Dans le cadre de l’expérimentation de la loi sur le droit à l’information (DAI), le ministre de l’information du Ghana, Kojo Oppong Nkrumah, a fait l’éloge de la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) et de The Fourth Estate, son projet de journalisme pour la redevabilité.
Le 15 mars 2022, alors qu’il répondait aux questions du Parlement sur l’entrée en vigueur de la loi sur l’accès à l’information, le ministre a déclaré que les efforts constants des deux entités ont maintenu la loi sur l’accès à l’information en vie.
« Permettez-moi tout particulièrement de féliciter les organisations de la société civile qui ont mis un point d’honneur à tester le système d’information dans divers ministères, départements et agences (Assemblées métropolitaines, municipales et de district – MMDAs). Et si vous le permettez, de mentionner à titre d’exemple, la Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest et The Fourth Estate qui ont fait beaucoup de ces applications », a déclaré le ministre.
La Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) a été l’un des principaux défenseurs de la loi sur l’accès à l’information depuis que la campagne pour son adoption a commencé il y a environ deux décennies. Depuis l’adoption de la loi en 2019, la MFWA a formé environ 200 journalistes, 150 responsables de gouvernements locaux et d’innombrables citoyens sur la manière de l’utiliser. L’organisation a également tenu un certain nombre de forums de sensibilisation qui ont réuni les principales parties prenantes de la loi sur l’accès à l’information, notamment le président du conseil d’administration et le secrétaire exécutif de la Commission d’accès à l’information.
Outre la sensibilisation et le renforcement des capacités sur ladite loi, la MFWA a aussi conçu une version simplifiée de la loi sur l’accès à l’information. L’organisation a également formé des groupes de citoyens à l’Assemblée du district d’Ada East dans la région du Grand Accra, à l’Assemblée municipale de Sagnarigu dans la région du Nord et à l’Assemblée municipale d’Ejura Sekyeredumase dans la région d’Ashanti. La MFWA a exhorté les membres de ces groupes de citoyens à tester la loi sur l’accès à l’information au niveau des districts locaux. L’exercice a révélé une faible sensibilisation et un non-respect de la loi par les autorités gouvernementales locales.
De son côté, The Fourth Estate a adressé des demandes d’accès à l’information à près de 60 institutions publiques depuis mars 2021. Ces demandes ont été, pour la plupart, faites pour tester la conformité des institutions publiques à la loi, tandis que le reste a été fait dans le cadre du travail journalistique de The Fourth Estate sur des récits qui nécessitaient des informations de la part des institutions publiques.
Après avoir épuisé les mécanismes d’appel internes des institutions publiques, The Fourth Estate a soumis des pétitions à la Commission d’accès à l’information pour plus d’un tiers de ces demandes. La Commission d’accès à l’information est l’organe juridictionnel indépendant chargé de la mise en œuvre de la loi sur l’accès à l’information.
L’adoption de la loi sur l’accès à l’information (2019, Act 989) en 2019 a suscité les éloges de nombreuses parties prenantes.
Cependant, les parties prenantes commencent à se rendre compte que les cris de victoire étaient prématurés. Très peu de citoyens ont recours à la loi. Quant aux institutions, elles sont encore plus réticentes à divulguer des informations.
Cette information a été confirmée par le ministre de l’information, Kojo Oppong-Nkrumah. Le ministre a déclaré que 85 demandes ont été faites en 2020 et 129 en 2021 par des particuliers et des institutions. Il a déclaré que les parties prenantes devraient demander des informations aux institutions publiques pour que la lutte de près de 20 ans pour la promulgation de la loi en vaille la peine.
Défis liés à la mise en œuvre de la loi sur l’accès à l’information
Les militants anti-corruption ont présenté la loi comme une des armes les plus puissantes pour éradiquer la corruption. Ils ont déclaré qu’elle augmenterait la transparence du gouvernement, garantirait une divulgation proactive des informations et établirait des règles pour les demandes et les réponses.
Mais il n’en a rien été. Le travail de The Fourth Estate et de la MFWA a montré que les institutions étatiques ne divulguent pas les informations de manière proactive et que ceux qui les demandent sont parfois frustrés dans le processus.
Par exemple, en août 2020, Manasseh Azure Awuni, de The Fourth Estate, a adressé au ministère de l’Éducation une demande concernant les dépenses du Ghana pour la fumigation des écoles dans le cadre de la lutte contre la COVID-19. Le ministère a répondu à la demande en août 2021, soit un an après la demande. Et ce, après de nombreuses relances.
Toutefois, le ministère n’a pas fourni à M. Manasseh les informations qu’il avait demandées, déclarant que la présidence était responsable des activités pour lesquelles il avait demandé des informations. M. Manasseh a alors écrit à la présidence, mais il n’a reçu aucune réponse, même après un appel au président.
Il s’est alors adressé à la Commission d’accès à l’information. La présidence a alors écrit à M. Manasseh qu’elle avait transféré la demande au Service de l’éducation du Ghana, qui, selon elle, disposait des informations sur le projet de fumigation des écoles. Jusqu’à ce jour, Manasseh n’a pas encore reçu de réponse du Service de l’éducation du Ghana.
Une fois de plus, étant donné l’intérêt public associé à l’utilisation d’un jet privé par le président malgré la disponibilité d’un avion présidentiel, The Fourth Estate a soumis une demande d’information auprès de la présidence en décembre 2021. Cette demande exigeait la divulgation du coût de la location des jets privés.
La requête demandait également le rapport d’évaluation des forces armées ghanéennes, qui aurait déclaré le jet présidentiel inapte à l’utilisation, raison pour laquelle le président avait dû louer des jets privés.
Dans une réponse datée du 19 janvier 2022, le chef de cabinet du président, Akosua Frema Osei-Opare, a félicité The Fourth Estate pour son utilisation de la loi sur l’accès à l’information. Elle a toutefois déclaré que les informations demandées étaient non communicables conformément à la loi sur l’accès à l’information.
« Votre demande d’accès aux informations sur les voyages du président a été soigneusement examinée et j’ai constaté que les informations demandées relèvent du type d’informations classées comme non communicables ».
Mécontent, The Fourth Estate a demandé au président Akufo-Addo de procéder à un examen interne. Celui-ci n’a pas répondu à l’appel, un exemple typique du prêtre qui n’applique pas son propre sermon.
The Fourth Estate a traîné la présidence devant la Commission d’accès à l’information pour son refus de lui communiquer des informations. The Fourth Estate justife sa plainte en faisant valoir que l’information demandée concerne l’intérêt public et l’abus de pouvoir, conformément à la section 17(1)(d)(e) de la loi sur l’accès à l’information.
Adiza Moro Maiga, chargée de programme à la MFWA qui a été en première ligne pour former les OSC, les journalistes et les activistes communautaires sur la loi d’accès à l’information, a déclaré que le défi est passé de l’adoption de la loi à son bon « fonctionnement ».
« L’adoption de la loi n’est pas suffisante. Le défi consiste à sa mise en application effective et efficace. Si nous ne mettons pas en place les structures nécessaires pour nous assurer qu’elle fonctionne efficacement et qu’elle contribue à l’objectif pour lequel elle a été adoptée, il y aura alors un problème », a-t-elle déclaré.
Le bras de fer entre la MFWA et la ANC
En 2020, la MFWA a demandé des informations à l’Autorité nationale des communications (ANC), l’autorité de régulation des médias du Ghana. La demande portait sur la liste de toutes les stations de radio autorisées à émettre en juin 2020, et la liste complète du nombre de stations de radio fermées en 2017 lors de l’audit de l’ANC.
L’ANC a exigé un montant de 2 000 GHS pour fournir l’information demandée.
La MFWA a saisi la justice, se disant « convaincue que le montant demandé par l’ANC est prohibitif et susceptible de créer un mauvais précédent et une violation du droit fondamental d’accès à l’information ».
Elle a donc demandé à la Cour de déclarer la demande de 2 000 GHS de l’ANC comme étant contrevenante à la loi sur l’accès à l’information. De plus la MFWA demandait à la cour de statuer sur le fait que l’ANC ne pouvait pas utiliser arbitrairement sa propre loi pour facturer des frais dans le cadre du droit d’accès à l’information.
Le tribunal a décidé que le régulateur ne pouvait pas utiliser ses frais internes pour les demandes faites en vertu de la loi sur l’accès à l’information. Il a demandé à la MFWA de payer 1 500 GHS au lieu des 2 000 GHS demandés par l’ANC. Même si la MFWA avait en principe obtenu ce qu’elle demandait, l’organisation n’était pas satisfaite du montant prescrit par les tribunaux.
« Bien que nous puissions payer les 1 500 GHS de frais décidés par le tribunal, il est important de souligner que le droit d’accès à l’information publique en vertu de la loi sur l’accès à l’information revient à tous les ghanéens, y compris les personnes aux revenus les plus faibles. Ce précédent peut donc décourager ou dissuader une certaine catégorie de ghanéens d’exercer ce droit », a déclaré la MFWA, mécontente de cette décision.
La Commission d’accès à l’information poursuivie en justice
Le jeudi 17 mars, une Haute Cour de la capitale, Accra, a confirmé une décision de la Commission d’accès à l’information, selon laquelle la Minerals Commission devait communiquer des informations à The Fourth Estate pour la modique somme de 2 GHS, au lieu des 1 000 $ demandés par la Commission.
The Fourth Estate avait adressé une pétition à la Commission d’accès à l’information après que la Minerals Commission lui a facturé 1 000 dollars pour des informations demandées. The Fourth Estate a fait valoir que cette facturation était contraire à la loi sur l’accès à l’information. La Commission d’accès à l’information a donné raison à The Fourth Estate et a considérablement réduit le montant, demandant à la Minerals Commission de facturer 0,33$.
S’estimant lésée, la Minerals Commission a saisi la justice pour déclarer la décision de la Commission d’accès à l’information « inconstitutionnelle ». Le tribunal a toutefois maintenu la décision de la Commission d’accès à l’information.