En dépit de la bonne gouvernance et la légitimé démocratique du Ghana, la corruption est restée endémique dans la fonction publique du pays et dans la société. En effet, à l’exception d’une légère amélioration enregistrée en 2018, les statistiques de l’indice de perception de la corruption (IPC) annuel affiche un recul continu depuis 2015.
En tant qu’observateur critique de la société, la capacité des médias à surveiller les représentants du gouvernement, les responsables et les personnes puissantes de la société à prévenir les abus de pouvoir et à lutter contre la corruption est vitale pour la bonne gouvernance et la démocratie.
Au fil des ans, la pluralité des médias a considérablement augmenté au Ghana. Malheureusement, la croissance ne s’est pas traduite par un renforcement de la lutte contre la corruption. Alors que les médias ghanéens ont tenté en toute équité de jouer le rôle d’organe de surveillance et de lutte contre la corruption dans leurs reportages, ces efforts n’ont pas réussi à mettre un terme à la menace de la corruption.
Dans l’optique des élections de 2016, le Président Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, en tant que candidat, avait activement mené une campagne sur la lutte contre la corruption et a pris l’engagement de traduire en justice les fonctionnaires corrompus une fois élu. Dès son entrée en fonction, le Président a montré des signes d’engagement dans la lutte contre la corruption en créant le Bureau du Procureur spécial en tant qu’organe indépendant d’enquête et de poursuite en ce qui concerne les questions de corruption, de pots-de-vin et d’autres affaires pénales au niveau national.
Néanmoins, deux ans après l’administration de Nana Akufo-Addo ont été rapportées des allégations de scandales autour de la passation d’achat public, de prétendu détournement de fonds de l’État, d’allégations de pots-de-vin et de perception de corruption. Compte tenu du rôle crucial des médias dans la lutte contre la corruption, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a organisé le 12 février 2019 une assemblée publique réunissant des experts des médias, des journalistes, des organisations de la société civile (OSC), des représentants du gouvernement et le corps diplomatique à réfléchir sur la performance des médias dans la lutte contre la corruption deux ans après l’administration du Président Nana Akufo-Addo.
L’événement qui a également été retransmis en direct par l’une des principales stations de radio du Ghana, Citi FM, avait pour intervenants: le Vérificateur général des comptes du Ghana, M. Daniel Yaw Domelevo; le journaliste d’investigation primé, Manasseh Azure Awuni; La directrice exécutive de Ghana Integrity Initiative (GII), présidente du conseil d’administration du Bureau du Procureur spécial, Linda Ofori-Kwafo; et Sulemana Braimah, directeur exécutif de la MFWA.
Après plus de deux heures de délibérations réfléchies et perspicaces, les participants et les experts ont formulé les recommandations clés suivantes :
- Le projet de loi sur le droit à l’information (Right to Information- RTI) doit être adopté et effectivement mis en œuvre afin de renforcer l’accès du public à des informations essentielles pour promouvoir la transparence et la redevabilité.
- Le Ghana doit saisir les opportunités offertes par la technologie pour adopter une prestation de services axée sur la technologie afin de réduire les contacts entre personnes dans les transactions de service public.
- Les individus devraient être autorisés à engager des actions en justice contre la corruption et ceux qui obtiendraient gain de cause devraient être récompensés par l’État.
- Les médias et les organisations de la société civile anti-corruption devraient collaborer étroitement pour lutter contre la corruption.
- Les salles de presse doivent commencer à donner la priorité aux enquêtes et aux reportages anti-corruption, et le gouvernement et les organisations de la société civile doivent explorer les moyens de soutenir et d’inciter les médias et les journalistes qui s’engagent à lutter contre la corruption par leurs reportages.
- Les journalistes doivent faire preuve d’initiative, de courage et utiliser l’ingéniosité dans leur travail, car ces qualités sont essentielles pour les médias dans leur rôle de lutte anti-corruption et de demande de comptes aux responsables.
- Les médias doivent être professionnels et avisés, et éviter la diffusion de fausses informations dans le cadre de leur travail de lutte contre la corruption, car toute fausse déclaration émise ne peut que conduire à la perte de confiance de l’opinion publique, ce qui réduira l’influence des médias dans la lutte contre la corruption.
- Les parties prenantes doivent s’efforcer d’offrir aux médias un soutien en matière de renforcement de capacités, en particulier dans des domaines critiques tels que les marchés publics, les offres publics d’achats, le journalisme de données, entre autres.
- Les médias et les journalistes eux-mêmes doivent s’efforcer de se débarrasser de la corruption afin de gagner la confiance et le soutien du public.
- L’État et toutes les parties prenantes doivent collaborer pour assurer la mise en place de filets de sécurité pour les journalistes, en particulier ceux qui font des enquêtes sur des cas de corruption.