Trois activistes de la société civile détenus depuis le mois de mars 2020, se sont vus refuser la liberté malgré l’octroi d’une caution.
Le 6 août, un tribunal de Niamey a accordé une caution de 5 millions de francs (environ 9 200 dollars US) à Moudi Moussa (journaliste et syndicaliste), Halidou Mounkaila (du syndicat d’enseignants SYNACEB) et Maikoul Zodi (coordinateur national du mouvement mondial Tournons La Page). Cependant, le procureur a fait appel de cette décision, obligeant le tribunal à surseoir à l’exécution de la caution. Le 15 Septembre, la cour a validé le recours du procureur et annuler la caution.
Ces trois défenseurs des droits humains ont été emprisonnés suite à l’organisation, en mars dernier, d’une manifestation de soutien aux forces armées nigériennes. L’armée nigérienne est perçue comme sous-équipée pour mener son combat anti-insurrectionnel en raison de la corruption présumée dans la passation des marchés.
La manifestation prévue le 15 mars avait été interdite deux jours avant à titre de mesure préventive contre la pandémie de COVID-19. Les organisateurs ont maintenu le mot d’ordre et les forces de l’ordre sont intervenues de manière musclée pour disperser la foule. Le bilan était de trois morts parmi les civils et plusieurs bâtiments endommagés. Au moins 15 militants avaient été arrêtés, dont six placés en détention provisoire. Trois des détenus ont été libérés provisoirement en mai.
Les accusations portées contre les trois activistes comprennent « l’organisation d’un rassemblement non autorisé, incendie criminel, dommages aux biens publics et homicide involontaire ».
L’arrestation et la détention des militants de la société civile ont depuis été suivies de l’arrestation de deux journalistes pour leurs publications anti-corruption.
Le 10 juin 2020, Samira Sabou, journaliste et militante, a été arrêtée après qu’elle ait publié sur Facebook des allégations de corruption dans le cadre d’achats militaires. Elle a comparu devant un tribunal le 14 juillet pour diffamation par voie électronique en vertu de la loi nigérienne sur la cybercriminalité. Sabou a été libérée par un tribunal de grande instance de Niamey le 28 juillet 2020, après avoir passé 47 jours en détention, le tribunal ayant déclaré que le crime pour lequel elle avait été inculpée n’était pas constitué.
Le 12 juillet 2020, la police a arrêté le journaliste d’investigation Ali Soumana, suite à sa publication sur les réseaux sociaux d’un article concernant le même scandale. Après avoir été détenu pendant deux nuits, il a comparu devant un juge le 14 juillet et a été libéré sous caution.
Le Niger est en train de sombrer dans le despotisme en ce qui concerne la liberté d’expression. En mai, l’Assemblée nationale a promulgué une nouvelle loi qui permet aux autorités d’intercepter les conversations téléphoniques dans le cadre de la réponse de l’État à la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale.
Il est inacceptable pour une démocratie de suivre la ligne dure contre le droit à la liberté de rassemblement en interdisant les manifestations et en arrêtant des manifestants. Nonobstant, la prétendue interdiction de la manifestation, le gouvernement du Niger a le devoir d’assurer la sécurité des manifestants. La Fondation des Médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA) condamne donc l’attaque mortelle contre les manifestants et la détention des leaders de la contestation. Nous exhortons les autorités à libérer Moussa, Mounkaila et Zodi et à abandonner les fausses accusations qui ont été portées contre eux.