La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne la récente répression en Gambie et appelle le gouvernement gambien à cesser les attaques contre les manifestants antigouvernementaux, à libérer les journalistes et les manifestants qui ont été arrêtés et à permettre aux deux stations de radio qui ont été fermées de reprendre leurs émissions.
Le 26 janvier 2020, la police a brutalisé et arrêté 137 manifestants anti-gouvernementaux qui demandaient la démission du président Adama Barrow, conformément à sa promesse de campagne de limiter son mandat à trois ans. La manifestation qui avait commencé pacifiquement est devenue violente lorsque les manifestants et la police se sont affrontés, faisant des blessés. Certains policiers et manifestants ont également attaqué physiquement des journalistes qui couvraient les manifestations. L’un des journalistes attaqués a été identifié comme étant Sankulleh Janko, un reporter de la Radio pour la démocratie en Afrique de l’Ouest (WADR), basée à Dakar. Il a été battu à coups de bâton et son équipement et son téléphone ont été saisis.
Après l’arrestation des manifestants, une douzaine de policiers ont pris d’assaut les locaux de Home Digital FM et ont ordonné aux responsables d’arrêter la diffusion. Ils ont également arrêté le propriétaire de la station, Pa Modou Bojang.
Un nombre similaire de policiers ont envahi King FM et ont ordonné à tout le personnel d’évacuer les locaux, avant de fermer la station. Les agents de sécurité ont également arrêté deux des directeurs de la station, Gibbi Jallow et Ebrima Jallow. Les autorités ont accusé les deux stations de se faire passer pour des plates-formes d’incitation à la violence et de menace à la sécurité de la Gambie.
Alors que Home Digital FM couvrait effectivement les manifestations et la répression qui a suivi, la direction de King FM a nié avoir couvert les événements, un démenti corroboré par plusieurs sources.
Les autorités ont également révoqué l’accréditation du reporter d’Al Jazeera, Nicolas Hague, après l’avoir accusé d’être partial envers l’opposition.
Le gouvernement a ensuite annoncé l’interdiction du “3 Years Jotna (is up) Movement”, le groupe qui a mener des protestations durant des semaines en appelant à la démission de Barrow.
Bien que la Constitution gambienne stipule un mandat présidentiel de cinq ans, la coalition politique qui a soutenu Adama Barrow lors des élections de 2016 avait promis de limiter son mandat à trois ans, pendant lesquels elle jetterait les bases d’une démocratie durable.
Le gouvernement semble avoir échoué non seulement à tenir sa promesse de trois ans de gouvernement de transition, mais aussi à mettre en œuvre les réformes juridiques et constitutionnelles visant à établir une culture démocratique crédible après les 22 ans de dictature de Yahya Jammeh. La MFWA trouve très inquiétante la répression des manifestants, les arrestations de journalistes, la fermeture des stations de radio et l’interdiction qui s’en est suivi au groupe de pression par le gouvernement.
La MFWA est encore plus alarmée par la déclaration du gouvernement selon laquelle “toute personne, station de radio, entreprise ou groupe qui choisit de faire des affaires avec l’Opération 3 ans Jotna et ou de promouvoir son programme sera en violation de cette déclaration et devra faire face à de graves conséquences”. Nous souhaitons rappeler au gouvernement que les médias ont le mandat constitutionnel d’informer le public sur certaines questions, notamment les questions d’intérêt public, et que le gouvernement ne peut donc pas leur interdire de s’acquitter de ce devoir. Il est donc illégal pour le gouvernement de menacer les médias ou tout groupe qui partage des informations sur le groupe de pression de subir de graves conséquences.
Le MFWA demande donc aux autorités gambiennes de libérer tous les manifestants et journalistes détenus et de permettre aux stations de radio qui ont été fermées de reprendre leurs émissions. Le gouvernement devrait s’abstenir de tout acte de censure des médias et reconnaître le rôle important que les médias gambiens jouent dans la consolidation de la démocratie dans le pays. Nous demandons en outre au gouvernement de respecter le droit des citoyens à se réunir pacifiquement, tel que garanti par la section 25(d) de la Constitution gambienne de 1997.
Nous prions en outre les Gambiens, en particulier les membres du “Mouvement Jotna de 3 ans”, d’exercer leur droit à la liberté de réunion de manière pacifique et dans le respect des lois gambiennes.
Le MFWA demande également aux agents de la sécurité de l’État et aux fonctionnaires de mettre un terme aux attaques, arrestations et intimidations de personnes, d’activistes, de groupes de pression, etc. pour l’exercice de leurs droits à la liberté d’expression, tant en ligne que hors ligne.