La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) est profondément préoccupée par les menaces continues qui visent les journalistes critiques au Ghana au lendemain des élections générales et demande instamment à la police d’intensifier les enquêtes sur ces incidents et d’arrêter les auteurs pour qu’ils soient traduits en justice.
Au cours des deux dernières semaines, trois journalistes à Accra ont été menacés séparément en raison de leur travail, la plupart du temps par des inconnus, poursuivant ainsi une tendance inquiétante qui s’est dessinée depuis que les Ghanéens se sont rendus aux urnes le 7 décembre 2020 pour élire un président et de nouveaux législateurs.
Lors du dernier incident, un inconnu a pris d’assaut les locaux de Zylofon FM le 5 janvier 2021, à la recherche d’un animateur et musicien Blakk Rasta, qui présentait alors son émission de fin d’après-midi. Selon une déclaration publiée le 6 janvier 2021 par la direction de Zylofon Media, opérateur de Zylofon FM, l’inconnu a envahi les locaux de la station de radio vers 16 heures après avoir violé les protocoles de sécurité.
“Cet homme s’est rendu dans la salle des serveurs de la station, réussissant à déconnecter certains de nos câbles, et donc à interrompu la transmission avant de menacer la vie de l’animateur du Taxi Driver Show, Blakk Rasta, connu dans la vie privée sous le nom d’Abubakar Ahmed”, peut-on lire dans la déclaration.
Elle poursuit : “On ne sait pas exactement quel était le véritable motif de cet agresseur, mais il a affronté les services de sécurité des locaux dans une bagarre et a pulvérisé un contenu étrange dans leurs yeux, tout en étant aux abois pour le sang de Blakk Rasta alors qu’il s’efforçait de pénétrer dans le studio pendant la transmission en direct du segment Black Pot du Taxi Driver Show”.
La direction de la station de radio a révélé qu’il a fallu l’intervention de l’équipe de la police du district de East Legon pour le maîtriser et l’arrêter.
L’attaque sur Zylofon FM et la menace contre son animateur vedette sont intervenues sept jours après qu’Abdul Hayi Moomen, journaliste de la chaîne publique GTV, ait porté plainte auprès de la police pour avoir été menacé par des individus non identifiés.
Moomen a annoncé l’incident du 28 décembre 2020 sur Facebook avec une photo des assaillants, en déclarant : “J’ai déposé une plainte officielle auprès de la police de Nima. Mais si quelque chose devait m’arriver ou arriver à un membre de ma famille, aidez-les à retrouver le type en noir (c’est la meilleure prise de photo que j’ai de lui dans ces circonstances). Lui et ses amis ont menacé de s’occuper de moi. Ils disent qu’ils savent où j’habite et que ce travail sera facile”.
Un autre journaliste, Manasseh Azure Awuni, a révélé qu’il avait reçu une menace de mort le jour de Noël à cause d’un article qu’il avait écrit sur le résultat contesté des élections générales du 7 décembre au Ghana.
S’exprimant dans Newsfile, une émission sociopolitique diffusée le week-end du 26 décembre 2020 par Joy FM, basée à Accra, Manasseh, journaliste d’investigation indépendant, a révélé que la menace lui avait été envoyée par courrier électronique.
“Laissez-moi vous dire que Manasseh ou quel que soit votre nom, nous, les bons citoyens du Ghana, ne nous assiérons pas pour que quelques mécréants comme vous détruisent ce beau pays. Si la condition exige que nous éliminions des rats comme vous, nous n’hésiterons pour faire exactement cela”, a averti l’inconnu.
Ceci constitue une agression psychologique délibérée, le courrier faisait référence au meurtre du journaliste d’investigation Ahmed Suale, avertissant cyniquement Manasseh de tirer une leçon de cet incident qui s’est produit à Accra le 16 janvier 2019.
“Mais n’oubliez pas la mort d’Ahmed Suale, que ce sang qui a été sacrifié pour apaiser l’esprit de nos ancêtres vous serve de rappel. Quand vous prenez un stylo et écrivez un article, n’oubliez jamais la mort de vos collègues…”
Ces menaces font suite à des menaces similaires proférées à l’encontre de journalistes de l’organisation de médias privée Multimedia Group par des individus mécontents sur les médias sociaux. Ces menaces, qui visaient les journalistes Evans Mensah, Winston Amoah, Philip Osei-Bonsu, Gifty Andoh-Appiah, Israel Laryea, ont contraint la direction du Groupe Multimédia à adresser une pétition au Directeur général de la Division des enquêtes criminelles (CID) de la police. La pétition, datée du 14 décembre 2020, demandait à la police d’enquêter sur les menaces et d’arrêter les auteurs.
La MFWA considère ces menaces comme une attaque contre la liberté de la presse et la liberté d’expression en général, qui sont des éléments clés de la démocratie. Elles démontrent un niveau élevé d’intolérance envers la liberté de la presse et constituent une tentative de réduire au silence le journalisme critique. Nous demandons donc instamment à la police de continuer à assurer la protection des journalistes visés et de démasquer les personnes derrière ces actes lâches pour qu’elles puissent faire face à la loi.