La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest constate avec déception la suspension de neuf chaînes de télévisions privées commerciales du multiplexe de la TNT au Burkina Faso. Nous exhortons la Société burkinabè de télédiffusion (SBT) à l’origine des suspensions à revenir sur sa décision et à réengager les négociations avec les promoteurs de télévisions privées. La MFWA invite toutes les parties concernées à trouver des solutions viables à ce problème qui prive des millions de citoyens de leur droit à l’information.
Vendredi 10 décembre 2021, il est 00h00 sur le territoire burkinabais lorsque neufs chaînes de télévisions privées commerciales du multiplexe de la TNT ont vu leur signal d’émission suspendu. La raison de ces suspensions en masse n’est pas tirée par les cheveux, ces chaines ont chacune une dette de 88 500 000 F CFA TTC envers la SBT.
Cette suspension survient à un moment extrêmement délicat alors que l’accès à l’information est d’autant plus cruciale. The pays est confronté aux attaques armées terroristes. Le 20 novembre 2021 le gouvernement avait procédé à l’interruption de l’internet mobile pour 5 jours à cause de manifestations contre la présence militaire française dans le Sahel.
Bien que le Burkina Faso soit le premier pays Ouest-africain à officiellement lancer la TNT le 28 décembre 2017 à Ouagadougou, ce n’est que le 17 septembre 2019 que les tarifs ont été communiqués pour la première fois. Ces tarifs étaient basés sur proposition de l’union burkinabè des éditeurs privés de services de télévision (UBESTV) d’une politique de redevance évolutive pour atteindre 75 000 0000 Francs CFA au bout de trois ans de mise en œuvre de la TNT, soit 50% à la première année, 75% à la deuxième année et 100% à la troisième année.
Dans un communiqué, M. Guezouma Sanogo, Président de l’Association des Journalistes du Burkina, expliquait « qu’à la signature des conventions pour l’attribution des licences avec le Conseil supérieur de la Communication, aucune information sur les coûts des redevances n’avait été communiquée aux éditeurs des services de télévision privée. Et tout cela se passait sans que les promoteurs de télévisions privées ne soient ni associés au processus, ni informés au préalable des montants des redevances TNT ».
Depuis lors, les télévisions privées ont toujours exprimé à la SBT que les montants nécessaires à payer pour la redevance TNT sont faramineux au regard de leurs réalités économiques. L’avancée technologique a pour objectif principal d’amoindrir les couts tout en contribuant à une productivité accrue. Avant la TNT, les factures de redevance pour les fréquences télévision de Ouagadougou et Bobo Dioulasso s’élevaient à 5 millions de Francs CFA par an. Depuis l’avènement de la TNT, la redevance annuelle est de 60 000 000 Francs CFA.
En octobre 2020, le Conseil supérieur de la communication avait entamé des démarches auprès des télévisions privées en vue de signer le contrat de la SBT, mais surtout pour ouvrir les négociations pour réduire les coûts de la redevance. Le Ministre de la Communication d’antan avait exigé à chacune des télévisions de procéder au paiement de la somme de 3 millions de Francs CFA au profit de la SBT, au regard des difficultés des médias et surtout en raison du service public rendu à la Nation.
En septembre 2021, soit une année plus tard, la SBT a annoncé la dissolution du Comité de pilotage qui était chargé de la relecture de l’arrêté ministériel fixant le coût de la redevance TNT.
À la mi-octobre 2021, la SBT menace de suspendre les télévisions privées si elles ne paient la « dette de la redevance TNT ». Mais grâce à la médiation du Conseil supérieur de la communication, la SBT à accepter la proposition des télévisions privées, de payer chacune la somme de 3 millions de F CFA, assorti d’un engagement écrit sur la dette en fonction des réalités financières de chacune.
Le 03 novembre 2021, le gouvernement avait remis en cause le modèle économique de la SBT lors du Conseil des ministres en instruisant le ministre de la Communication de trouver un meilleur modèle économique.
Cependant, le 25 novembre 2021, après les encaissements des 3 millions au délai fixé du 23 novembre 2021, la SBT menace de nouveau de suspendre les télévisions si elles ne paient au moins 31 250 000 F CFA.
La Fondation de Media pour l’Afrique de l’Ouest se dit extrêmement déçue par cette suspension arbitraire et régressive des chaînes de télévision. Ce genre de décisions est extrêmement nuisible à la liberté d’expression, de la presse ainsi qu’aux libertés civiles.
Dans une conjoncture économique très défavorable fortement marquée par la double crise du terrorisme et de la Covid-19, cette pression financière de la part de la SBT est la dernière des choses dont la presse au Burkina Faso a besoin. Nous demandons à la SBT de reconsidérer cette suspension qui viole les droits des citoyens à l’information, la liberté de la presse et la liberté d’expression. Nous dénonçons cette tentative d’étouffement financier de la presse et invitons le gouvernement et les acteurs de la presse à trouver des solutions durables.