Deux journalistes ont été arrêtés, mis en accusation et condamnés à une amende de 5 millions de francs CFA (environ 8 600 dollars US) chacun pour une publication alléguant la corruption au plus haut niveau du gouvernement, tandis qu’une autre journaliste a été convoquée et interrogée pour un article publié sur Facebook.
Le 3 mars 2020, le procureur de la République de Côte d’Ivoire a ordonné l’arrestation de Yacouba Gbande, directeur et rédacteur en chef du journal privé Le Temps, et de Barthelemy Tehin, également journaliste pour le même journal après la publication de l’article intitulé “Fraude au sommet, corruption” : La Côte d’Ivoire, un véritable Etat voyou !”
La brigade de recherche de la gendarmerie nationale a arrêté les deux journalistes et les a interrogés en rapport avec l’article, qui faisait état de divers actes de corruption de la part de hauts fonctionnaires du pays.
Le même jour, les journalistes ont été traduits devant un tribunal d’Abidjan et condamnés pour “atteinte à l’honneur et au respect de plusieurs membres du gouvernement”. Ils ont été condamnés à une amende de 5 millions de francs CFA (8 600 dollars US) chacun.
De nombreux groupes de défense des droits de l’homme ont qualifié le procès rapide et son issue de scandaleux. L’avocat des deux journalistes, Claver N’dri, a déclaré que la rapidité du procès lui avait privé du temps nécessaire pour étudier le dossier, tandis que la direction du Temps a déclaré qu’elle ferait appel de la décision.
C’était une “parodie de justice”, a protesté Ousmane Sy Savane, directeur général du groupe Cyclone, éditeur du Temps. “Nous allons faire appel de la décision”
Le calvaire de Gbande et Tehin a été la première des deux violations enregistrées en Côte d’Ivoire en l’espace de deux jours. Le 3 mars 2020, une journaliste travaillant pour la station de radio privée ATM à Abidjan a été convoquée et interrogée par la police sur un post Facebook que les autorités ont qualifié de “faux”.
Kacou Monique, qui est également la secrétaire générale de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), a affirmé qu’il y avait un manque d’oxygène à l’hôpital de Port-Bouët. Elle a ajouté que le décès récent de Bénédicte Goumegou, une journaliste, dans cet établissement pourrait être lié à cette pénurie.
Elle a été convoquée le 5 mars 2020 par la police de Port-Bouët, un quartier au sud d’Abidjan, et interrogée pendant environ deux heures sur la publication qui, selon eux, pourrait provoquer une désaffection pour l’hôpital et sa direction. Elle a ensuite été libérée avec une mise en garde pour éviter de publier de “fausses informations”.
Le MFWA estime que le procès de Gbande et Tehin est hâtif et injustifié. Le MFWA estime que le droit des responsables publics de protéger leur intégrité contre les attaques injustifiées est contrebalancé par le devoir des médias d’examiner leurs actions et de signaler les manquements dans leur conduite ou leurs performances. S’étant ouverts à la critique en acceptant d’occuper une fonction publique, les responsables publics doivent, par conséquent, être plus tolérants à l’égard du contrôle que les simples citoyens. C’est dans cette optique que nous trouvons que le procès précipité des deux journalistes est une démonstration d’intolérance.
La MFWA recommande des options de règlement telles que le droit de réponse, les excuses et la rétractation et le recours aux mécanismes de médiation des organes nationaux de régulation des médias, en particulier pour les personnalités publiques offensées par des publications sur le travail officiel.
Nous félicitons la direction du Temps d’avoir soutenu ses journalistes et nous soutenons pleinement sa décision de faire appel de la décision du tribunal.
Nous considérons également la convocation et l’interrogatoire de Monique sur sa publication sur Facebook comme un acte d’intimidation. Les autorités de l’hôpital ont le droit de réponse aux affirmations de la journaliste concernant le manque d’oxygène dans leur établissement. La police n’a pas à se mêler de cette affaire.