Le 6 mars 2020, les autorités guinéennes ont expulsé un journaliste français du pays, un jour après qu’il ait été agressé par des agents de sécurité lors d’une manifestation dans la capitale Conakry.
Thomas Diétrich, journaliste de Lemedia TV, a été suivi à Nongo, dans la banlieue de Conakry, par des policiers qui ont arrêté le conducteur de la moto qu’il avait engagé. Sans donner de raison à leur action, les policiers l’ont saisi et l’ont mis dans leur camionnette. Il s’est avéré par la suite que le journaliste a été envoyé à l’aéroport et expulsé vers la France.
“J’étais allé à Nongo pour rendre visite à un ami français quand la police est venue m’arrêter. J’ai présenté mes papiers qui étaient tous en règle ainsi que mon accréditation qui était en règle. Ils m’ont amené à l’aéroport et là, on m’a mis dans une salle d’embarquement. Je n’ai même pas mes effets sur moi”, a déclaré Dietrich à un journaliste d’Africaguinee.com, un site d’information en ligne.
L’organe de régulation des médias, la Haute Autorité de la Communication (HAC), a déclaré avoir retiré l’accréditation du journaliste pour dépassement des limites de son permis, tandis que le ministère de la Sécurité et de la Protection civile a également confirmé que le visa de M. Dietrich avait été annulé pour dépassement des limites.
“M. Thomas Pierre Dietrich, arrivé le 5 février 2020, avait obtenu une accréditation pour couvrir les élections législatives et le référendum du 1er mars 2020. Toutefois, il a été constaté qu’au lieu de se limiter à l’objet de cette accréditation, il s’est livré à des activités incompatibles avec sa mission et s’est engagé dans des activités de politique intérieure susceptibles de porter atteinte à l’ordre public”, a déclaré le ministère le 7 mars.
L’expulsion a eu lieu le lendemain de l’agression de Dietrich par les forces de sécurité après qu’elles l’aient repéré en train de filmer leur répression contre les manifestants. Le journaliste a ensuite raconté son calvaire dans un tweet, disant que la police l’avait frappé à l’épaule, avait saisi son téléphone et l’avait menacé de mort avec une arme pointée sur lui.
Thomas Dietrich s’est fait des ennemis parmi les membres du gouvernement guinéen par son travail critique. Par exemple, il a rédigé un article intitulé “En Guinée, ce n’est pas une révolte, mais une révolution”. Dans cet article détaillé, il a révélé le témoignage de Madifing Diané, le gouverneur de la région de Labé, qui a admis sans le savoir que la police était responsable des meurtres enregistrés dans cette région.
C’est la deuxième fois que les autorités guinéennes harcèlent et empêchent les correspondants des médias étrangers de couvrir la crise actuelle dans le pays.
Le 17 octobre 2019, la police de Conakry a détenu pendant plusieurs heures le reporter d’Al Jazeera basé à Dakar, Nicolas Haque, et son cameraman Hugo Bogaeert. Les journalistes et leur fixeur local ont été arrêtés alors qu’ils filmaient au Stade du 28 septembre, ainsi nommé pour commémorer le meurtre de plus de 150 manifestants antigouvernementaux par les forces de sécurité en 2009.
Alors que la police prétend que les journalistes “espionnaient et sapaient la sécurité de l’État”, l’organe de régulation des médias les a accusés de produire des “reportages ethnocentriques” et, par conséquent, leur a retiré leur accréditation.
Thomas Dietich et son expulsion ultérieure sont liés aux attaques systématiques menées par les autorités contre les journalistes critiques, les militants et les manifestants opposés à la tentative du président Alpha Condé de modifier la constitution de la Guinée afin de briguer un troisième mandat. Nous condamnons le traitement infligé à Dietrich comme un abus de pouvoir flagrant et un acte désespéré visant à réprimer la dissidence et le journalisme critique qui sont essentiels au succès d’une démocratie. Nous encourageons les médias en Guinée à rester résolus, à faire preuve de professionnalisme et à promouvoir l’intérêt public et national, en particulier en ces temps difficiles.