Sept organisations professionnelles de médias (OPM) ont exprimé leurs inquiétudes sur les tendances répressives croissantes de la junte militaire à l’égard des médias. Dans une déclaration du 25 avril 2022, les OPM se disent préoccupées par de récents agissements des autorités qui menacent d’étouffer la liberté de la presse, la liberté d’expression, l’état de droit, voire la démocratie.
Le 24 janvier 2022, les militaires ont renversé le régime de président Roch Marc Christian Kaboré et suspendu la constitution du 11 juin 1991. Le coup d’état a été accueilli avec un enthousiasme de la part de la majorité de la population.
Toutefois depuis quelques mois, la junte pose un certain nombre d’actions qui pourraient laisser entrevoir une résolution éventuelle de tenir la liberté d’expression et la liberté de la presse en laisse.
Selon ladite déclaration du 25 avril 2022, une rencontre entre les responsables des médias et le Président de la république le 14 avril 2022 aurait donné l’impression aux professionnelles des médias que ces derniers étaient convoqués pour suivre un « cours de journalisme » et être réprimandés pour leurs reportages critiques envers le pouvoir. Pour ces derniers, « On n’a pas besoin de regarder dans une boule de cristal pour savoir que le Président Damiba n’apprécie pas ces ‘critiques’ et qu’il souhaite voir cela s’arrêter ».
Le 1er avril 2022, le Président Paul-Henri Sandaogo Damiba indiquait dans son discours à la nation du Faso que la détermination de la junte dans la lutte contre « l’insécurité et le terrorisme est indéfectible ».
Dans le cadre de sacrifices qu’il estime que toute la population du Burkina Faso devrait assumer collectivement, le président a déclaré 5 mesures fortes. Ces dernières comprennent entre autres, la restriction de « manifestations à caractère politique ou associatif de nature à perturber l’ordre publique ou à mobiliser les forces de sécurité dont la contribution serait plus opportune au front ».
« C’est le prix à payer pour sortir notre pays de l’ornière », a déclaré le Président du Faso dans le même discours.
Le 18 mars 2022, à l’occasion du conseil des ministres, un garde du Président Paul-Henri Sandaogo Damiba a sommé des reporters du quotidien L’Observateur Paalga de ne pas prendre des images du Président. Les journalistes, qui ne sont aucunement opposés à l’injonction, ont davantage été déroutés lorsque plus tard, un membre de la sécurité les a poliment invités à effacer, en sa présence et sous sa surveillance, toutes leurs prises.
Le même jour, deux autres gardes de la sécurité du Lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba se sont à nouveau rapprochées des journalistes pour vérifier qu’il n’y a aucune trace des photos préalablement supprimées. Ils ont tenu à fouiller les appareils, eux-mêmes, avant de permettre aux journalistes de s’en aller.
Le 15 mars 2022 le gouvernement a menacé dans un communiqué qu’il n’y aura pas « d’impunité » pour les « auteurs de publications et autres agissements à caractère subversif portant atteinte à l’ordre public, à la cohésion sociale et au moral des troupes ». Selon la junte, l’engagement et l’unité des Forces de défense et de sécurité dans la lutte anti-terroriste sont compromis par de fausses informations disséminées sur les réseaux sociaux.
Au regard de ces évènements, les OPM ont appelé « le Président Damiba et son gouvernement à lever toutes restrictions sur le travail des journalistes et à consolider la liberté d’expression et de la presse, qui, loin d’affaiblir un pouvoir, facilite la mobilisation autour de ses aspirations profondes ».
Elles ont également exhorté « les nouvelles autorités à travailler à mobiliser toutes les énergies contre le terrorisme plutôt qu’à se lancer dans la recherche et la stigmatisation de boucs émissaires ».
La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) partage la préoccupation de la presse burkinabè par rapport aux tentatives de musèlement de la liberté d’expression dans ce pays. Nous exhortons le gouvernement du Burkina Faso à garantir le respect et la jouissance des libertés fondamentales dans le cadre des efforts pour l’édification d’un Burkina Faso démocratique et prospère.