Les acteurs Etatiques, y compris le Président Weah, ses hauts responsables et les membres du Parlement ont, depuis la prise de fonction du nouveau gouvernement au Liberia, par diverses manières agi de telles sortes à mettre en confrontation le gouvernement et les médias, suscitant ainsi des peurs que la situation pourrait compromettre les acquis démocratiques du pays.
Dans un communiqué qui décrit amplement les relations glaciales entre les médias et le gouvernement, l’organisation principale de défense des médias au Liberia, Press Union of Liberia (PUL) a, le 22 Mars 2018, dit qu’« elle a suivi avec un total désarroi les commentaires incendiaires issus des différentes sections de l’administration de Weah contre les médias au Liberia».
Le syndicat a procédé à rappeler les récentes déclarations contre les médias par les hauts responsables du gouvernement y compris le maire de Monrovia et le Ministre Adjoint désigné de l’Information.
“Nous nous dresserons fortement pour travailler pour notre peuple et on s’enfiche des critiques des médias à l’égard de ce gouvernement,’’ a été reporté dire le maire Jefferson Koije, le 13 Mars 2018.
En plus de cela, le Ministre Adjoint désigné à l’Information; Eugen Fahngon, a juré que les médias demeureront «à sec», c’est à dire «pauvre» pour les 12 années à venir. Cette déclaration a été faite après que M. Fahngon ait accusé les médias de complot contre le candidat Weah durant les campagnes électorales de 2017.
Selon le PUL, ces déclarations ci-dessus par des hauts responsables du gouvernement décrit une attitude du mépris et d’hostilité envers les médias.
Le même jour où le syndicat des journalistes se lamentait sur les incidents ci-dessus, le Président lui-même est entré dans la mêlée lorsqu’il a embarrassé un journaliste confirmé et correspondant de longue date de BBC; Jonathan Paye-Layleh, durant une conférence de presse. Répondant à une question posée par M. Paye-Layleh relative à l’agenda sur Vérité et Réconciliation de son administration, le Président Weah clairement irrité, a accusé le journaliste d’œuvrer à l’encontre de ses efforts dans la promotion des droits de l’homme, depuis les jours de la guerre civile. L’incident s’est produit en la présence du Vice-Secrétaire Général des Nations Unies, Mme Amina J. Mohammed.
En guise de réponse, le PUL a adressé une lettre ouverteau président dans laquelle il se disait ‘’perplexe’’ par rapport à ses accusations et l’a défié de les soutenir par des preuves.
Trois jours plus tard (25 Mars), la Présidence a répondu en disant que le Président maintient ses accusations contre M. Paye –Layleh. En l’espace de quelques heures, le PUL a riposté par une autre déclaration exprimant ses regrets comme quoi le «Bureau de la Présidence s’est engagé à démolir le révéré journaliste Libérien aux yeux du monde». La déclaration continue en ces termes: «Le PUL insiste que la peur légitime suscitée par les commentaires du Président pourrait forcer le journaliste à s’autocensurer» Ce n’est donc pas exagéré de dire que le gouvernement et les médias sont à couteaux-tirés.
Dans le dernier incident, le Président de l’Assemblée Nationale du Liberia, Bhofal Chambers, aurait humilié un groupe de journaliste dans son bureau le 29 Avril. Nathaniel Daygbor du journal New Dawn Newspaper a écrit que lui et ses collègues journalistes; Jackson Clay et Austin Kawah étaient allés demander des clarifications auprès du Président de l’Assemblée suite à une controverse publique autour de son parcours académique. Contre toute attente, selon Daygbor, le Président a appelé des agents de sécurité armés pour les éconduire, avec des menaces et des injures. Le correspondent de la MFWA au Liberia a dit qu’un enregistrement audio diffusé sur une radio locale semble corroborer l’incident relaté par Daygbor.
L’incident ci-dessus fait suite à d’autres épisodes précédentes dans lesquelles les journalistes ont été agressés par, ou sur les ordres des députés. Le 9 Février 2018, un député du parti Coalition for Democratic Change (CDC) au pouvoir à l’Assemblée Nationale; Munah Pelham-Youngblood de Monterrado County District, a verbalement et physiquement agressédans les locaux du parlement Henry Karmo, le correspondant de FrontPage Africa assigné au Parlement. Le député a accusé le journaliste de publication d’un article qui lui est hostile.
Suite à l’incident, le Centre for Media Studies and Peace-building (CEMESP), l’organisation partenaire de la MFWA au Liberia, a publié un communiqué le 16 Février dénonçant l’agression. Le communiqué relevait que «ceci est la seconde vague d’agression sur les journalistes ces derniers temps à Capitol Building, le siège de la Législative Libérienne; la première étant l’incident dans lequel deux journalistes ont été fouettés prétendument sur les ordres du Sénateur Nyonblee Kangar-Lawrence de County Grand Bassa; quelques jours plus tôt. Dans cet incident référé, Abraham Morris du journal Inprofile Newspaper et Austin Kawa de Prime FM ont été battus par un policier dans les locaux du Senat Libérien.
La situation a alarmé la confrérie des médias et les organisations de la liberté de la presse dans le pays. Dans un éditorial du 2 Avril 2018, titré : Intolérance Rampante (en anglais Creeping Intolerance), un principal journal en ligne; thenewdawnliberia.com, s’est lamenté sur l’hostilité du gouvernement contre les médias en ces termes:
«Pour quelques raisons, certains officiels de l’administration sont en train de créer une impression selon laquelle les médias dans le pays sont un élément indésirable avec un agenda destructif qui doit forcément être tué dans l’œuf»
La MFWA est également préoccupée et déçue par la “guerre froide’’ entre le gouvernement et les médias au Liberia. L’on s’en souvient que la MFWA a formulé des recommandationsau Président Weah, dès le début de son mandat, à faire des médias des alliés dans sa promesse de lutte contre la corruption. A cet égard, nous recommandons au nouveau gouvernement de prioriser le processus de décriminalisation des délits de presse qui a été entamé par le gouvernement précédent.
Cependant, les signaux précurseurs de l’administration de Weah sont à peine encourageants. En effet, à en juger par la posture anti-média des hauts membres de son gouvernement, il parait peu probable qu’ils poursuivront le processus de réforme du délit criminel avec le degré d’urgence ou de conviction qu’il faut.
Par conséquent, la MFWA réitère son appel au Président Weah de collaborer avec les médias comme un pilier central de l’architecture démocratique du Liberia et comme un outil indispensable à sa lutte déclarée contre la corruption.
Nous exhortons les médias à ne pas se laisser provoquer par ces récents incidents à exercer un journalisme à caractère vindicatif ou banal. Ils doivent au contraire continuer de poursuivre l’intérêt national en respectant les principes professionnels d’objectivité, de justesse et d’équilibre dans leurs reportages.