Dans une affaire qui oppose deux journalistes, le tribunal régional de Nouakchott-Ouest a, le 18 Mars 2021, condamné à trois mois de prison avec sursis, le Président de l’Association des Journalistes Mauritaniens Moussa Ould Bouhli ” pour diffusion de fausses nouvelles via Internet ” et ” diffamation”
Cette condamnation fait suite à une plainte du président du Syndicat des Journalistes Mauritaniens (SJM) Mohamed Salem Ould Dah. Le plaignant reproche à Ould Bouhli de se livrer depuis cinq mois sur sa page Facebook à des attaques personnelles ” foncièrement grossières”, sans aucun lien avec ses activités de journaliste, ni de président du SJM.
Le verdict sonne comme un avertissement. Toutefois, Ould Bouhli a tenu à réagir sur sa page Facebook, au lendemain de sa condamnation : ” Je continuerai ma lutte à faire éclore la vérité pour l’émergence d’un journalisme et de syndicats crédibles, quoi que cela puisse me coûter. Je sais que la tâche est difficile. Mais je continuerai à persévérer sur cette voie “.
Livrant sa version des faits, Ould Bouhli déplore que Ould Dah ait décidé de faire recours à la justice pour ce différend avant d’ajouter ‘’moi aussi, j’ai pris les précautions nécessaires pour me défendre’’ sans toutefois expliciter ses propos.
Ould Dah n’a pas donné suite à notre demande, en dépit d’une relance insistante. Il n’a pas non plus réagi publiquement suite au prononcé du verdict. Cela, en dépit d’une bonne disposition qu’il avait affiché à recevoir le correspondant de la MFWA, lors d’un rendez-vous que nous avions arrêté d’un commun accord au siège de son syndicat
Toutefois, ce différend qui a pris des proportions inquiétantes suscite une vive indignation dans le milieu de la presse. Malgré les rivalités entre les journalistes mauritaniens, c’est la première fois que l’un d’eux recourt à la justice pour faire condamner un confrère.
Sur la lancée, Bakary Guèye, journaliste, évoque la rivalité persistante entre les deux protagonistes ‘’Entre Mohamed Salem Ould Dah, président du SJM et Moussa Ould Bouhli, président de l’association des journalistes mauritaniens, le conflit est permanent. Ce dernier vient d’être condamné à 3 mois de prison avec sursis pour diffamation. Les accusations graves qu’il avait faites contre Ould Dah étaient apparemment erronées. Il l’avait accusé entre autres de connivence avec l’Etat d’Israël.
« Bref, c’est un conflit personnel qui met en exergue les problèmes de la presse mauritanienne qui est le champ de combat pour des intérêts personnels’’, déplore Guèye.
Oumar Abdellahi, directeur de l’hebdomadaire l’Authentique désapprouve ce procédé. « Il faut déplorer que la justice ait été invitée à ce problème qui dans tous les cas ne grandit pas la presse. Au contraire. Je ne pense pas qu’aujourd’hui, le temps soit aux querelles, aux batailles juridiques ou à la quête de leadership entre les journalistes mauritaniens.
Partant, notre priorité, à tous, doit être dans le combat pour de meilleures conditions de travail, l’affirmation d’une presse libre, crédible, forte et capable de jouer pleinement son rôle de quatrième pouvoir. Tout le reste n’est que futilité et tergiversations de très mauvais goût », a fait remarquer Oumar Abdellahi.
Aujourd’hui, la situation de la presse mauritanienne s’est détériorée avec le Covid-19. Les institutions de presse privée – écartée du fonds spécial de soutien sont dans un état végétatif. Miné et ne disposant pas des moyens de sa politique, le secteur est dans un état de décrépitude avancé. Et l’embargo de l’Etat tarde à être levé.
La presse mauritanienne peine à exister et ne peut pas supporter ce coup dur sur le plan moral. Les associations des médias ainsi que les organisations de défense de liberté de la presse ont toujours demandé que les litiges au sein des médias soient soumis à la médiation des instances d’autorégulation. La MFWA déplore alors le recours à la justice pour régler un différend entre confrères.