La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest salut la libération du journaliste béninois Patrice Gbaguidi et de Hervé Alladé, propriétaire du média Le Soleil Bénin Info qui étaient en détention provisoire depuis le 18 novembre 2021. La MFWA demande l’annulation de toutes les charges portées contre les accusés qui ont écopé, le mardi 07 décembre 2021, de 6 mois prison avec sursis et de 500 mille francs CFA d’amende.
Dans une affaire qui montre la menace impondérable que représente le nouveau code numérique du Bénin, le journaliste Patrice Gbaguidi et Hervé Alladé, également propriétaire du média, ont été jetés en prison pour un article publié le 25 août 2021 sur le colonel Marcellin Laourou, chef de la douane béninoise. Ils sont accusés de « harcèlement par communication électronique », une accusation de plus en plus courante de la part des autorités contre les publications critiques en ligne.
Rédigé par M. Gbaguidi, ledit article faisait état d’un conflit foncier privé entre le colonel Laourou et une femme et accusait le premier « d’occupation illégale d’une route d’accès à Godomey Togoudo ».
Les deux hommes ont été convoqués et interrogés par l’Office central de répression de la cybercriminalité (OCRC), suite à une plainte pour diffamation déposée par le colonel Laourou à propos de l’article Une semaine plus tard, le 18 novembre 2021, les deux hommes ont été placés en détention après avoir comparu devant le procureur de la République.
Quelques heures avant l’interrogatoire, Patrice Gbaguidi avait posté une alerte sur son compte Facebook au sujet de la convocation.
« Suite à mon article publié dans le journal LE SOLEIL BÉNIN INFO le 25th août 2021, le douanier Marcellin Laourou, le jugeant diffamatoire, a déposé une plainte auprès de l’Office central de répression de la cybercriminalité. A ce titre, après mon interrogatoire de la semaine dernière, je suis convoqué ce jeudi 18 novembre 2021 à 8h00 précises », écrit le journaliste.
En vertu de l’article 550 alinéa 1 de la loi n°2017-20 portant nouveau code numérique du Bénin adopté en 2018, les deux prévenus accusés dans cette affaire de harcèlement par communication électronique pourraient être condamnés à une peine d’un mois à deux ans d’emprisonnement et à une amende de cinq cent mille (500 000) à dix millions (10 000 000) de francs CFA.
Le procès tant attendu qui était initialement prévu pour le mardi 30 novembre 2021, a finalement eu lieu le mardi 07 décembre 2021 au tribunal de Cotonou. Le journaliste Patrice Gbaguidi et Hervé Alladé, le propriétaire du média qui sont poursuivis pour harcèlement par le biais d’une communication électronique ont finalement été condamnés à 6 mois de prison avec sursis et une amende de 500 milles FCFA.
Malgré la dépénalisation des délits de presse, les médias béninois restent depuis quelques années confrontées au nouveau code numérique qui, telle une épée de Damoclès, a créé un climat de terreur et d’autocensure, et un environnement propice à l’emprisonnement et au musellement des journalistes sous le simulacre de lutte contre la cybercriminalité.
Selon certains critiques, le déclin du Bénin, qui est passé de la 78e à la 114e place dans le classement de la liberté de la presse de Reporters sans frontières, est dû à l’utilisation du code numérique pour harceler les journalistes et les activistes critiques. Au moins 17 journalistes, blogueurs et activistes en ligne, dont Ignace Sossou, Casimir Kpedjo ont été arrêtés et poursuivis au cours des trois dernières années sur la base de l’article susmentionné.
Dans un communiqué, l’Union des Professionnels des Médias du Bénin (UPMB) a déclaré que la décision initiale d’emprisonner Patrice Gbaguidi et Hervé Alladé « remet une fois de plus en cause les dispositions du Code de l’information et de la communication, qui interdit le recours aux peines privatives de liberté contre les professionnels des médias dans l’exercice de leur profession, et nous rappelle la nécessité d’intensifier les efforts de révision du Code du numérique dans les meilleurs délais ».
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest se félicite de la mise en liberté de Patrice Gbaguidi et Hervé Alladé, tous deux du media Le Soleil Bénin Info, quoi qu’ils n’auraient pas dû être emprisonnés en premier lieu. La MFWA dénonce ainsi fermement leur condamnation qui est une claire tentative de musèlement et d’intimidation des voix critiques et dissidentes. De tels actes sont susceptibles de pousser ces dernières à l’autocensure.
Nous demandons aux autorités béninoises de mettre fin aux intimidations et emprisonnements tous azimuts de journalistes sur la base de poursuites frivoles, en vertu des dispositions répressives du nouveau code du numérique. Cette situation met en péril le travail des médias, porte atteinte à la liberté d’expression et de la presse et ternit l’image de la République du Bénin.
La MFWA exprime sa solidarité aux deux journalistes et son soutien à l’appel lancé par les acteurs et partenaires des médias au Bénin afin de mettre fin à l’application du code numérique pour traiter des délits de presse, surtout lorsque la diffamation est explicitement dépénalisée dans le code de la presse.