La Côte d’Ivoire, avec sa biodiversité riche et variée, fait face à une pression croissante due à l’exploitation non durable des ressources naturelles. Dans ce contexte, les défenseurs de l’environnement jouent un rôle crucial dans la protection des écosystèmes et des communautés contre les pratiques destructrices, notamment celles liées à l’agriculture intensive, la déforestation, et l’exploitation minière illégale. Cependant, leur travail est souvent entravé par divers défis et menaces. Ce rapport met en lumière ces obstacles à travers des témoignages d’activistes, d’organisations de la société civile et de leaders d’opinion qui luttent pour la protection de l’environnement en Côte d’Ivoire.
Cet article est basé sur des entretiens réalisés avec sept défenseurs de l’environnement, comprenant des militants écologistes, des organisations de la société civile et des leaders d’opinion locaux. Les entretiens ont permis de recueillir des informations sur les obstacles qu’ils rencontrent quotidiennement, ainsi que sur les stratégies qu’ils adoptent pour surmonter ces défis.
Les menaces juridiques et la criminalisation de l’activisme environnemental
Un des défis majeurs évoqués par les défenseurs de l’environnement en Côte d’Ivoire concerne la criminalisation de leurs activités. Mariame Koné, activiste et présidente de l’ONG « Forêts Vivantes », explique que les écologistes sont souvent confrontés à des poursuites judiciaires infondées. Elle raconte que plusieurs militants ont été arrêtés et accusés d’incitation à la violence simplement pour avoir dénoncé la déforestation illégale dans des zones protégées. « Nous sommes étiquetés comme des fauteurs de troubles, alors que nous défendons simplement l’intérêt général », déclare-t-elle.
Jean-Baptiste N’Guessan, membre de la société civile et activiste anti-déforestation, témoigne également que ces tracasseries judiciaires servent de mécanisme d’intimidation pour décourager les campagnes de protection de l’environnement.
Les abus physiques et émotionnels
Les défenseurs de l’environnement sont également victimes de violences physiques et émotionnelles. Lucien Brou, militant basé dans la région du Cavally, a été agressé physiquement après avoir dénoncé l’exploitation illégale des forêts. Il raconte que sa famille a reçu des menaces de mort à plusieurs reprises. Kouadio Armel, un autre défenseur de l’environnement, se souvient d’avoir été harcelé pendant des mois, tant émotionnellement que psychologiquement, après avoir révélé des pratiques agricoles nuisibles à l’environnement.
Il y a aussi le cas du Le barrage hydroélectrique de Singrobo-Ahouaty en Côte d’Ivoire qui a profondément bouleversé la vie des communautés locales, en particulier celle des femmes. En perdant leurs terres, leurs cultures et leurs activités économiques, ces populations ont vu leurs sources de revenus diminuer drastiquement. Malgré les promesses d’indemnisations du Plan d’Action de Réinstallation et de la Banque Africaine de Développement, les compensations perçues n’ont pas suffi à rétablir leur niveau de vie antérieur, provoquant un mécontentement général.
En dépit de l’avancement des travaux du barrage, achevés à plus de 80 %, les populations locales continuent de subir les conséquences de ce projet, selon le journal en ligne influencemag.ci.
Restrictions d’accès aux forêts et autres zones protégées
L’accès aux zones de conflit environnemental, comme les forêts protégées ou les réserves naturelles, est souvent bloqué. Fanta Koffi, une militante écologiste travaillant dans le domaine de la préservation des forêts, affirme que les autorités locales, sous la pression d’intérêts économiques, refusent systématiquement l’accès à certaines zones. « Nous n’avons pas la possibilité de constater les dégâts en personne, car nous sommes considérés comme des ennemis des exploitants », dit-elle.
L’ONG Côte d’Ivoire Verte rapporte des incidents où leurs membres se sont vus refuser l’accès à des réserves forestières pour enquêter sur des coupes illégales d’arbres. Cette situation a souvent mené à un manque de transparence et a empêché la documentation efficace des violations environnementales.
Les menaces et intimidations des acteurs économiques
Les acteurs économiques qui profitent des pratiques non durables, notamment les exploitants agricoles et forestiers, voient souvent les défenseurs de l’environnement comme une menace pour leurs profits. Soro Issouf, responsable d’une association locale de protection de la biodiversité, explique que des campagnes d’intimidation sont courantes. Ces campagnes incluent la propagation de rumeurs, des attaques sur les réseaux sociaux, et des pressions exercées sur les familles des militants.
Isabelle Amian, une militante écologique de la région de la Comoé, raconte comment les grands producteurs de cacao ont lancé une campagne de diffamation contre elle après qu’elle a dénoncé la destruction de plusieurs hectares de forêts pour l’expansion de plantations
Résilience et victoires des défenseurs de l’environnement
Malgré ces défis, les défenseurs de l’environnement en Côte d’Ivoire continuent de remporter des succès. Adama Ouattara, fondateur de l’ONG « Environnement Ivoire », souligne l’importance de la solidarité entre militants et des alliances avec des organisations internationales pour mettre fin à certaines pratiques destructrices. Grâce à une campagne de sensibilisation intensive, il a réussi à obtenir la suspension d’un projet d’exploitation minière dans une zone classée.
De plus, Juliette Dali, une autre activiste, a joué un rôle clé dans la mise en œuvre de programmes d’agriculture durable dans certaines communautés rurales. Elle raconte comment, après des années de lutte contre les résistances locales, plusieurs exploitants agricoles ont adopté des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.
Les défenseurs de l’environnement en Côte d’Ivoire font face à une série de menaces graves qui vont des poursuites judiciaires aux violences physiques et aux campagnes d’intimidation. Cependant, malgré ces obstacles, leur résilience et leur engagement ont permis de remporter des victoires significatives pour la protection des écosystèmes et des droits des communautés. Il est impératif que la société civile, les gouvernements et les organisations internationales travaillent ensemble pour renforcer la protection des défenseurs de l’environnement et soutenir leurs actions cruciales. Cela pourrait passer par la promulgation et l’application stricte des lois pour protéger les défenseurs de l’environnement contre les poursuites abusives.
Il est par ailleurs impératif pour les ONG de fournir un soutien juridique et financier aux défenseurs de l’environnement pour contrer les menaces auxquelles ils font face.
Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet de La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) qui a pour objectif de mettre en lumière les défis auxquels sont confrontés les journalistes, les activistes et les communautés engagées dans la protection de l’environnement. Ce projet de suivi et rapports intitulé « Promouvoir l’agroécologie et la Durabilité Environnementale ; et Renforcer la Liberté d’Expression en Afrique de l’Ouest », qui est mis en œuvre avec le soutien financier de The 11th Hour Project.