Au cours des dix derniers mois, la MFWA a enregistré environ 70 violations contre des journalistes et autres professionnels des médias en Afrique de l’Ouest. Les agressions physiques, les arrestations et détentions arbitraires des journalistes en sont les plus fréquentes. Les menaces et la saisie du matériel des victimes sont également de plus en plus employées pour intimider les journalistes.
Le suivi quotidien de la situation de la liberté de la presse dans la sous-région par le MFWA montre une tendance inquiétante de violations contre les journalistes et les professionnels des médias qui souvent ne font l’objet d’aucune enquête et sont encore moins punis.
A l’occasion de la Journée Internationale pour la Fin de l’Impunité des Crimes contre les Journalistes (IDEI), la Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) lance un appel urgent à la justice pour les journalistes qui ont été agressés physiquement et/ou arbitrairement détenus en raison de leur travail depuis début 2019. Nous soulignons également les cas de meurtres et de disparitions de ces dernières années qui attendent toujours que justice soit faite.
Questions en suspens concernant l’impunité
La famille d’Ahmed Hussein Suale, membre de l’équipe de Tiger Eye dirigée par le journaliste d’investigation, Anas Aremeyaw Anas, n’a toujours pas obtenu justice après que des hommes armés inconnus l’ont tué à Accra le 16 Janvier 2019.
En ce qui suscite certainement de profondes inquiétudes quant à la sécurité des journalistes au Nigeria, quatre journalistes ont été tués dans des incidents distincts au cours de l’année 2017.
Famous Giobaro était rédacteur de la chaine publique Glory FM 97.1 dans l’État de Bayelsa. Sa famille n’a toujours pas obtenu justice après que des inconnus lui aient tiré dessus et l’aient tué dans sa résidence le 16 Avril 2017.
Lawrence Okojie, de la Nigeria Television Authority (NTA) dans l’État d’Edo, a été tué par balles par des inconnus alors qu’il rentrait du travail le 8 Juillet 2017. La famille d’Okojie attend toujours que justice soit faite.
Ikechukwu Onubogu, cameraman des Services de radiodiffusion d’Anambra (ABS), a été retrouvé mort par balle le 16 Novembre 2017, quatre jours après avoir été porté disparu par sa famille.
Abdul Ganiyu Lawal, journaliste indépendant dans l’Etat d’Ekiti, a été retrouvé mort dans la brousse le 23 Novembre 2017.
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Dans chacun des cas, la victime a été abattue par des tireurs inconnus dans des circonstances qui n’ont pas encore été élucidées. Malgré une pétition adressée à l’Inspecteur général de la police du Nigéria par le MFWA en 2018, ces cas ne sont toujours pas résolus.
En Guinée, la famille du journaliste El Hadj Mohamed Diallo, abattu le 5 Février 2016 alors qu’il travaillait pour le site d’information Guinee 7, n’a toujours pas obtenu justice. Dans un verdict controversé rendu le 9 Janvier 2018, le juge Mangadouba Sow a condamné Souleymane Bah, ancien membre de l’opposition, à la perpétuité et deux autres à deux ans de prison chacun, tous par contumace. Jusqu’à ce ce moment, qu’aucun des condamnés n’ait purgé sa peine.
Lors d’un évènement organisé à l’occasion de la Journée Mondiale de la Liberté de la Presse en Mai 2019, Check Sako, ministre de la Justice d’alors, a admis que la justice n’a pas été rendue dans cette affaire et a promis qu’il y aurait un nouveau procès pour remédier à cette situation. Cependant, cinq mois après cette promesse, rien n’a été fait.
Outre ces cas emblématiques d’impunité, plusieurs violations ont été perpétrées à l’encontre de journalistes au cours de l’année 2019, tous les auteurs sont restés impunis et les victimes n’ont reçu aucune indemnisation.
Douze cas chacun d’agressions physiques et d’arrestations ou détentions arbitraires ont été enregistrés. Parmi ceux-ci figure le cas interminable de Jones Abiri, rédacteur en chef du journal Daily Source, qui a été arrêté de nouveau le 30 Mars 2019 environ six mois après avoir été libéré sur ordre du tribunal après une détention illégale de deux ans. Le deuxième séjour d’Abiri en prison a duré sept mois, ayant été libéré sous caution le 25 Octobre 2019.
Non seulement le gouvernement nigérian n’a pas payé les 10 Millions de Naira (environ 27 500 dollars US) de dommages et intérêts accordés au journaliste dans une décision de la Haute Cour d’Abuja du 18 Septembre 2018, mais il continue de le harceler par de nouvelles détentions.
Toujours au Nigeria, l’affaire Precious Owolabi, journaliste de Channels Television, qui a été mortellement touché par une balle alors qu’il couvrait un affrontement violent entre les forces de sécurité et des manifestants à Abuja le 22 Juillet 2019, n’a pas été resolu.
Dans un autre cas d’arrestation et de détention arbitraires, des agents de la sécurité nationale au Ghana, le 27 Juin, ont arrêté et détenu Emmanuel Ajarfor Abugri, rédacteur en chef adjoint, et Emmanuel Yeboah Britwum, journaliste de ModernGhana.com après avoir pris d’assaut les bureaux du journal en ligne. Les journalistes, qui ont été détenus pendant trois jours, ont déclaré avoir été torturés.
Appel aux Gouvernements des Pays Concernés à Prendre des Mesures pour Mettre Fin à l’Impunité
La MFWA condamne fermement les meurtres, les arrestations arbitraires et les harcèlements commis contre des journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.
Au vu de de ce qui précède, le MFWA réitère son appel au gouvernement nigérian pour qu’il accélère les enquêtes sur l’assassinat en 1997 des quatre journalistes et qu’il rende justice à la famille de Precious Owabi, qui a été tuée en couvrant la répression récente d’une manifestation du groupe chiite au Nigeria.
Nous exhortons en outre le gouvernement de la Guinée à rouvrir le procès d’Elhadj Mohamed Diallo et à veiller à ce que justice soit faite.