En 2006, les forces de sécurité gambiennes ont assujetti le journaliste Musa Saidykhan à l’une des formes les plus cruelles, les plus inhumaines et dégradantes de torture simplement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression. Néanmoins Musa a refusé de laisser sa torture briser son esprit et, aidé par la Fondation pour les Médias de l’Afrique de l’Ouest (MFWA), il a poursuivi avec succès la Gambie en justice à la cour communautaire de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). La Cour a conclu que la Gambie avait violé les droits de Musa et a imposé des dommages compensatoires à hauteur d’USD 200 000 en sa faveur mais malheureusement aucune somme n’a été encore versée par la Gambie.
La MFWA rejoint ainsi Musa pour exiger la mise en œuvre de la justice et le paiement de dommages-intérêts.
La semaine dernière, dans une interview accordé par email Musa a communiqué ses pensées et ses sentiments à la MFWA tout en exprimant son espoir initial de recevoir la justice et son amère déception après cinq ans d’attente futile et de non-respect de la Gambie à la décision de la cour. Tout au long de cette interview, il a réitéré sa demande non négociable et urgent pour la justice de la CEDEAO. Vous pouvez lire la première partie de l’interview que Musa a eu avec nous ici.
Nous étions également intéressés par l’opinion de Musa sur comment les organisations intergouvernementales et celles de la société civile, telle que la MFWA pourraient aider les victimes de violations des droits de l’homme. Les deux organisations intergouvernementales et non gouvernementales peuvent aider à mettre fin à l’impunité:
“Que [les organisations intergouvernementales] forcent la main de la Gambie pour se conformer avec les [CEDEAO] règles de la CEDEAO. Toute action pise pour que le pays se conforme aidera à rétablir la confiance dans la Cour de la CEDEAO, la CEDEAO elle-même et ses partenaires. Cela aidera également aux victimes de tourner la page et représenterait une mesure dissuasive pour les autres pays [de non-respect].
La société civile devrait travailler avec les médias pour sensibiliser et mener des campagnes autour des [environ] violations flagrantes des droits de l’homme, sur la pertinence de la Cour communautaire de la CEDEAO et faire observer combien le non-respect de la Gambie est capable de porter atteinte aux objectifs même de la Cour.”
Musa a continué à nous évoquer les difficultés dont il a fait preuve à la suite de ses blessures et de traumatismes. Alors que le journalisme a exercé une fonction thérapeutique pour Musa, sa douleur physique persistante a rendu difficile les activités quotidiennes:
Mon engagement actif avec l’activisme de médias en ligne (l’édition et la diffusion sur www.kaironews.com) a contribué à atténuer mes cauchemars et le stress émanant des tortures brutales que j’ai subies [en Gambie en 2006].
Cependant, le mal de dos sévère causé par les tortures est devenu une partie de ma vie. Sept mois de maux de dos avaient presque réussi à restreindre complètement toutes mes activités. J’avais du retourner à l’hôpital plusieurs fois. Malheureusement, cela m’a fait rater quelques jours au travail. A l’heure actuelle j’ai du mal à payer d’énormes factures médicales.
En outre, Musa lutte pour accepter sa réalité en tant que réfugié et son incapacité à fournir de précieuse information de première main à ses frères et sœurs gambiennes. De plus, il continue à vivre dans la peur pour sa vie et celle de sa famille en tant que noirs aux États-Unis.
“Je n’avais jamais eu l’idée de devenir refugié et pour moi, accepter la vie de refugié m’a été toujours difficile. Je ne cesse de me demander : pourquoi serais-je contraint d’aller en exil quand je n’ai pas encore accompli ma mission d’utiliser ma plume et mon clavier pour informer mes compatriotes avides d’informations, corriger l’injustice et dire la vérité au groupe au pouvoir. Je suis parti à un moment où on avait désespérément besoin de mes services. J’ajuste rapidement à la vie [à la vie] aux États-Unis, mais j’éprouve toujours une forte nostalgie. Je suis également ébranlé par le choc culturel provoqué par la séparation d’avec ma famille, mes amis et collègues. Je vis avec la crainte d’élever des enfants dans un environnement qui s’avère constamment instable [nouveau] pour les jeunes enfants noirs. Les nouvelles incessantes de jeunes hommes noirs non armés abattus par la police me donnent du fil à retordre.”
Les victimes de violations des droits humains doivent souvent faire face à un traumatisme en cours, parfois au vu du déplacement et de la vie de réfugié, et il y en a beaucoup qui ne voit jamais la justice. L’histoire de Musa est peut-être unique en ce sens qu’il a reçu la justice imposé par le tribunal sur le papier mais a été refusé dans la pratique par la Gambie qui refuse de se conformer de manière persistante et l’incapacité de la Cour à exécuter les décisions. De plus, l’échec de la CEDEAO pour contraindre la Gambie à se conformer aux arrêts de la Cour a aggravé les griefs de Musa. La MFWA exhorte la CEDEAO à faire ce que demandes Musa et d’utiliser ses pouvoirs en vertu de l’article 77 du Traité de la CEDEAO pour sanctionner la Gambie pour que la justice et l’indemnisation soient finalement livrés à Musa.