Seth Priceless Amegamie n’a pas reçu la réponse à laquelle il s’attendait lorsqu’il a adressé une lettre à l’Assemblée du district d’Ada East pour connaître le nombre de bungalows du gouvernement dans ce district.
« Ils ont indiqué que les informations que j’ai demandées n’existent pas », a-t-il éclaté de rire.
Son rire était celui d’une personne émancipée. Il est l’un des 30 citoyens qui ont participé à un programme de formation organisé par la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) dans le district d’Ada East sur la manière d’utiliser la loi ghanéenne relative à l’accès à l’information.
Les participants provenaient de la municipalité d’Ejura Sekyedumase dans la région Ashanti, du district d’Ada East dans la région du Greater Accra et de la municipalité de Sagnarigu dans la région du Nord.
« Nous avons été orientés quant à la manière de rédiger une demande d’accès à l’information. Ils nous ont recommandé d’être précis, mesurable et exact afin de ne laisser aucune place à la spéculation », a partagé Rayan Idi Yussif de Sagnarigu.
Très vite, des demandes d’accès à l’information ont commencé à affluer dans les bureaux publics de ces trois assemblées locales, pour la première fois depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2020.
« Je voulais savoir quels étaient les frais de scolarité approuvés pour le collège de formation en soins infirmiers », se souvient Rayan. C’était sa première demande, suivie d’une autre adressée à l’assemblée de district au sujet du nombre de Centres de planification et de services de santé à base communautaire dans la région.
« J’étais tellement fascinée que je voulais simplement mettre la loi à l’épreuve », a expliqué Nana Yaa Konadu Osei, une enseignante d’Ejura-Sekyedumase, pour décrire sa motivation lorsqu’elle a écrit, en novembre 2021, pour obtenir un compte rendu des recettes et des dépenses en 2013.
Les défis apprivoisent l’excitation du début : Ils m’ont demandé pourquoi je fais recours à la loi relative à l’accès à l’information
Alors qu’ils cherchaient à tester la loi relative à l’accès à l’information, leur propre enthousiasme du début a également été mis à l’épreuve.
Nana Yaa, originaire d’Ejura, raconte que son premier obstacle a été de faire parvenir la lettre à l’Assemblée. « Ils m’ont dit qu’ils n’avaient pas de responsable de l’information », a-t-elle déclaré.
Trois autres participants ont fait la même remarque.
« Il était évident que personne ne voulait accuser réception de la demande. Ils me faisaient tourner en rond. » se plaignait également Rayan Iddi Yussif, un étudiant originaire de Sagnarigu.
Nombreux étaient les participants qui ont déclaré que les agents de l’assemblée n’étaient pas certains de savoir qui parmi eux devait recevoir la lettre. Certains participants ont affirmé que pour qu’un responsable reçoive leur lettre, cela avait pris plusieurs heures, voire une journée entière.
« J’ai dû partir et revenir le lendemain », a déclaré Nana Yaa Konadu.
Le seul qui ne rencontra aucune difficulté pour soumettre la lettre était Julius Odoi Amesimeku de Radio Ada. Il voulait notamment connaître l’entrepreneur chargé de la construction du marché local et le coût du projet.
Cependant, le défi auquel il fut confronté a été d’obtenir une réponse dans le délai imparti de 14 jours. Julius a déclaré qu’il lui a fallu un mois pour avoir des nouvelles de l’Assemblée. Pour Rayan, « plus de deux mois ».
Seth a confié qu’il a dû patienter pendant trois mois pour obtenir une réponse de la part de l’assemblée du district d’Ada East. Quant à Nana Yaa, elle affirme qu’elle n’a toujours pas reçu de réponse officielle à la lettre qu’elle a écrite en novembre dernier.
Elle déclare cependant avoir été convoquée à une réunion où un fonctionnaire qu’elle ne souhaite pas nommer, est paru déconcerté à l’idée que quelqu’un du district utilise la loi relative à l’accès à l’information. On lui expliqua que ce n’était pas la bonne approche.
« Il m’a demandé pourquoi j’ai écrit une lettre pour demander l’accès à ces informations alors que j’aurais tout simplement pu venir dans leurs locaux et demander l’information. », expliqua-t-elle. Cette réunion a duré plusieurs heures.
Selon Nana Yaa, le représentant local du gouvernement sentait que de consigner une demande par écrit était le signe pour reconnaitre une personne qui était prête à en découdre devant un tribunal si l’information ne lui était pas donnée.
En fin de compte, elle n’a pas obtenu les informations qu’elle cherchait. A la place, elle a reçu une explication orale du refus de l’Assemblée de divulguer ces informations. On lui a dit que la loi relative à l’accès à l’information avait été adoptée en 2019, mais que sa demande concernant les recettes et les dépenses de 2013 dans le district allait « bien au-delà de la loi sur le droit à l’information. » Pour faire court, elle utilisait la loi après coup.
Elle a déclaré qu’après que soit passé le temps imparti de 14 jours sans qu’elle n’obtienne de réponses, elle a fait appel au chef exécutif du district.
Elle explique toutefois, que cela n’a fait qu’accentuer les suspicions de l’assemblée. Elle continue déclarant qu’au cours d’une rencontre avec un autre représentant haut placé qu’elle ne souhaite pas nommer, ce dernier lui a demandé : « Pourquoi as-tu besoin de ces informations ma fille ? »
L’utilisation de la loi relative à l’accès à l’information ne requiert pas que celui qui fait la demande justifie l’objet de sa demande.
Après plus de trois mois depuis sa première demande d’information, Nana Yaa explique qu’elle a finalement dû passer à l’étape suivante prévue par la loi, en demandant à la Commission chargée du respect du droit d’accès à l’information de prendre une décision sur sa demande.
Nana Yaa Konadu n’est pas la seule à avoir été convoquée à des rencontres pour une demande faite en utilisant le droit à l’information. Rayan a déclaré qu’il a également été convoqué dans le bureau du directeur pour une réunion concernant sa demande de connaître les frais approuvés pour le collège de formation en soins infirmiers à Sagnarigu.
« Le directeur était surpris et quelque peu mal à l’aise » a-t-il déclaré. Le directeur lui a expliqué qu’avant de divulguer l’information, il devait obtenir l’autorisation du procureur général.
« C’était une simple requête concernant les frais approuvés » a dit Rayan en riant. Toutefois, après deux mois d’attente, il a fini par obtenir l’information.
Seth, originaire de Ada East, n’a par contre pas obtenu les informations qu’il avait demandées. Ils lui ont dit que les informations sur le nombre de bungalows, leur emplacement et leurs occupants « n’existaient pas ».
Il a trouvé cette réponse aussi surprenante que celle donnée à Julius pour sa demande d’informations sur la construction d’un marché local à Ada East. Selon Julius, l’assemblée a répondu que les informations qu’il demandait n’étaient pas claires.
« Qu’est-ce qui n’est pas clair dans le fait de demander qui était l’entrepreneur chargé de la construction du marché local ? » a-t-il dit trouvant que leur explication n’avait ni queue ni tête.
Alors que les participants racontaient les expériences qu’ils ont eues avec la loi relative à l’accès à l’information, le Dr. Winnifred Nafisa Mahama, directrice du département chargé de l’accès à l’information (ATI) auprès du ministère de l’information, était présente et les écoutait.
Mettant les défis qu’ils ont rencontré dans leur contexte, elle a expliqué que la fonction publique tente encore de s’ajuster aux décennies de croyance selon laquelle « la confidentialité est le mot d’ordre mais la divulgation est l’exception. »
« Le but du droit d’accès à l’information est de garantir que les opérations gouvernementales soient aussi ouvertes et transparentes que possible et cela à tous les niveaux, y compris les MDA et MMDA.
Touchant le besoin de changement de comportement, le Dr Nafisa Maham a expliqué que depuis mars 2020, le ministère de l’information a formé 478 officiers désignés et 478 officiers responsables des archives des ministères, départements et agences (MDA) et des assemblées métropolitaines, municipales et de district (MMDA).
Elle a ajouté que le ministère a également recruté et formé 99 officiers responsables de l’information et les a déployés dans les institutions publiques, armés d’ordinateurs et d’imprimantes. La formation sur la loi relative à l’accès à l’information au sein de la fonction publique comprenait également les directeurs de cabinet.
Elle a félicité la MFWA pour avoir défendu la cause de la loi relative à l’accès à l’information au Ghana, allant même jusqu’à saisir les tribunaux pour obtenir réparation.
« La Fondation a toujours défendu publiquement le droit des personnes à accéder à l’information », a déclaré la directrice.
Yaw Sarpong Boateng a encouragé les participants à donner une autre chance à la loi, en les incitant à envoyer leurs appels à l’adresse électronique officielle de la commission. Il a ajouté que la commission peut utiliser Zoom (une plateforme en ligne) pour organiser des réunions et prendre des décisions concernant les appels qu’elle a reçus de part et d’autre du pays.
La Commission chargée du respect du droit d’accès à l’information, disait-il, sera bientôt en mesure de poursuivre en justice les infractions en vertu de la loi relative à l’accès à l’information. Elle a déjà condamné la Police du Ghana et les pompiers du Ghana à une amende de 50.000 GH¢ chacun pour ne pas avoir fourni les informations demandées par The Fourth Estate, une branche journalistique de la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest.
La formation dispensée par la MFWA à ces 30 citoyens a donné lieu à 30 demandes d’accès à l’information dans les 261 MMDA du Ghana.
Nana Yaa Konadu Osei a déclaré qu’elle ne s’était jamais souciée de demander des informations à un service ou une agence gouvernementale avant d’être formée à l’utilisation de la loi relative à l’accès à l’information.
« C’était la première fois de ma vie que je me rendais dans une institution pour demander des informations publiques », a-t-elle déclaré.
Rayan a déclaré que ses premières expériences de l’utilisation de la loi ont été enrichissantes. « Nous avons l’intention de frapper aux portes d’autres institutions », a-t-il indiqué.
Julius pense que la meilleure façon d’amener les MMDA à coopérer pleinement avec la loi est de déposer davantage de demandes, car sa mise en œuvre est aussi une courbe d’apprentissage.
Seth est du même avis. Il trouve encore que la réponse de son assemblée vaut la peine de rire. « L’information que vous demandez n’existe pas ». C’est le rire d’une personne émancipée.