La CEDEAO Ne Doit Pas Décevoir La Gambie

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C’est avec grand enthousiasme et beaucoup d’espoir que la MFWA a accueilli le fait que trois journalistes gambiens en exil ont porté plainte  devant la Court de Justice de la CEDEAO. La plainte déposée conjointement avec la Fédération des Journalistes Africains le 7 décembre 2015, remet en cause les lois répressives, les attaques et les violations systématiques en Gambie.

Selon Media Legal Defence Initiative, (MLDI),  qui appuie les journalistes dans la poursuite, les journalistes mettent en cause des lois “datant de l’ère coloniale où elles étaient utilisées pour réprimer le dissentiment, et qui sont, aujourd’hui, délibérément déployées contre les journalistes et  les défenseurs des droits humains.’’

“Les plaignants ont demandé à la Court de faire une déclaration catégorique que l’existence même de ces lois constitue une violation du droit à la liberté d’expression’’, a précisé le communiqué de MLDI. “En plus, certains de plaignants soutiennent qu’ils étaient torturés en raison d’avoir exercé leur droits à la liberté d’expression.’’

Durant les 13 années du régime du Président Jammeh, nombre de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme et de citoyens ordinaires ont été victimes des détentions, de torture, et d’intimidation. Beaucoup d’entre ces victimes sont obligés de fuir le pays vers les Etats Unis et le Sénégal voisin. Le service de renseignement, National Intelligence Agency, (NIA), utilisé à titre personnel par le Président Jammeh comme son instrument de sécurité, travail en toute impunité. Le dissentiment est réprimé d’une manière impitoyable, raison suffisante pour que les journalistes vivent et travaillent dans la peur.

La Gambie est le pays ouest africain avec les pires et les plus sévères cas d’impunité. Au moment d’écrire cet article, le directeur d’une station de radio, Alhagie Abdoulie Ceesay entamait son 153eme journée en détention, et ceci pour avoir distribué à Fatou Drammeh et Zainab Konneh, deux agents du protocole à la Présidence – une photo du président avec un révolver braqué sur sa tête. Il était arrêté et mis en détention par le NIA le 17 juillet, 2015. Il  était d’abord traduit devant une Court d’instance de Banjul le 4 aout, sur un seul chef d’accusation “d’inciter la haine et le mécontentement contre le président.’’ Il a ensuite comparu devant un tribunal supérieur où sept chefs d’accusation supplémentaires ont été retenus contre lui.

Toute en saluant ces dernières poursuites judiciaires contre l’état d’impunité en Gambie, la MFWA se rappelle des jugements précédents de la Court de CEDEAO pour lesquels la Gambie a affiché un mépris flagrant.  La Gambie dirigée par Yahya Jammeh a refusé d’obéir à trois jugements adverses concernant la disparition d’Ebrima Manneh, l’arrestation, la détention et la torture de Musa Saidykhan ainsi que le meurtre de Deyda Hydara.

Le jugement en faveur de Manneh a été rendu en juin 2008. La Court communale de la CEDEAO a ordonné au gouvernement du Président Jammeh de relâcher le journaliste qui avait disparu depuis juillet 2006, et de verser à sa famille 100,000 dollar américain de dommages. Malheureusement, on ne sait pas encore où Manneh se trouve, alors que le gouvernement gambien n’as pas encore payé les compensations demandées.

En 2010, la CEDEAO a également ordonné à la Gambie de payer 200,000 dollar américain de dommages à Musa Saidykhan, qui vit toujours en exile aux Etats Unis. Comme d’habitude, le pays s’obstine à ne pas s’y plier.

Dans le cas de Deyda Hydara, la Court de CEDEAO a décidé en juin 2014 que la Gambie n’a pas mené une enquête appropriée sur le meurtre du journaliste, ce qui a permis du coup à un climat d’impunité de se développer. D’ailleurs, la Court a observé qu’ “un tel climat d’impunité a pour effet de priver les journalistes du droit d’exercer leur métier d’une manière efficace, muselant ainsi la liberté d’expression.’’ La Gambie n’a donc pas rempli son devoir “d’assurer le respect des droits des journalistes’’, comme prescrit par l’Article 66 du Traité de la CEDEAO. La Court a accordé 50,000 dollar américain en dommages à la famille de Hydara.

Quoique la Court communale de la CEDEAO ne soit pas habilitée à exécuter ses décisions contre les gouvernements et les individus, la CEDEAO est dotée du pouvoir d’imposer des sanctions contre la Gambie pour son non-respect des jugements. Malheureusement, la CEDEAO n’a fait aucune démarche vers une éventuelle sanction contre la Gambie.

La MFWA reste optimiste que les journalistes auront gain de cause dans cette affaire. Nous espérerons qu’au cas où la Court rendra une décision contre la Gambie, le pays sera conforme cette fois-ci. Si par contre, la Gambie refuse de respecter la décision une fois de plus, la CEDEAO doit intervenir avec des sanctions pour assurer la conformité.  La moindre que puisse faire la CEDEAO sera de suspendre la Gambie de toutes les activités de l’organisme jusqu’ à ce qu’elle respecte les jugements de la Court communale. Les journalistes gambiens, les défenseurs des droits de l’homme et les citoyens attendent avec impatience que la CEDEAO  rappelle à l’ordre le Président Jammeh pour que la liberté d’expression et la situation des droits de l’homme s’améliorent en Gambie. Et la CEDEAO ne doit pas décevoir !