Yacouba Ladji Bama, Rédacteur en chef du journal Courrier confidentiel, a comparu le 1er mars 2021 au Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour diffamation, sur plainte du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), parti au pouvoir. Le verdict est prévu pour le 15 mars 2021.
Les faits remontent au 16 décembre 2020 lorsque, dans un post sur sa page Facebook, Yacouba Ladji Bama a soupçonné le parti au pouvoir, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP), d’être lié à une tentative d’assassinat qui l’aurait visé alors qu’il revenait de Dori le 10 novembre 2020. Le journaliste avait d’ailleurs déposé une plainte contre X pour tentative d’assassinat. (Cf. Des inconnus armés tirent sur un journaliste d’investigation).
Le MPP s’est senti diffamé et a décidé de poursuivre le journaliste d’investigation. Sur plainte du parti, le procès contre Yacouba Ladji Bama s’est déroulé le lundi 1er mars 2021 au Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou. Aux termes des débats à la barre, le Parquet a requis contre le journaliste, une peine de deux mois de prison et une amende de 250 000 F CFA, le tout assorti de sursis.
Les avocats du MPP ont demandé au Tribunal de condamner le journaliste d’investigation à payer la somme d’un franc CFA symbolique au titre des dommages et intérêts et à verser la somme de 1 000 000 F CFA au titre des frais non compris dans les dépens.
Les avocats de l’accusé, pour leur part, ont demandé au Tribunal de déclarer les poursuites nulles pour infraction non constituée. Le délibéré est fixé au 15 mars 2021.
En rappel, c’est de retour de la ville de Dori, dans la région du Sahel, où il avait co-animé un panel sur la corruption électorale pendant la campagne que le véhicule dans lequel se trouvait le journaliste aurait essuyé « un tir de balle », selon ses témoignages.
L’activité s’est déroulée sans violence particulière, selon les affirmations du journaliste, hormis les échanges quelque peu houleux entre lui et certains intervenants portant sur des pratiques (« phénomène d’achat de conscience à travers la distribution de T-shirts Oranges, couleur dudit parti au pouvoir ») qu’il a dénoncées au cours de son intervention. Mais, à l’issue du panel, sur le chemin du retour, le véhicule dans lequel se trouvait Ladji Bama, Rodrigue Tagnan et un chauffeur, aurait essuyé un « tir de balle » en pleine circulation dans les encablures du village de Yalgo vers 18h.
« A ce stade, je n’ai aucun élément pour accuser qui que ce soit. Cependant, j’ai de forts soupçons à l’endroit du parti au pouvoir et de l’entreprise minière IAMGOLD Essakane qui exploite la grande mine aurifère située dans ladite région », avait ajouté Yacouba Ladji Bama.
Ce n’est pas la première fois que le journaliste dénonce des agissements à son encontre. Dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 janvier 2020 à Ouagadougou, son véhicule, garé à la maison, avait subitement pris feu. Après avoir réussi à maîtriser les flammes, il a pu constater qu’une bouteille pleine d’essence avait été projetée du dehors de la cour sur la vitre arrière de la voiture avec une flamme qui avait commencé à consumer l’intérieur du véhicule.
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest est préoccupée par cette poursuite et en appelle aux leaders du MPP de retirer la plainte en faveur d’un règlement à l’amiable du différend qui oppose leur parti au journaliste. Nous exhortons par ailleurs les autorités burkinabés de réexaminer le code numérique qui réintroduit des poursuites pénales pour les publications en ligne censées être diffamatoires. C’est un recul pour la liberté de l’expression et de la presse.