En décembre 2022, les autorités de Guinée-Bissau ont annoncé de nouveaux tarifs réglementaires pour l’exploitation des médias dans le pays.
Selon ces nouveaux tarifs, il faudra payer 500 000 000 de francs CFA (environ 800 000 dollars américains) pour obtenir une licence de télévision commerciale à couverture nationale. Ce chiffre représente une augmentation d’au moins 6000% par rapport aux tarifs précédents qui étaient de 7.000.000 de francs CFA (environ 10.000 dollars US).
Les tarifs nouvellement annoncés exigent également le paiement de 10 000 000 de francs CFA (16 000 dollars américains) pour acquérir une licence d’exploitation d’une station de radio à couverture nationale. Le renouvellement pour cette catégorie a également grimpé à 900%.
Compte tenu de l’économie du pays, qui est l’une des plus petite et des plus faibles d’Afrique, ces hausses de tarifs sont non seulement exorbitantes mais aussi inadmissibles. L’économie de la Guinée-Bissau a été gravement touchée par la pandémie de COVID-19, ce qui a entraîné une baisse du PIB de 1,4 %, une baisse qui a augmenté à 3,8 % en 2021. La fragilité de l’économie a d’avantage affaibli la capacité des médias à se maintenir financièrement dans un contexte de faibles revenus, de bas salaires et de mauvaises conditions de travail en général.
L’annonce de l’augmentation des droits de licence a donc laissé de nombreuses parties prenantes des médias stupéfaites, les nouveaux tarifs étant considérés comme rédhibitoire pour le secteur des médias. L’augmentation des tarifs des médias est également considérée comme une menace pour la liberté des médias et l’accès à l’information dans le pays.
Vous trouverez ci-dessous un certain nombre de raisons pour lesquelles l’augmentation des tarifs risque de décimer le secteur des médias, déjà fragile :
- Les médias ont déjà du mal à payer et à renouveler leurs licences fixées aux anciens tarifs. Le 7 avril 2022, le gouvernement a fermé 79 stations de radio parce qu’elles n’avaient pas régularisé leur statut de licence de diffusion à ce moment-là. La plupart des stations de radio n’ont repris leur production qu’à la suite d’un engagement arrangé le 13 avril 2022, entre, d’un côté, une délégation composée de la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et de ses partenaires en Guinée-Bissau et de l’autre côté, des représentants du gouvernement. Malheureusement, cette hausse des tarifs risque d’entraîner la fermeture d’autres stations de radio.
- Le paysage médiatique est privé des investissements nécessaires. Le Parlement de Guinée-Bissau a adopté la nouvelle taxe sur les télécommunications en tant que mesure fiscale visant à lever des fonds pour stimuler l’investissement public et améliorer les médias nationaux. Cependant, aucun décaissement n’a été effectué à partir du fonds comme le stipule la loi sur la nouvelle taxe sur les télécommunications. Alors que l’investissement attendu et son efficacité ne se font pas encore sentir, cette nouvelle mesure est venue s’ajouter aux difficultés actuelles auxquelles font face les médias, et de nombreux chaînes risqueront de fermer.
- Avant même l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs, le revenu moyen de 75% des radios communautaires, toutes prestations confondues – spots publicitaires, communiqués de presse et programmes radio partenaires – s’élevait à 130 USD.
- Environ 29% des organisations de médias opèrent actuellement dans des bâtiments loués, payant des loyers mensuels allant d’environ 30 à 80 USD. Mais pour les organisations privées, les frais de location mensuels peuvent atteindre jusqu’à 400 USD, sans compter les frais d’électricité, d’eau, de données Internet et de téléphone.
- Seuls environ 30% des médias privés ont la capacité de générer un revenu mensuel d’environ USD $ 2,400 qui est juste assez pour couvrir les coûts de fonctionnement des stations.
- De nombreuses stations passent des mois sans être en mesure de payer l’intégralité des salaires de leurs employés.
Au vu de ce qui précède, la MFWA appelle le gouvernement et les médias de Guinée-Bissau à avoir un dialogue franc et constructif afin de discuter et d’adopter des tarifs ainsi que de prendre des mesures pour promouvoir la durabilité des médias et l’accès à l’information.