La recrudescence de l’autoritarisme réduit les libertés dans le monde entier. Ce phénomène est plus alarmant en Afrique de l’Ouest où les coups d’État et le despotisme éclairé refont surface.
Au début du mois d’août 2020, les militaires ont évincé le dirigeant démocratiquement élu du Mali, Ibrahim Boubacar Keita. Environ un an plus tard, le président guinéen Alpha Condé a été enlevé et contraint à quitter le pouvoir. Pendant que les acteurs de la démocratie et de la gouvernance étaient encore sous le choc suite à ces deux coups d’État dans la région, en janvier 2022, les militaires du Burkina Faso ont arraché le pouvoir au président élu, Roch Marc Christian Kabore, soit quatre mois après l’incident en Guinée.
En février 2022, il y a eu une tentative de coup d’État manqué par les militaires en Guinée-Bissau, qui a fait une douzaine de morts. En octobre 2022, au Burkina Faso, un autre coup d’État a chassé le chef militaire, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba.
Les débordements de ces coups d’État se traduisent par l’étouffement de la liberté d’expression et la mise sous silence des médias critiques. Le rapport de suivi de la liberté d’expression de la MFWA montre que près de 200 incidents de violation de la liberté de la presse et de la liberté d’expression ont eu lieu dans la région au cours des trois dernières années. Les enquêtes sur ces incidents ont révélé que les principaux auteurs sont les forces de sécurité de l’État, en particulier la police, les militaires et les gendarmes. Parmi les autres auteurs figurent des militants de partis politiques, des particuliers, des groupes armés et d’autres groupes mobilisés. Il est regrettable de constater que, si bon nombre de ces violations sont arbitraires, leurs auteurs restent généralement impunis, ce qui entretient et consolide une culture d’impunité pour les crimes commis contre les journalistes.
La situation actuelle compromet les progrès réalisés en matière de démocratie dans la région et exacerbe les problèmes existants en matière de liberté d’expression.
Dans ce contexte, la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest, en collaboration avec le Réseau de Solidarité Démocratique de l’Afrique de l’Ouest (WADEMOS), a organisé une conférence régionale de deux jours à Accra sur le thème : Les médias, la liberté de la presse et la récession démocratique en Afrique de l’Ouest. La conférence a réuni des responsables d’organisations œuvrant pour la démocratie et la gouvernance, ainsi que des experts et des professionnels des médias de toute la région. Des dignitaires représentant la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le monde universitaire étaient également présents pour examiner la récession démocratique actuelle et formuler ensemble des solutions.
Sont présentées ci-dessous cinq principales recommandations formulées à l’issue de cette conférence de deux jours à l’intention de l’organisme régional, la CEDEAO, des OSC et des médias.
- En sa qualité de structure régionale, la CEDEAO devrait collaborer avec la société civile pour organiser des campagnes de plaidoyer afin que les gouvernements respectent les protocoles et conventions établis (en particulier le protocole sur la démocratie et la bonne gouvernance) sur les principes et institutions démocratiques. Dans le cadre de ces campagnes de plaidoyer, la Coalition ouest-africaine pour la liberté des médias et la bonne gouvernance, créée par la MFWA, devrait organiser une réunion annuelle pour faire le point sur les problèmes émergents dans la région et examiner les éventuelles solutions pour les résoudre.
- La CEDEAO doit travailler avec les médias pour développer, adopter et mettre en œuvre des protocoles bien définis pour protéger les journalistes, en particulier ceux qui se trouvent dans des zones touchées par des coups d’État et autres formes d’insurrection.
- Les sociétés civiles ouest africaines doivent réaffirmer leur engagement à lutter pour protéger et défendre la liberté de la presse dans toute la région. Cela peut se faire en construisant et en renforçant les coalitions régionales impliquées dans les campagnes de défense de la démocratie et des droits de l’homme.
- Les médias, pour être utiles et bénéficier de soutien, devraient s’efforcer de maintenir des normes élevées de professionnalisme et ne pas céder à l’attrait d’une conduite non professionnelle. Cela les aidera à regagner le respect et l’influence dont ils devraient jouir.
- Les médias indépendants devraient également établir des partenariats et des alliances dans et entre les pays afin de partager les publications et les programmes destinés à dénoncer les incidents impliquant un recul de la démocratie et à promouvoir les initiatives démocratiques.