La MFWA s’inquiète de la suspension du groupe OMEGA Médias pendant cinq jours

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Dans la nuit du 4 au 5 juin 2021, le Burkina Faso a encore été éprouvé l’attaque terroriste la plus meurtrière depuis 2015, date du début du terrorisme dans le pays. Cette attaque a fait, selon le gouvernement, 132 mort, 40 blessés, provoqué le déplacement de 7644 personnes, dans la commune de Solhan, province du Yagha, région du Sahel. Un deuil national de 72h, allant du 5 au 7 juin a été décrété.

Selon ses sources, le groupe Oméga médias, à l’instar de bien d’autres organes de presse, a fait cas de plus de 160 morts, du retour des terroristes sur les lieux au lendemain de l’attaque, de l’interception d’un minicar sur l’axe Sebba-Dori causant l’assassinat de tous les passagers (environ une quarantaine) et d’une autre attaque à Dambam (toujours dans la même région du Sahel) 24h après celle de Solhan.

Presque toutes ces informations du groupe de presse ont été démenties par l’Etat-Major général des armées à travers un communiqué. Reconnaissant en partie ses torts, le groupe Oméga médias a relevé son rédacteur en chef de ses fonctions. La direction a expliqué que cette décision fait suite à la « diffusion d’informations par la radio qui se sont révélées fausses ». Le groupe s’est, en plus, excusé auprès de ses auditeurs, téléspectateurs et followers. Le lundi 7 juin 2021, les responsables du groupe ont été auditionnés par le Conseil supérieur de la communication (CSC) et une décision de suspension du groupe (Radio et télé) de cinq (5) jours a été prise contre  le mardi 8 juin dans la soirée.

Une décision que le directeur général de la radio Oméga, Ouezzin Louis Oulon, dit ne pas comprendre. « Nous sommes respectueux de la République et toute mesure qui nous concerne, nous l’exécutons. Mais nous disons qu’elle est disproportionnée, abusive et partiale. Et dans l’histoire du Burkina Faso, c’est la première fois qu’une telle mesure est prise à l’encontre des médias. C’est une sorte de musellement de la presse et nous allons arriver à une situation où exercer ce métier doit être un sacerdoce si cela ne l’est pas déjà », a déploré Ouezzin Louis Oulon. Il a affirmé également que la radio nationale et plusieurs autres médias nationaux et internationaux ont diffusé les mêmes informations sans avoir été sanctionnés ni inquiétés. Mais, la radio nationale et la Radio France International (RFI) ont, par la suite, été auditionnées sans être « punies ».

Au cours d’une conférence de presse animée devant de nombreux médias, le président du CSC, Mathias Tankoano, a justifié la sanction imposée à Radio Oméga par la « protection de l’information véhiculée aux populations ». Il a estimé que Oméga est responsable de la diffusion de deux principales fausses nouvelles : l’attaque du bus sur l’axe Sebba-Dori, et celle d’un autre village (Dambam) de la province du Yagha. « La sanction ne vise pas à étouffer un média, ça je peux vous rassurer. Bien au contraire, c’est vraiment replacer nos médias dans leur rôle essentiel, qu’ils soient des sources crédibles pour l’opinion publique », s’est-il justifié.

La Fondation des médias pour l’Afrique de l’ouest juge que les sanctions imposées au groupe Omega Médias est démesurée d’autant plus que la direction de l’organe des médias a reconnu son erreur et présenté ses excuses au public et aux institutions concernées. Compte tenu de la fragilité économique auxquelles font face les médias depuis l’éclatement du Covid-19, la suspension de la radio est un coup dur. La sanction punit d’ailleurs les auditeurs et téléspectateurs de la station de radio, violant ainsi leur droit d’accès à l’information.

L’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB), le Syndicat autonome des travailleurs de l’information et de la culture (SYNATIC), la Société des éditeurs de la presse privée (SEP) et le partenaire national de la MFWA, le Centre national de presse Norbert Zongo (CNP-NZ) ont jugé la sanction du CSC « très lourde, disproportionnée, arbitraire et abusive ». Ils ont regretté la diffusion par des médias d’informations qui se sont révélées fausses ou dont la véracité n’a pas été établie.

« Toutefois, il y a lieu de rappeler la responsabilité historique du CSC dans la construction d’un environnement de rétention de l’information. Les grands principes énoncés lors de sa conférence de presse ne sont viables que dans un contexte démocratique où les autorités assument leurs actes, rendent compte en toute transparence, sans chercher à se barricader derrière des lois liberticides comme c’est le cas avec l’adoption de la loi n°044-2019/AN du 21 juin 2019 portant modification du code pénal au Burkina Faso. Mieux ou pire, les autorités se sont montrées incapables, pendant plus de cinq ans, de mettre en œuvre une loi, la loi 051-2015/CNT portant droit d’accès à l’information publique et aux documents administratifs, adoptée depuis 2015 », ont réagi les organisations professionnelles des médias, tout en déplorant qu’aucune sanction n’a été prise à l’encontre des responsables en charge de la sécurité et de la défense nationale.

L’opposition politique, soutenue par des organisations de la société civile, a décidé de ruer dans les brancards en organisant des marches-meetings sur l’ensemble du territoire national. Suite à cette forte pression de l’opinion publique dans les médias et sur les réseaux sociaux, le Président du Faso, Roch Kaboré, a fait une adresse à la Nation à la télévision publique nationale le 27 juin 2021. Le Chef de l’Etat a annoncé des décisions pour répondre à la dégradation de la situation sécuritaire.

Les organisations professionnelles des médias espèrent que ces mesures prendront en compte la nécessité de permettre aux professionnels des médias de traiter les informations sécuritaires sans restriction ni obstruction.

La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) s’inquiète des ces sanctions disproportionnées contre les médias qui peut pousser à l’autocensure dans le traitement l’information liée aux questions sécuritaires. Elle encourage les autorités Burkinabè à favoriser l’accès des médias aux informations publiques y comprises celles relatives aux attaques terroristes.