Les médias guinéens étouffés par une répression persistante

L’instance de régulation des médias en Guinée, la Haute Autorité de la Communication (HAC), a suspendu pour une durée de trois mois Mamadou Taslima Diallo, alias Williams Campbell, animateur de l’émission Star en ligne, diffusée sur West Africa TV.

S’appuyant sur les articles 107 et 112 de la Loi L/2010/02/CNT du 22 juin 2010 relative à la liberté de la presse en République de Guinée, la HAC reproche au journaliste d’avoir insulté un invité lors de son émission. Diallo a reconnu les faits devant les commissaires de la HAC, qui l’avaient convoqué, ainsi que devant la direction de West Africa TV.

Or, selon les articles évoqués, seules les infractions répétées peuvent justifier la suspension d’une émission, et ce, pour une durée comprise entre trois et six éditions. La sanction prononcée apparaît donc excessive et non conforme à la législation en vigueur.

Dans un autre cas de censure stricte, la HAC a suspendu pour neuf mois le site d’information www.depecheguinee.com, tandis que son rédacteur en chef, Abdoul Latif Diallo, a écopé d’une suspension de six mois le 17 janvier 2024. Cette décision fait suite à des plaintes déposées par le ministre de l’Économie et des Finances, Moussa Cissé, et par le gouverneur de la Banque centrale, Karamo Kaba, concernant un article du média évoquant un présumé détournement de fonds publics.

Dans son communiqué, la HAC accuse le média et son responsable d’avoir enfreint les règles déontologiques du journalisme en diffusant de fausses informations et en refusant de répondre à ses convocations. Ce n’est pas la première fois que Diallo et son média sont sanctionnés, puisqu’ils avaient déjà été suspendus en septembre dernier pour des faits similaires.

www.depecheguinee.com fait partie d’une série de médias récemment pris pour cible par les autorités guinéennes. Le 3 janvier 2024, Mohamed Bangoura, directeur de publication du site Mosaïque Guinée, a indiqué que son média était devenu inaccessible depuis le territoire national. Il a précisé que les lecteurs ne pouvaient y accéder qu’en utilisant un réseau privé virtuel (VPN). Bangoura affirme n’avoir reçu aucune notification officielle de blocage et que ses tentatives de contacter les autorités sont restées sans réponse.

Dans un autre incident survenu le 14 janvier 2024, les autorités guinéennes ont expulsé le journaliste indépendant français Thomas Dietrich. Ce dernier enquêtait sur un présumé détournement au sein de la société nationale des hydrocarbures. Il a été accusé d’être entré illégalement sur le territoire, bien qu’il affirme être en possession d’un visa en règle et n’avoir reçu aucune explication écrite concernant son expulsion.

La police l’a interpellé à son hôtel à Conakry, a saisi ses téléphones et son ordinateur, et l’a interrogé sur le contenu de ses appareils. Il n’a pu récupérer qu’un seul de ses téléphones.

La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne fermement ces suspensions arbitraires de journalistes et de médias en Guinée. Elle exhorte la HAC à n’imposer de sanctions qu’en cas de faute grave, et invite l’organe de régulation à privilégier un dialogue constructif avec les professionnels des médias pour aborder les enjeux liés à l’éthique et au professionnalisme, plutôt que de recourir systématiquement aux sanctions.

La MFWA déplore également l’arrestation et l’expulsion du journaliste français Thomas Dietrich, et appelle les autorités guinéennes à faire preuve de davantage de tolérance envers la presse. Elle exhorte également les journalistes et professionnels des médias guinéens à respecter les standards professionnels et éthiques les plus élevés.

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