L’amélioration du classement du Nigeria en matière de liberté de la presse importe peu

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Dans le classement 2023 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF), le Nigeria a « grimpé » de six places par rapport à son rang dans le classement précédent en 2022. C’est là un des aspects les plus surprenants de ce dernier classement.

Ce qui démontre bien le paradoxe de ce classement favorable du Nigéria, c’est que RSF n’a pas mâché ses mots en lançant à l’endroit du même Nigéria une critique cinglante.

« Le Nigeria fait partie des pays les plus dangereux et les plus difficiles d’Afrique de l’Ouest pour les journalistes. Ces derniers y sont régulièrement surveillés, agressés et arbitrairement arrêtés, comme ce fut le cas pendant la période électorale de 2023. »

L’évaluation de RSF est au cœur de la superficialité de l’amélioration de la position du Nigeria dans le classement 2023 de la liberté de la presse – il s’agissait plus d’un alignement des algorithmes en faveur du pays que d’une réelle amélioration de la situation de la liberté de la presse au Nigeria.

Cependant, même avec les algorithmes fortuits, le Nigéria occupe toujours la 123e place sur 180 dans le classement 2023 de la liberté de la presse établi par RSF. Cela signifie que le pays le plus peuplé d’Afrique a un environnement de liberté de la presse si mauvais que tout journaliste ayant le choix serait avisé de décider d’exercer sa vocation dans ce pays, seulement après que 122 autres pays ne soient pas disponibles.

L’avantage algorithmique

Dans le classement 2023 de RSF, près de 40 % des pays africains ont été classés comme ayant un “mauvais” environnement de liberté de la presse. En effet, de manière générale, le climat de la liberté de la presse sur le continent s’est détérioré depuis le dernier classement. Parmi les pays « mauvais élèves » figure le Ghana, classé 62e au niveau mondial. Si le Ghana, classé 62e, a un mauvais environnement de liberté de la presse, le Nigeria, classé 123e, est un véritable fiasco.

Muheeb Saeed, responsable du programme pour la liberté d’expression à la MFWA, souligne que « la légère amélioration du Nigeria dans le classement de RSF en 2023 par rapport à l’année précédente est flatteuse. Elle s’inscrit dans le contexte d’une forte détérioration des conditions de la liberté de la presse sur le continent et dans le monde, et devrait conduire à une réflexion approfondie et à des efforts conjoints en vue d’une réelle amélioration ».

Il ajoute que le pays a toujours enregistré le plus grand nombre de violations de la liberté de la presse dans le rapport trimestriel de suivi de la liberté d’expression de la MFWA. « Les agents de sécurité sont connus pour leur hostilité à l’égard des journalistes, attaquant physiquement les professionnels des médias de manière injustifiée, les arrêtant régulièrement et saisissant ou détruisant leur matériel. Les violations répétées de la liberté de la presse et les attaques contre les dissidents au Nigeria constituent un manquement à la responsabilité de l’État de protéger les journalistes et de défendre la liberté d’opinion. Nous appelons donc le gouvernement à assumer ses responsabilités en demandant des comptes aux auteurs des violations de la liberté de la presse ».

Le Nigeria, 123e au classement, a été devancé par des pays tels que le Burkina Faso (58e), gouverné par la junte, et le Niger (61e), pays voisin en proie à des troubles.

Néanmoins, le Nigeria y a trouvé son compte, car l’abaissement des normes générales de liberté de la presse en Afrique, selon lesquelles quelque 40 % des pays sont considérés comme ayant un environnement défavorable à la liberté de la presse, signifie que même les pays les moins performants peuvent se distinguer.

Ainsi, la position du Nigéria dans le classement s’est améliorée. Le Nigéria a grimpé de six places, passant de 129 sur 180 en 2022 à 123 sur 180 en 2023, parce que le climat général de la liberté de la presse en Afrique s’est détérioré.

Pays aux performances faibles

Le fait que RSF considère le Nigeria comme l’un des endroits les plus dangereux pour exercer le metier de journaliste est une lapalissade qui, sur le terrain, est confirmée par de nombreux facteurs. En effet, le Nigéria est l’un des rares pays d’Afrique de l’Ouest où la diffamation criminelle archaïque figure encore dans les lois – article 373 du code pénal.

Dans le pays, des journalistes sont encore arrêtés et jugés en vertu de cette loi.

De plus, l’autorité de régulation des médias du pays, la Commission nationale de radiodiffusion (NBC), demeure un outil pratique utilisé par le gouvernement pour harceler les médias au sujet des droits de licence. Récemment, un tribunal a mis un frein à l’action de la NBC en déclarant que sa tentative d’imposer des amendes à plusieurs stations de radiodiffusion était ultra vires.

Il y a ensuite le penchant bien connu des hommes politiques, en particulier des gouverneurs d’État, pour l’arrestation et l’agression de journalistes pour des raisons fantaisistes – comme l’interview d’opposants politiques ou la couverture de manifestations à leur encontre (Gouverneurs).

Lorsque ce ne sont pas le gouvernement et les hommes politiques qui traquent les journalistes au Nigeria, ce sont des bandits qui les enlèvent pour obtenir une rançon.

Élections frauduleuses

Le Nigeria n’est habituellement pas un grand défenseur de la liberté de la presse en Afrique. Cependant, pour le classement 2023 de RSF, les violations de la liberté de la presse qui se sont produites lors de l’élection présidentielle de 2023 dans le pays ont eu une influence considérable.

Comme l’a établi le suivi de la MFWA, les journalistes se sont retrouvés du côté des victimes des brutalités de l’élection, ce qui a ajouté à la liste des déceptions déjà attachée aux pieds du président Muhamadu Buhari.

Performance sur la base d’indicateurs contextuels

Le classement mondial de la liberté de la presse de RSF est établi en se basant sur cinq indicateurs contextuels principaux : contexte politique, contexte économique, cadre légal, contexte socioculturel et sécurité. Ce dernier indicateur concerne la sécurité de l’environnement pour les journalistes.

Le Nigeria s’est légèrement amélioré dans quatre des cinq indicateurs par rapport à sa performance de 2022. En ce qui concerne l’indicateur politique, le Nigeria s’est classé 107e en 2023 par rapport à 127e en 2022 ; en ce qui concerne l’indicateur économique, il s’est classé 110e en 2023 par rapport à 120e en 2022 et pour l’indicateur légal, il s’est classé 126e en 2023 par rapport à 129e en 2022.

Le seul indicateur pour lequel le Nigeria n’a pas progressé est l’indicateur socioculturel, où il est classé 88e en 2023 par rapport à 84e en 2022. Quant à l’indicateur de sécurité, le Nigeria s’est classé 147e en 2023 par rapport à 154e en 2022.

La somme des scores obtenus par le pays pour tous ces indicateurs lui a valu d’être classé 123e sur un total de 180 pays dans un classement des pays présentant les meilleurs environnements en matière de liberté de la presse.

Recommendations

Le gouvernement devrait commencer par supprimer la loi archaïque sur la diffamation. Une loi aussi primitive ne devrait pas avoir sa place dans les affaires d’un État moderne. Des lois spécifiques devraient également être adoptées pour interdire aux gouverneurs d’ordonner l’arrestation de journalistes, étant donné que le Nigeria dispose d’un système judiciaire pleinement opérationnel.

Le gouvernement nigérian devrait également mettre en place des mécanismes garantissant que les personnes qui attaquent les journalistes soient traduites en justice.

La Commission nationale de radiodiffusion (NBC) devrait cesser de suspendre les licences des médias qui ne paient pas les redevances de radiodiffusion. La révocation de la licence, si elle doit être appliquée comme mesure punitive, doit être le dernier recours.

L’Union nigériane des journalistes devrait également nouer des liens avec la police afin de garantir une coexistence pacifique.