Intervenir Pour Mettre fin aux Violations de la Liberté d’Expression – La MFWA exhorte le Président Mauritanien

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Mohamed Ould Abdel Aziz, Président sortant de la Mauritanie

La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et son organisation partenaire en Mauritanie, le Regroupement de presse mauritanienne (RPM) ont conjointement demandé au président mauritanien Mohammed Ould Abdel Aziz de prendre des mesures pour mettre fin à une vague de violations de la liberté de la presse et d’autres droits humains en Mauritanie.

Dans la pétition datée du 10 décembre 2017, qui coïncidait avec la Journée internationale des droits de l’homme, la MFWA et le RPM ont exprimé leur vive préoccupation concernant la persécution d’un groupe de journalistes chevronnés de divers médias indépendants et critiques envers le pouvoir en place au cours des trois derniers mois.

Les journalistes concernés ont été convoqués et interrogés par le Département des crimes économiques de la Police mauritanienne le 25 août 2017. Les autorités les ont interrogés sur les motifs de leurs articles critiquant le gouvernement et les sources du financement de leurs organes des medias. Les passeports des quatre ont été saisis et ils sont interdits de quitter Nouakchott depuis le mois d’aout dernier. Ils sont par ailleurs obligés de se présenter tous les lundis à la Direction Générale de la Sécurité Nationale.

La pétition maintien que ces actes traduisent une volonté ferme d’étouffer le journalisme critique et cite comme exemple une directive de 2016 du Premier Ministre mauritanien interdisant à toute administration ou entreprise publique de publier de la publicité ou de prendre un abonnement auprès des journaux de la presse indépendante.

«Cette mesure avait clairement comme but d’asphyxier économiquement et jusqu’à extinction, les médias privés», lit-on dans la pétition.

La MFWA et le RPM se sont également déclarés préoccupés par le maintien en détention d’un citoyen et blogueur mauritanien, Cheikh Mohammed Ould M’kheitir, dont la condamnation à mort en 2014 a été récemment annulée en appel. Les pétitionnaires ont exprimé leur inquiétude face à la modification du code pénal mauritanien concernant le blasphème juste après le jugement récent et à la décision du gouvernement d’interjeter un appel. La pétition a donc rappelé au président Abdel Aziz de veiller à ce que la loi modifiée ne soit pas appliquée rétroactivement, car cela est considéré comme “un affront à la justice dans toutes les juridictions et sous tous les instruments relatifs aux droits de l’homme.”

 

Veuillez lire ci-dessous la pétition entière.

10 Décembre, 2017

A Son Excellence Monsieur le Président de la République Islamique de la Mauritanie
Ministère du Secrétariat Général à la Présidence
B.P.184 Nouakchott, Mauritanie

 Monsieur le Président,

Pétition sur les violations de la liberté d’expression et des droits de l’homme en Mauritanie

En cette Journée internationale des droits de l’homme, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et son organisation partenaire en Mauritanie, le Regroupement de la presse mauritanienne (RMP) expriment leur profonde préoccupation face aux récents actes de répression contre la liberté d’expression et les droits de l’homme en Mauritanie, et appellent à Votre Excellence à agir pour freiner la tendance terrible.

Nous sommes particulièrement préoccupés par la persécution, au cours des trois derniers mois, d’un groupe de journalistes chevronnés appartenant à des médias indépendants et critiques. C’est d’ailleurs avec inquiétude que nous observons les récentes évolutions dans le procès pour blasphème du bloggeur, Cheikh Mohammed Ould M’kheitir qui est en détention depuis 2014.

Le 25 Aout dernier, Moussa Samba Sy, directeur de publication du Quotidien de Nouakchott et Président du Regroupement de la Presse Mauritanienne;  la directrice administrative du site d’informations Cridem, Rella Ba;  Jedna Deida, fondateur du site d’information Mauriweb et Ahmed Ould Cheikh, éditorialiste et directeur de l’hebdomadaire Le Calame ont été convoqués et longuement interrogés par la Direction des Crimes économiques de la Police mauritanienne. Les autorités les ont interrogés notamment sur leurs écrits et sur les motivations des articles critiquant le gouvernement ainsi que sur leurs sources de   financement.

Après avoir comparu devant le procureur de la République et le pool des juges d’instruction, ces quatre journalistes ont été placés sous contrôle judiciaire stricte. Leurs passeports leur ont été retirés ; ils ont interdiction formelle de quitter Nouakchott et doivent se présenter tous les lundis à la Direction générale de la Sureté Nationale.

Nous tenons souligner que certain de ces journalistes avaient auparavant été convoqués par la Justice à Nouadhibou ville située à 460 km de la capitale suite à une plainte d’un ministre, et d’autres avaient été placés sous mandats de dépôt suite à une plainte de votre fils, et ce alors que la loi dépénalise le délit de presse.

A notre humble avis, la répétition de tels actes visant à intimider les journalistes et à influer sur leur ligne éditoriale est indigne d’une démocratie respectable que la Mauritanie est censée être.

Ces actions reflètent une volonté ferme d’étouffer le journalisme critique comme en témoigne une directive de votre Premier Ministre en 2016 interdisant à toute administration ou entreprise publique de publier de la publicité ou de prendre un abonnement auprès des journaux de la presse indépendante.

Cette mesure avait clairement comme but d’asphyxier économiquement et jusqu’à extinction, les médias privés.

Concernant le cas de Cheikh Mohammed Ould M’kheitir, nous considérons comme une atteinte à l’état du droit le maintien en détention du bloggeur en dépit du jugement récent qui a annulé sa condamnation de 2014 pour blasphème.

L’amendement précipité du code pénal mauritanien concernant le blasphème en réaction au jugement ainsi que la décision du ministère public d’interjeter appel du jugement suscitent des inquiétudes. Nous souhaitons rappeler à Votre Excellence que l’application rétroactive des lois est considérée comme un affront à la justice dans toutes les juridictions et sous tous les instruments relatifs aux droits de l’homme.

Par Conséquent, nous voudrions vous exhorter, non seulement à assurer que votre ministre de la justice s’abstienne d’une telle tentative, mais aussi à faire en sorte que l’état de droit soit respecté dans l’affaire Ould M’kheitir.

La liberté de la presse et la liberté d’expression en général constituent les pierres angulaires de l’architecture des sociétés démocratiques où les droits de l’homme sont respectés. La violation de ces droits représente du coup une attaque frontale contre le fondement même de la démocratie et des droits de l’homme.

A cet égard, nous voudrions vous prier de vous faire un point d’honneur d’assurer que la Mauritanie ne continue sur ce trajectoire malheureux au risque de devenir un paria dans le concert des nations en matière des droits de l’homme.

En attendant une réaction favorable aux préoccupations invoquées ci-haut, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Président, l’expression de nos sentiments les plus respectueux.

Signé:

Sulemana Braimah

(Directeur Exécutif)

MFWA, Accra

M’Rabih Ould Deid

(Secrétaire général)

RPM, Nouakchott