, les organisations de la société civile, les tireurs d’alarme, les journalistes…’’ se lamente ASUTIC dans une déclaration.
Le gouvernement interdira-t-il donc les réseaux sociaux au cours de l’élection de 2019 ? Nous ne pouvons qu’attendre de voir.
Violation de la Liberté d’Expression
Due aux différentes manifestations des citoyens contre le nouveau code électorale, le gouvernement a interdit que toute manifestation ou formes d’actions collectives contre la nouvelle loi se tiennent dans la capital. Il y a eu plusieurs cas au cours desquelles dans un climat d’arrestation et de garde à vue la police a usée de la force brutale pour disperser les leaders de l’opposition et des organisations de la société civile lors des manifestations.
Le leader de l’opposition Barthelemy Dias a été récemment condamné à six mois de prison sous accusation d’outrage, après qu’il ait remis en question le jugement du tribunal en ce qui concerne l’emprisonnement de Khalifa Sall, Maire de la ville de Dakar, et concurrent de taille du président Macky Sall dans la course au fauteuil présidentiel.
Ces développements présentent un environnement inquiétant en ce qui concerne le recul de la liberté d’expression et peut ultérieurement déclencher des agitations et des manifestations violentes lors de l’élection.
Recommandations
Renforcement des Capacités des Medias
Malgré le fait que les débats publics sur les medias traditionnelles soient caractérisés de d’usage modéré de langages indécents, il y a toujours un besoin urgent de renforcer les capacités des journalistes, surtout en ce qui concerne la loi électorale et ses différents processus afin de réduire la désinformation qui pourrait aboutir à des conséquences très néfastes.
Les journalistes devraient être aussi formés surtout dans le journalisme pacifique vue les manifestions qui sont déjà rependues sur l’étendue du territoire avant les élections présidentielles. Les citoyens devraient être aussi parallèlement sensibilisés sur les droits civils, les actions pacifiques, et conduites à adopter pendant et après la période électorale.
Intervention des Organisations de la Liberté de la Presse et des Droits Humains:
Les élections en Afrique fournissent généralement aux gouvernements un alibi pour violer la liberté d’expression des citoyens particulièrement en ce qui concerne les droits d’internet/numériques. Il est fort probable que cette situation se produise au Sénégal vue que le gouvernement dispose déjà de l’outil juridique nécessaire. De plus, la période électorale ramène sur la table la question de la sécurité des journalistes. Dans un environnement dans lequel les agitations et déceptions sont intenses, les journalistes lors des reportages peuvent faire l’objet d’attaques violentes.
La liberté de la presse, le développement des medias, la participation citoyenne, et les organisations des droits humains doivent intervenir afin d’appuyer les medias et les citoyens sénégalais tout en contrôlant les actions gouvernementales et en s’assurant que l’élection soit un succès.