Le 22 février 2020, les Togolais se rendent aux urnes pour élire un président. Sept candidats se présentent à l’élection présidentielle, dont le président sortant Faure Gnassingbé, qui a brigué plus de deux mandats présidentiels depuis 2005, date à laquelle il a succédé à son père qui a dirigé le pays pendant 38 ans.
Avant le scrutin, la sécurité des journalistes, des militants, des membres des partis d’opposition et une éventuelle fermeture de l’internet par le gouvernement suscitent de nombreuses inquiétudes. Ces inquiétudes sont largement justifiées, étant donné les récents incidents de multiples violations à l’encontre de journalistes couvrant les processus électoraux en Afrique de l’Ouest.
Au Sénégal, par exemple, huit journalistes ont été blessés lorsque le corps de presse couvrant la campagne politique du candidat présidentiel de l’opposition, Issa Sall, a été attaqué dans la ville de Tambacouda le 11 février 2019, deux semaines avant les élections présidentielles.
La Sierra Leone a connu une couverture médiatique relativement pacifique des campagnes électorales générales et du premier tour des élections en mars 2018, pour ensuite enregistrer quelques terribles brutalités contre des journalistes lors du second tour de l’élection présidentielle. Le rédacteur en chef et éditeur du journal indépendant New Age, Ibrahim Samura, est décédé des suites de ses blessures trois mois après avoir été battu par des membres du parti au pouvoir à l’époque, l’All People’s Congress (APC), lors du second tour le 31 mars 2018. Alors qu’il couvrait le second tour, Patrick Jaiah Kamara, un reporter du Concord Times, a également été brutalisé par des voyous qui ont endommagé son appareil photo et lui ont pris son enregistreur numérique.
Au Nigeria, plusieurs journalistes ont été agressés alors qu’ils couvraient les élections des gouverneurs des États de Kogi et de Bayelsa, ainsi que le second tour de scrutin sénatorial à Kogi West, qui se sont tenus simultanément le 16 novembre 2019.
Tobi Kusimo et David Bello de Splash FM ont été agressés alors qu’ils tentaient d’interviewer un agent de vote à Aiyetoro Gbede, une ville de l’État de Kogi. Le même sort est réservé à Sam Egwu, journaliste du journal privé The Nation et à Sunday Amachi, reporter de la radio publique de l’État de Kogi, dans un bureau de vote à Anyigba, également dans l’État de Kogi. Chinedu Asadu, du journal en ligne The Cable, a été forcé de fuir un bureau de vote après avoir été menacé par des policiers. Adejumor Kabir, reporter du journal The Premium Times, a été menacé par des voyous armés de cannes qui l’ont forcé à abandonner sa mission d’aller faire un reportage sur la collecte des résultats des élections des gouverneurs au siège de la Commission électorale nationale indépendante dans l’État de Bayelsa.
Sur la question des coupures d’Internet, le Togo lui-même a récemment connu une perturbation de l’Internet et de la communication par téléphone mobile au plus fort des protestations de l’opposition qui réclamait des réformes des lois électorales. Ce précédent a accru les craintes des citoyens quant à une éventuelle récidive le jour du scrutin ou le jour de la proclamation des résultats définitifs du scrutin.
Des coupures d’Internet et des perturbations du réseau se sont également produites au cours de la période électorale dans certains pays d’Afrique de l’Ouest comme le Bénin et la Mauritanie l’année dernière.
Le 28 avril 2019, le Bénin a connu une perturbation des médias sociaux, suivie de la fermeture d’internet pendant 24 heures, alors que la tension montait sur la conduite d’élections législatives controversées dont tous les candidats de l’opposition ont été exclus.
Dans le cas de la Mauritanie, le gouvernement a bloqué l’accès à Internet sur les téléphones portables “pour des raisons de sécurité” le 23 juin 2019, après la proclamation des résultats provisoires de son élection présidentielle.
Compte tenu du rôle crucial des médias pendant les élections et du caractère indispensable d’Internet dans les processus électoraux, la Fondation des médias d’Afrique de l’Ouest (MFWA) réitère ses appels aux autorités du pays pour qu’elles assurent une protection et une sécurité efficaces aux journalistes pendant et après le scrutin. Nous demandons également aux autorités de résister à la tentation d’interférer avec les droits de ses citoyens à s’informer et à surveiller le processus électoral physiquement et en ligne. Toute perturbation de l’internet constituera une violation majeure du droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information.
Nous demandons également aux journalistes et aux travailleurs des médias d’être circonspects dans leurs reportages pendant et après les élections et de faire preuve de sensibilité aux conflits dans leurs reportages. Ils doivent également veiller à ce que leurs plateformes ne soient pas utilisées pour des discours haineux ou des commentaires incitant à la haine pendant et après les élections.