Une éminente journaliste de Sierra Leone, Sylvia Olayinka Blyden, a recouvré la liberté après avoir passé un total de 50 jours en détention pour sédition et diffamation en rapport avec ses publications sur les réseaux sociaux.
Blyden, qui est l’éditrice du journal Awareness Times et une activiste politique, a été libérée le 24 juin 2020 après que ses avocats aient obtenu une caution pour elle pour la deuxième fois depuis son arrestation le 1er mai 2020.
L’éditrice a été traduite devant un tribunal le 22 mai 2020, après avoir été maintenu en détention illégale pendant 22 jours depuis que la police a pris d’assaut sa résidence et l’a arrêtée, saisissant des téléphones et des ordinateurs au passage. Après avoir été mise en liberté provisoire sous caution, Blyden a fait sa deuxième apparition au tribunal le 28 mai et a été libérée sous caution un jour plus tard. Cependant, lorsque la militante et journaliste a comparu au tribunal le 3 juin 2020, date de l’ajournement suivant, les autorités l’ont remise en détention après l’avoir accusée d’avoir enfreint les conditions de sa mise en liberté sous caution en faisant des déclarations publiques sur l’affaire. Elle a finalement été libérée sous caution le 24 juin 2020. Blyden a donc passé un total de 50 jours en détention ; 29 jours et 21 jours de part et d’autre de sa courte mise en liberté sous caution.
La journaliste est accusée de dix chefs d’accusation. Selon l’acte d’accusation, pour les chefs d’accusation 1 à 5, Blyden a, le 23 avril 2020, à Freetown, publié sciemment un article diffamatoire contre le Président et le gouvernement de la Sierra Leone.
Sur les autres chefs d’accusation, il est allégué que Blyden a écrit sur sa page Facebook que l’ancien ministre de la défense Alfred Paolo Conteh, qui était en détention au siège du Département d’enquêtes criminelles (CID) à Freetown, avait été maintenu dans des conditions déshumanisantes. Elle a également partagé un rapport d’Awareness Times of Sierra Leone qui a fait des déclarations similaires sur les conditions de détention de Conteh.
Un autre militant, Hussain Muckson Sesay, était également présent au tribunal aux côtés de Blyden lors de sa première comparution le 22 mai. Le militant des droits de l’enfant a été arrêté par la police le 3 mai 2020 et accusé plus tard de “perversion de la justice”. Le crime de Sesay était d’avoir photographié le centre de détention où Blyden était détenu et d’avoir partagé les photos sur les médias sociaux.
Sesay a été libéré sous caution le 28 mai 2020, en même temps que Blyden, par la magistrate Hannah Bonnie du tribunal de Freetown, pour un montant d’un milliard de Leones (environ 100 000 dollars) chacun.
Le magistrat a décidé qu’ils devaient tous deux joindre un plan de permis et un certificat d’évaluation des biens à la caution, qui doit être approuvée par le Master et le Registrar de la Haute Cour.
Si nous nous félicitons de la libération sous caution de Blyden et Sessay, nous pensons qu’ils n’auraient pas dû être arrêtés.
La détention sans autorisation judiciaire de Blyden et Sessay pendant 22 et 19 jours respectivement constitue une violation de leurs droits en vertu de la section 17 (3) (a) de la constitution de la Sierra Leone de 1991 qui stipule que “Toute personne qui est arrêtée et détenue dans le but de la traduire devant une cour ou un tribunal et qui n’est pas libérée, doit être traduite devant un tribunal dans les dix jours suivant la date de son arrestation”.
Les détentions violent également la sous-section 3(b) de la constitution de la Sierra Leone qui prévoit qu’une personne arrêtée dans des cas tels que celui du Dr Blyden et de Sessay doit être traduite en justice dans un délai de soixante-douze heures.
Les accusations portées contre les deux hommes découlent directement de leurs activités critiques dans les médias sociaux en tant que journalistes et activistes. Cette activité ne devrait pas être punie dans un État démocratique. Le président Julius Maada Bio a fait une remarque similaire lors de son premier cocktail avec une partie des médias de Sierra Leone le 5 décembre 2018.
“La cinquième partie de la Loi sur l’Ordre Public de Sierra Leone criminalise toute publication jugée diffamatoire ou séditieuse et qui a été utilisée comme un régime pour cibler et emprisonner indûment les professionnels des médias et faire taire les opinions dissidentes”, a déclaré le président Bio.
Le 11 septembre 2019, le président Maada Bio a obtenu de son cabinet qu’il approuve un projet de loi visant à abroger les lois sur la diffamation criminelle et séditieuse de la loi sur l’ordre public de 1965. Le projet de loi est en attente d’approbation par le Parlement.
Il est donc étrange que la même loi soit utilisée pour juger Blyden et Sessay.
“Une fois qu’un gouvernement concède qu’une loi particulière est répressive et entame un processus pour l’abroger, il serait contradictoire et constituerait une démonstration de mauvaise foi de la part de ce même gouvernement d’inculper des citoyens en vertu de la même loi qu’il s’est engagé à abroger”, a déclaré Vivian Affoah, directrice de programme la liberté d’expression à la MFWA.
La MFWA condamne également la saisie et la fouille des téléphones et des ordinateurs de Blyden comme une violation de son droit à la vie privée. En plus de la saisie de ses appareils numériques, les autorités auraient interféré avec son compte Facebook. Bien qu’elle n’ait pas été autorisée à accéder à des outils de communication pendant sa détention, une déclaration censée provenir d’elle a été affichée sur son mur Facebook le 17 juin 2020.
“En attendant, il est important d’informer tout le monde qu’une prétendue DÉCLARATION PERSONNELLE publiée ici à cette même URL Facebook, datée du 17 juin 2020 au nom du Dr Sylvia Blyden et prétendant aborder diverses questions en son nom, est une fraude totale. Cela n’a jamais été autorisé”, a déclaré le bureau du Dr Sylvia Olayinka Blyden dans un dementi publié peu après sa libération. Il a ajouté que le bureau du Dr Sylvia Olayinka Blyden travaille avec de hauts responsables de Facebook pour sécuriser entièrement le mur Facebook de la journaliste “de toute activité non autorisée”.
Les accusations de diffamation portées contre Blyden et Sesay et le traitement abusif infligé par la suite aux militants sur leurs publications dans les médias sociaux ne permettent guère de croire que le gouvernement sierra-léonais s’engage réellement à promouvoir la liberté d’expression. La MFWA demande donc instamment aux autorités d’abandonner les accusations portées contre les deux personnes et d’enquêter sur la violation signalée du compte Facebook de Blyden. Nous demandons également à la police sierra-léonaise de cesser de harceler les deux militants.
Nous exhortons en outre le Parlement sierra-léonais à accélérer les procédures et à abroger les lois sur la diffamation criminelle et séditieuse de la Loi sur l’Ordre Public de 1965.