L’assassinat d’un journaliste d’investigation au Ghana, une attaque à main armée contre une station de radio au Libéria et l’assaut des locaux d’un journal par des soldats au Nigéria constituent les faits saillants des violations de la liberté de la presse en Janvier 2019.
La fraternité des médias au Ghana a entamé l’année 2019 de la manière la plus dévastatrice avec l’assassinat d’Ahmed Hussein Suale, journaliste d’investigation, qui a été tué par balle par des hommes armés inconnus à Accra le 16 Janvier. Le journaliste était membre de l’équipe d’enquête Tiger Eye PI dirigée par Anas Aremeyaw Anas. Le défunt a joué un rôle de premier plan dans le documentaire de Tiger Eye PI, qui a mis a nu des incidents impliquant plus de 70 arbitres au Ghana et en Afrique, prenant des pots-de-vin des agents infiltrés pour favoriser certains clubs et équipes nationales lors des diverses compétitions. La vidéo documentaire montrait également que plusieurs officiels de football recevaient des pots de vin pour porter préjudice au fair-play. Les arbitres impliqués ont été interdits par la Confédération Africaine de Football. Kwesi Nyantakyi, président de la fédération ghanéenne, a été démis de ses fonctions en tant que membre du Conseil de la FIFA.
Au cours de la journée fatale de l’assassinat d’Ahmed Suale (le 16 janvier), une équipe de cinq personnes du groupe AYV Media a été brutalisée par des membres du parti de l’opposition All People’s Congress (APC) de la Sierra Leone. L’équipe, dont deux femmes, s’était rendue chez l’ancien Président Ernest Bai Koroma pour un rendez-vous d’entrevue. Cependant, une remarque désobligeante d’un responsable du parti, accusant AYV Media d’être anti-APC, a incité les autres partisans présents à la résidence de l’ancien président contre les journalistes. L’équipe a été agressé physiquement et certain de leurs équipements ont été endommagés.
Mais dix jours avant la scène d’assassinat d’Ahmed Suale et d’AYV, le 6 janvier, des militaires de l’armée nigériane se sont déchaînés contre le journal Daily Trust. Les soldats ont d’abord pris d’assaut le bureau régional du journal à Maiduguri et ont arrêté le rédacteur en chef régional, Uthman Abubakar, ainsi qu’un journaliste, Ibrahim Sawab, après avoir fouillé les lieux. Au siège du journal à Abuja, les soldats ont emmené une équipe de production et plusieurs ordinateurs de bureau.
Un autre média a été attaqué le 31 Janvier au Libéria. Trois hommes armés soupçonnés d’être des sympathisants du gouvernement ont maîtrisé le personnel de sécurité de Roots FM et ont ensuite détruit du matériel dans les studios de la station. L’attaque a eu lieu à l’aube, au lendemain d’une émission particulièrement critique de la chaîne dans laquelle la politique du gouvernement au pouvoir est éclaboussée par un certain nombre de prétendus scandales.
De retour au Nigeria, trois journalistes de trois médias: Emmanuel Oladesu de The Nation, Temitope Ogunbanke de News Telegraph et Abidoun Yusuf de Ibile Television ont été blessés par balle alors qu’ils couvraient une campagne politique le 8 Janvier. Les trois journalistes ont été pris dans des tirs de coups de feu croisés entre deux factions rivales du Syndicat National des Travailleurs.
En Guinée, le 3 Janvier 2019, Moussa Yero Bah, d’Espace FM, journaliste et militante des droits des femmes, a été condamnée à payer l’équivalent de 2500 Dollars US, suite au procès en diffamation intentée contre elle par un homme d’affaires. Le montant dépasse le maximum de 1100 Dollars US prescrit par le code de la presse guinéen pour les infractions de presse. Yero avait prétendu que l’homme d’affaires avait usé de son influence pour faire condamner sa servante pour vol. La femme de ménage aurait révélé à Yero qu’elle avait été violée à plusieurs reprises par le plaignant, ce qui l’avait conduite à tomber enceinte.
Quelques jours plus tard, la pendule bascula vers la répression de la liberté de réunion. Les autorités de l’Université du Libéria imposèrent une interdiction illimitée des activités à tous les groupes politiques d’étudiants à compter du 11 Janvier. L’interdiction concernait également le port de symboles des partis politiques sur le campus de l’université. Les étudiants ont déclaré que cette mesure “visait à faire cesser le plaidoyer des étudiants contre les maux du gouvernement, tels que la corruption et d’autres problèmes liés à la mauvaise gouvernance”, et ont promis de la défier.
La violation du droit de réunion pacifique s’est poursuivie, cette fois en Guinée, où, le 22 Janvier, le maire de Conakry a interdit une manifestation prévue par une coalition d’organisations de la société civile se faisant appeler la Force sociale de Guinée (FSG). Le maire a évoqué un arrêté du ministre de l’Administration territoriale en juillet 2018 interdisant toutes manifestations et protestations publiques dans le pays et a insisté sur le fait qu’il était toujours en vigueur.
Le groupe affirme toutefois qu’il est illégal d’interdire de manière illimitée les manifestations. En conséquence, ils ont déposé plainte le 28 Janvier devant un tribunal de Conakry, demandant que le décret soit déclaré anti-démocratique, anticonstitutionnel et contraire au droit à la liberté de réunion et manifestation pacifique.
Une autre attaque contre la liberté de réunion et d’opinion a eu lieu le 18 janvier lorsqu’un activiste politique togolais, Foly Satchivi, a été condamné à deux ans de prison avec un an de sursis. Satchivi, le chef du groupe de pression politique ‘’En Aucun Cas’’, a été arrêté et placé en détention en Août 2018 et inculpé de «trouble aggravé à l’ordre public» et de «rébellion». Les charges levées contre Satchivi sont en lien avec sa participation et son soutien affiché aux sériés de manifestations organisées par les forces de l’opposition et de la société civile qui ont secoué le Togo depuis Août 2017, des manifestations que le gouvernement a souvent qualifiées d’illégales.
En Côte d’Ivoire, le 28 janvier, Nahoum Daleba, un militant du groupe de pression politique, la Coalition des Indignés de la Côte d’Ivoire, a comparu devant un tribunal pour avoir critiqué la publication sur Facebook. Il était accusé de “publication de fausses informations sur des questions politiques nationales et internationales”.
Toujours en Côte d’Ivoire, un membre du Parlement, Alain Lobognon, a été condamné à un an de prison “pour publication de fausses informations et incitation à la révolte”. Les accusations se rapportent à un poste sur Twitter dans lequel Logbognon a indiqué que le provoquer bientôt l’arrestation d’un collègue législateur qui faisait l’objet d’une enquête pour présumés actes de corruption. Le procureur général a démenti ces informations et ordonné l’arrestation de Logbognon, malgré les protestations du Parlement selon lesquelles le législateur jouissait de l’immunité parlementaire.