Les campagnes électorales au Burkina Faso face à la COVID-19: Les reséaux sociaux  à la rescousse

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Photo credit: VOA/E

13 candidats sont en lice pour la présidentielle du 22 novembre 2020 au Burkina Faso. La campagne électorale bat son plein sur le terrain, mais pas avec l’enthousiasme et l’ardeur habituels. La nécessité de respecter les protocoles de la COVID-19 a contraint les candidats et les partis à exploiter les vertus des médias sociaux et les campagnes en ligne se sont avérées sensationnelles. Chaque candidat déploie sa stratégie. Même si certains ont du mal à mieux s’affirmer sur internet, d’autres se démarquent à travers un usage particulier du numérique.

Sont de la course pour le fauteuil présidentiel Tahirou Barry (MCR), Zéphirin Diabré (UPC), Ségui Ambroise Farama (OPA-BF), Roch Marc Christian Kaboré (MPP), Monique Yéli Kam (MRB), Eddie Komboïgo (CDP), Ablassé Ouédraogo (Le Faso Autrement), Gilbert Noël Ouédraogo (ADF-RDA), Kadré Désiré Ouédraogo (Agir Ensemble), Kiemdoro Do Pascal Sessouma (Vision Burkina), Abdoulaye Soma (Mouvement Soleil D’Avenir), Claude Aimé Tassembédo (Candidat indépendant) et Yacouba Isaac Zida (MPS).

Chaque candidat est plus ou moins actif sur les réseaux sociaux notamment Facebook (le réseau le plus prisé). Les plus actifs et les plus suivis sur Facebook sont Tahirou Barry, Zéphirin Diabré, Roch Marc Christian Kaboré, Eddie Komboïgo, Yacouba Isaac Zida, Gilbert Noël Ouédraogo, Kadré Désiré Ouédraogo et Ablassé Ouédraogo.

Seuls les candidats et/ou leurs partis (Zéphirin Diabré, Roch Marc Christian Kaboré, Gilbert Noël Ouédraogo et Yacouba Isaac Zida qui vit d’ailleurs en exil au Canada) sont présents sur le réseau social Twitter. Ce sont également presque les mêmes candidats qui exploite un site web. Ainsi, rien que par la forme, l’on peut noter un contraste dans l’utilisation du numérique par les candidats à l’élection présidentielle de 2020.

C’est Eddie Komboïgo du CDP (parti de l’ex-Président Blaise Compaoré), qui a été le premier à entamer des directs (ou live) sur sa page Facebook depuis le début de la campagne électorale le 31 octobre 2020. Les autres qui se contentaient de publier des photos et des textes ont fini par suivre sa méthode. Roch Marc Christian Kaboré, candidat à sa propre succession, a débuté sa campagne avec près d’une semaine de retard (le 4 novembre, son premier direct date du 5 novembre à 14h 56) en raison des obsèques de son père décédé le 27 octobre.

En termes de nombre de publications, il dépasse de loin les autres candidats avec en moyenne une vingtaine de publications par jour sur Facebook. Et sur Twitter, c’est toujours lui, le Président-candidat Roch Kaboré, qui est le plus actif avec en moyenne une dizaine de tweets par jour. Les publications des différents candidats sur les réseaux sociaux portent essentiellement sur leurs activités de campagne. Mais certains s’illustrent par la création de concepts ou tout simplement par des répliques. Plusieurs buzz ont été ainsi créés suite à des propos de campagne relayés sur Facebook par les candidats, les militants et activistes de partis.

C’est le cas de cette expression « Hakuna Matata » (Pas de problème en langue swahili au Kenya) balancée par Simon Compaoré, Président du parti au pouvoir (MPP) et directeur national de campagne de Roch Kaboré, au cours d’un meeting. Le candidat du CDP, Eddie Komboïgo, n’a pas tardé à réagir : « Hakuna Chiida » (comme pour dire qu’« il y a des problèmes » dans le pays). Ces deux réactions ont été diffusées sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter et YouTube) par des militants ou des activistes.

Quelques jours après cet épisode, Simon Compaoré s’est illustré dans une vidéo qui circule sur Facebook et WhatsApp dans laquelle il a failli commettre une bourde. En effet, en voulant dire Président Roch Kaboré, on entend bien : « Président B… ». Les commentaires n’ont pas manqué de fuser de partout sur la toile selon lesquels le Président du parti au pouvoir allait prononcer le nom de l’ancien Président du Faso, Blaise Compaore. Le même Simon Compaoré, dans une autre vidéo de campagne diffusée sur Facebook confond le CDP et son parti, le MPP : « Il y a des gens qui ont bénéficié de la mise en œuvre du programme du président Roch Marc Christian Kaboré et qui jurent qu’il n’a rien fait, que le CDP n’a rien fait… ».

Un autre évènement qui a fait la une des réseaux sociaux durant cette campagne porte sur la volonté de Zéphirin Diabré qui a déclaré vouloir construire un tunnel de la mer jusqu’au Burkina Faso. Les jours suivants, le leader de l’UPC est revenu sur ses paroles : « Canal est à part, tunnel est à part. S’ils n’ont pas fait une bonne école, ce n’est pas de notre faute. Nous on veut faire un canal. Nous, nous voulons désherber et dessabler les différents fleuves pour mieux en profiter ».

Pendant ce temps, Abdoulaye Soma promet la création d’une société minière d’Etat et d’un fonds monétaire burkinabè de 100 milliards de FCFA. Tahirou Barry, quant à lui, annonce vouloir faire du Sahel une véritable usine de transformation de lait alors qu’au même moment Roch Marc Christian Kaboré s’engage à gagner le pari de la sécurité et de la stabilité du pays.

Entre joutes verbales rapportées sur internet et publications ciblées, les différents candidats s’envoient des flèches souvent, se rendant coupables de non-respect du pacte de bonne conduite qu’ils ont signé le 26 octobre 2020. Et la situation s’empire surtout lorsque ces propos ou faits sont rapportés par les médias notamment en ligne et sur les réseaux sociaux.

Le Pacte de bonne conduite étant considéré comme un moyen juridique supplémentaire qui consacre l’engagement sur l’honneur des acteurs politiques, médiatiques et de la société civile, à conformer leurs conduites aux aspirations profondes de la paix et de la cohésion sociale. Au fait, le bilan à mi-parcours établi le 12 novembre par le Conseil supérieur de la communication (CSC) de la couverture médiatique de la campagne fait ressortir 9 cas de violations de la règlementation, de l’éthique et de la déontologie par 8 organes de presse dont 3 médias en ligne. Il s’agit entre autres du relais de propos liés à la question sécuritaire.

« S’il y a une seule région au Burkina Faso qui a souffert pendant 5 ans du pouvoir du MPP, c’est la région de l’Est. Le MPP vous a livrés, abandonnés, et vous a jetés aux terroristes et ils sont à Ouagadougou ». Ces propos de Zéphirin Diabré rapportés par plusieurs organes de presse dont le média en ligne Burkina24 ont été considérés par le Conseil supérieur de la communication (CSC) comme un manquement et une violation du Pacte de bonne conduite.  « Il y a quelqu’un qui s’est assis à Kossyam (palais présidentiel) pour dire qu’il a reçu un certain nombre de personnes dès le début en 2016. Allez lui poser la question, qui connait qui » (Eddie Komboïgo), a également relayé sur sa page Facebook la radio Oméga qui a été aussi épinglée par le CSC.

« Moi, je dis, je suis totalement inclusif, je ne suis pas régionaliste. Depuis un certain temps, on a su que le pouvoir est dans le Centre. Le régionalisme est condamnable. Si, Vision Burkina prend le pouvoir en 2020, le pouvoir d’Etat reviendra au Centre, donc à l’ethnie Moaga jusqu’en 2030 obligatoirement. Si on prend le pouvoir, on va proposer Juliette Bonkoungou comme présidente jusqu’en 2030. On va inverser les choses, des fois avec des présidents issus de l’Ouest, du Nord, etc. Mais aussi, des Premiers ministres issus de l’Ethnie Moaga et des autres ethnies. On va choisir les meilleurs pour diriger le pays. C’est une politique d’Etat que je propose pour apaiser toutes les composantes de ce pays-là », ces propos de Do Pascal Sessouma tenus sur lefaso.net sont également considérés par l’autorité de régulation comme un manquement au Pacte signé.

Par ailleurs, s’il y a un fait qui a jusque-là marqué cette campagne électorale notamment sur les réseaux sociaux, c’est l’élan de solidarité exprimé par les différents candidats après l’attaque terroriste survenue à Tin-Akoff le 11 novembre 2020. 14 militaires burkinabè ont perdu la vie. Cette attaque a suscité des émois chez les candidats qui ont décidé de décréter deux jours de deuil et de suspendre toute activité de campagne et même sur les réseaux sociaux. Les candidats ont d’ailleurs fait individuellement ces annonces à travers les réseaux sociaux (Facebook et Twitter).