La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA), déterminée à promouvoir le journalisme d’investigation pour favoriser la transparence et la responsabilité des gouvernements, a lancé un programme pour le mentorat de jeunes journalistes en Afrique de l’Ouest.
Pour concrétiser cette idée, la MFWA a recruté l’année dernière dix jeunes journalistes ghanéens, parmi lesquels certains venaient de terminer leur formation en journalisme, dans le cadre d’un programme appelé LE STAGE DE FORMATION DE LA RELEVE DU JOURNALISME D’INVESTIGATION.
Les dix journalistes sélectionnés ont suivi une formation complète de cinq mois portant, entre autres, sur la vérification des faits, le journalisme de données, le journalisme d’enquête, la recherche et la rédaction, et les techniques de présentation. La formation comprenait également des rencontres périodiques avec des journalistes d’investigation et des professionnels des médias expérimentés, ainsi que des visites de travail dans des institutions médiatiques clés. De manière générale, les stagiaires ont acquis la capacité de réaliser des reportages critiques, de qualité, détaillés et fondés sur des faits.
À la fin du programme, certains des journalistes avaient produit des articles convaincants qui obligent les autorités ghanéennes à rendre des comptes. Leurs articles ont été publiés sur le site web de The Fourth Estate, le projet de journalisme de redevabilité de la MFWA. Voici quelques-unes des histoires produites par la première promotion du Stage NGIJ.
Dans un article intitulé « Scammed : The Instagram “shops” defrauding customers », Josephine Badu-Nyarko a réalisé un reportage complet présentant en détail l’ampleur de la fraude sur les plateformes de commerce électronique et numérique qui escroquent d’énormes sommes d’argent à des clients peu méfiants sur les réseaux sociaux.
L’article de Joséphine a notamment mis en exergue les activités de fausses sociétés de messagerie et la transposition frauduleuse de documents d’enregistrement de sociétés par des escrocs en ligne dans le but de tromper les gens. Ce dernier a également souligné le désintérêt apparent des entreprises de télécommunication dont les plateformes de paiement sont utilisées par des aigrefins pour escroquer des gens. Par-dessus tout, l’article souligne l’environnement favorable à l’épanouissement de ces fraudeurs et l’absence de structures permettant d’enrayer leurs activités, voire de les punir après qu’ils ont été signalés.
Son article a suscité une myriade de commentaires et de protestations sur les réseaux sociaux à l’encontre de la Commission ghanéenne de réglementation des services de courrier postal (PCSRC), l’organisme chargé de réglementer le milieu du commerce électronique, les courriers et les entreprises digitales dans le pays.
« Je me suis également fait escroquer une somme de plus de 1 500 Ghc (214 $) et la page existe toujours. Je me demande comment traduire ces criminels en justice », une lectrice a partagé son expérience #metoo en tant que victime d’escroquerie dans la section commentaire de l’article.
La PCSRC a fini par répondre à l’article.
« La PCSRC, une agence de régulation du ministère de la Communication et de la Numérisation (MOCD), a pris note d’un rapport d’enquête de The Fourth Estate », a déclaré le régulateur dans son communiqué.
« L’article montre clairement qu’il reste beaucoup à faire. La PCSRC, au nom du MOCD, souhaite informer le public de son prochain programme visant à enregistrer tous les opérateurs de commerce électronique et à leur fournir gratuitement un profil en ligne sécurisé », a promis la PCSRC.
Dans un effort commun, certains des stagiaires ont partagé des bylines pour aborder la question pertinente des infrastructures au Ghana. Les jeunes journalistes se sont exprimés sur l’apparente négligence du gouvernement qui conduit au gaspillage de milliards de fonds publics investis dans des projets d’infrastructure qui ont été abandonnés.
Les stagiaires ont parcouru la quasi-totalité des 16 régions du Ghana pour se rendre compte par eux-mêmes de la façon dont les infrastructures éducatives et sanitaires, qui ont coûté des milliards de dollars américains, sont restées inachevées et pourrissent. Certains des jeunes journalistes ont parcouru près de 700 km depuis Accra, la capitale, jusqu’aux communautés éloignées pour s’entretenir avec les étudiants, les enseignants et les autorités locales à qui ces installations étaient censées servir.
Leur article, intitulé « The story of 14 abandoned E-blocks : some now used for church, cassava farming », révèle que le précédent gouvernement ghanéen a signé des contrats avec des organisations donatrices, dont la Banque mondiale, pour un montant d’environ 1,6 milliard de dollars, afin de construire des établissements d’enseignement spécialisé. Ces installations, appelées E-block, étaient censées servir à des milliers de lycéens dans des communautés pour la plupart défavorisées. Mais le gouvernement actuel a abandonné les projets – au moins 14 d’entre eux – par manque de volonté politique, souligne l’article.
Outre l’abandon des projets inachevés, les stagiaires ont observé la situation préoccupante et récurrente de l’absence de documentation institutionnelle sur les projets auprès des autorités des assemblées locales. En principe, ces dernières sont censées superviser l’achèvement de ces projets.
« J’ai cherché des informations sur le projet ‘E-Block’ de Buoko, mais je ne suis tombé sur aucun document. J’ai demandé à mon prédécesseur de me renseigner sur le projet parce que l’entrepreneur en charge de ce dernier a cessé de travailler avant que je ne prenne la relève, et il m’a appris que le projet était assuré par le gouvernement central et que l’entrepreneur n’avait donc remis à l’assemblée aucun document à ce sujet », a expliqué l’ingénieur des travaux municipaux de la municipalité de Wenchi, dans la région de Bono, au Ghana.
Dans les communautés éloignées, les articles des stagiaires ne portaient pas seulement sur les grands projets d’éducation et les grosses sommes d’argent. Ils ont également raconté des histoires personnelles. Joseph Kpormegbey, dans la partie la plus septentrionale du Ghana, et Deborah Pokua Bembah, dans le district de Ningo-Prampram, dans la région du Grand Accra, ont raconté des histoires similaires d’enfants qui rêvent d’un avenir brillant, mais qui, par malchance, doivent se contenter d’une vie de misère. Intitulé « Endangered Dreams : The hopeful children battling deprivation », l’article raconte les luttes troublantes des enfants privés d’éducation, de santé et d’infrastructures de base.
Dans « Billions in the Bush : 8 hospitals delayed and abandoned », la triste réalité du secteur de l’éducation est reproduite dans le fragile secteur de la santé. Huit hôpitaux, avec plus de 700 lits, qui sont à différents niveaux de construction, ont été abandonnés. Ces projets de construction d’hôpitaux, d’une valeur de plusieurs milliards de Ghana cedis, ont été lancés par le gouvernement précédent.
Si l’on considère le rapport déplorable entre le nombre de patients et le nombre de lits au Ghana, la négligence du gouvernement n’est pas seulement inquiétante, mais constitue une menace pour la vie de chaque Ghanéen.
Les articles rédigés par les stagiaires du stage de formation de la relève du journalisme d’investigation (en anglais, Next Generation Investigative Journalism) de la MFWA ont mis en évidence la façon dont les besoins cruciaux en matière d’éducation des jeunes ghanéens et les soins de santé chancelants qui nécessitent une attention urgente sont sacrifiés sur l’autel d’un égoïsme politique apparent et de négligences administratives inconsidérées.
Ces articles ont, comme on pouvait s’y attendre, ranimé les sentiments du public, dont beaucoup semblent avoir été témoins de l’état déplorable des infrastructures sanitaires et éducatives du Ghana. Dans la section des commentaires de la page Web et sur les réseaux sociaux, les commentaires allaient de la déception à la rage en passant par le désespoir. Des appels sincères ont également été lancés au gouvernement pour qu’il sauve les investissements en infrastructures qui se perdent.
« La seule façon de faire fonctionner notre secteur de la santé, et de le faire fonctionner correctement, est de modifier cette clause qui permet à nos dirigeants et autres fonctionnaires de voyager à l’extérieur du pays pour des raisons de santé. À ce moment-là, ils s’assiéront et réfléchiront. Autrement, laissez tomber. Vous et moi continuerons à fréquenter le poids mort qu’ils nous ont laissé. Et n’oubliez pas que ce sont nos impôts qui paient leurs examens de santé », a souligné un lecteur en exprimant sa colère et son découragement dans un commentaire.
« Nous demandons au gouvernement, de s’impliquer pour sauver la situation. Et les entrepreneurs, s’il vous plaît, pour l’instant, mettez de côté toute légalité. Sauvons la nation », a plaidé Owusu Bekoe, un lecteur sur Facebook, en demandant une réponse.